L’intrus

« Dis-moi ce qui ne va pas ma fée. »
« Maman c’est quoi un intrus? »
« C’est quelqu’un qui n’est pas invité Chérie… »
« Et c’est méchant un intrus? »
« Pas toujours mon cœur. »
« En Israël, c’étaient des intrus? »
« De méchants intrus, oui mon amour. »
« Et à mon école Maman? »
« C’est un exercice mon coeur, c’est pour… Non rien mon ange. »
« Qui me protège Maman? »
« À la maison Chérie, c’est Papa et Maman. »
« Et à l’école? »
« La directrice et les maîtresses.
Haïm et tous les messieurs de la sécurité. Et puis la police aussi! »
« Et si les intrus rentrent quand même Maman, qui me protège? »
« Il faut croire que D’ieu sera là pour veiller sur vous mon amour. »
Silence…
« Mais Maman, en Israël, c’est D’ieu qui a voulu! »
Prostration et rivalité intérieure…
« C’est la question que l’on se pose tous et depuis toujours mon amour, tu dois croire que ceux qui sont morts en Israël le sont pour te servir de bouclier à toi, ma petite fille. Tout ira bien. Je suis là. On est là… »
Voici -mot pour mot, point pour point- la conversation qui fut celle que j’eus avec ma fille de 5 ans le samedi 21 octobre dernier en rentrant de la synagogue.
Hadassa et moi assistions à une Bar mitsva et post prières, au moment du traditionnel Kiddoush, buffet de mets célébrant l’accomplissement du devoir religieux, alors que je tentais de satisfaire le caprice culinaire de ma petite, j’ai manqué d’attention. Je n’avais pas noté que son oreille gauche s’était attardée sur la conversation de deux convives âgés d’une quarantaine d’années. À l’instant où ces derniers, emportés dans leurs constats et par leurs états, prononcèrent le mot “Guerre”, ma fille laissa couler entre ses jambes le flot de peurs retenues depuis deux semaines, ces peurs dont nous voulions l’épargner, mais qui transperçaient nos pleurs contenus, dont nous pensions pouvoir étouffer les causes.

Depuis tout ce temps, une date que je n’arrive même pas à retranscrire pour l’instant, je n’ai rien su écrire.
Il est des temps où la réserve est de mise.
Ô j’ai bien un avis, clair net et circonstancié, mais un fou avisant bien un sage, la réciproque ne fonctionne malheureusement pas.

Ce matin, l’école de ma fille a été évacuée, puis fouillée et réintégrée, comme bien d’autres écoles juives, suite à une alerte à la bombe.
Alors entre “Mamans” nous nous sommes questionnées ?
Céder ? Absenter ? Déscolariser ?
Pour combien de temps ?
Cela se produira ? Oui, sans doute… Où ? Quand ? Comment ? Sortir du cadre comme pour nourrir une statistique macabre ?
Mon parti pris c’est évidemment que d’être Homme c’est résister, c’est anticiper, faire confiance en nos institutions et continuer à offrir cette chance à nos enfants d’apprendre et par suite d’exister, pour ce qu’ils sont tels qu’ils sont.
Mais qui puis-je à présent convaincre ? Avec quelle décence puis-je argumenter ?

Nous vivons, oui, comme un recommencement de quelque chose d’un autre temps, que l’on pensait avoir éradiqué, si ce n’est conjuré au moins abjuré.
« Et les optimistes, on sait comment ils ont fini. » rétorquait ce matin une de ces « mamans ».
Pensée mortifiante, irréductiblement obsédante… La bête immonde est de retour, qui l’eut cru? Avait-elle disparu?
Et je suis en colère, oui je suis très en colère que mes parents aient à nouveau à l’affronter, ces parents, les miens, les vôtres, les nôtres, qui en filigrane l’avaient tous déjà rencontrée et la côtoyaient en dépit de l’effort incessant de nos grands-parents de lui écraser la tête, pour permettre à leurs enfants (comme nous aujourd’hui, fichu 2Pi R) d’être pleinement vivants de corps oui mais aussi de coeur et d’esprit.

Telle est Israël, son existence, son symbolisme et surtout sa réalité, celle de notre survie, à tous.
Alors quitte à être de ces fous, je vais tenter d’en être l’ambassadrice, et cet avis que vous n’avez pas sollicité, je vais le clamer, avec mon humanité et ma judaïté, qui en est un des outils ou vice versa je ne sais plus bien.

Personne de sensé ne peut soutenir un « cessez-le-feu » et je vous explique pourquoi à la lumière de trois exposés en abrégé…

Volontairement, je vais laisser de côté le débat ancestral du conflit de territoires, bien qu’il soit l’aval le plus fréquemment ameuté pour défendre l’action terroriste et la pervertir en une forme de résistance crasse.
Propos impropre s’il en est, puisque lors de la Guerre des Six jours, après que les nations arabes n’aient eu attaqué Israël et que cette dernière en soit sortie victorieuse, le partage proposé par le colon britannique fut remis en cause.
Qui perd une guerre, perd la terre, c’est l’histoire du monde…
De ceci -et ce bien que les dirigeants successifs d’Israël eurent rendus une partie des terres conquises à leurs assaillants- la frustration légitime d’un peuple déplacé a fait gronder les ventres et les cœurs de nombre de palestiniens et d’israéliens, ceux-là même, les idéalistes juifs qui vivaient à la frontière de la Bande de Gaza, conduisant les négociations de paix avec leurs voisins et amis par delà le fil barbelé et qui furent trahis de gré ou de force pour être vendus morts ou vifs au Violent, le bien-nommé Hamas…

Exit aussi, votre incompréhension de cette appellation protéiforme, hétéroclite “palestinien” qui désigne tout aussi bien le cisjordanien à l’Est (lui-même soit jordanien, soit arabe israélien de souche) que le gazaoui au sud plutôt égyptien, que pourquoi pas le juif israélien né sur le sol palestinien, tel que nommé en un autre temps, que l’immigré syrien (djihadiste ou non).

Personne donc de sensé ne peut soutenir un « cessez-le-feu » -et ce bien que nos tripes se nouent à triple tour- et je vous explique pourquoi à la lumière de trois exposés en abrégé.

1/ Une dialectique pratique : la libération des otages.
Depuis 2005, Gaza a souhaité et obtenu une administration indépendante.
En 2006, se sont tenues des élections, agrégeant le Hamas, comme s’il put être un parti politique. On se rappelle que “politique“ entend étymologiquement traiter du rapport de la cité et par extension du citoyen à la diversité, comme une forme de liberté, ce qui ici est le comble de l’ironie. Qui s’opposait à sa cooptation artificielle se trouvait menacé lui et toute sa famille! Qui tentait de monter son propre mouvement indépendant ou simplement d’étudier se voyait torturer, risquant de mettre en péril le système d’asservissement primaire à jamais intronisé.
Sans surprise, il n’y eut plus aucun vote organisé depuis les élections législatives de 2006.
Bref, le Hamas s’est en apparence acheté une légitimité, tout en fomentant un plan.
Des milliers de kilomètres furent creusés en souterrains. Pendant ce temps-là, et ce n’est que pure réthorique de le signaler, pas un abri ne fut construit…
Gaza est -je crois- l’endroit où j’ai pu voir de mes yeux le plus grand fossé de richesses entre les villas des Chefs, et les habitations délabrées des personnes y ayant résidence. Pas une aide humanitaire n’est reversée, pour être plutôt habilement allouée au confort des fats.
Où se situent ces tunnels ? Stratégiquement, sous les écoles, hôpitaux, partout où il serait impossible de les déloger.
C’était l’idée de Mohammed Deïf que l’on connaît à présent pour être le commanditaire des atrocités commises il y a trois semaines.
Ce jour est présent dans son esprit et celui de ses compères depuis des décennies, et pas mus par une volonté révolutionnaire non, la révolution ne peut philosophiquement que servir le peuple et non le desservir, non, agités par une intention génocidaire, rencontrant son relais ici et ailleurs, tuer le symbole de la démocratie et éliminer les valeurs accolées.

L’armée d’Israël et -c’était l’objectif escompté donc- doit, au péril de la vie de tous, délivrer ses otages qu’il sait être hébergés ici bas afin de servir lieu de sujets de dissuasion, le Hamas réclamant l’impossible en leur place : le relâchement dans la nature de près de 7000 prisonniers, captifs pour faits de terrorisme et menaçant la pérennité de chacun d’un côté et de l’autre de la palissade.

L’armée de défense d’Israël, Tsahal (Tsva Hagana) la bien nommée, n’a pas le choix…
Elle enjoint donc aux habitants de Gaza d’évacuer proposant des solutions de repli afin de pouvoir bombarder autour, avisant les médecins 24h avant pour pouvoir entrer en ces dessous humides, boueux, minés, la mort des uns pour les autres, comme un renoncement à soi pour l’autre, pour une entité plus vivante que l’individualité…

Tsahal, c’est elle : la seule armée concernée par la survie des ressortissants formés à la haine du juif depuis les Écoles, qui épargne les vrais innocents d’aujourd’hui, faux innocents de demain, nos futurs bourreaux.

Qui est intrègre accréditera qu’on n’avait jamais vu une guerre où un ennemi fournit un plan à la police partenaire/adverse pour évacuer avant son intervention.

Bref, Tsahal – disais-je- n’a pas d’option B, elle doit entrer et Israël ne doit pas céder, parce que le Hamas n’a pas la vie en vue, parce que sauver les innocents c’est cette dialectique infernale de les mettre circonstanciellement en danger!

Les soldats d’Israël sont les mêmes jeunes hommes et jeunes femmes que ceux qui furent kidnappés, brûlés vifs, mutilés, assassinés, c’est notre jeunesse et une Légion juive des cinquantenaires ne pourrait jamais suppléer leur vigueur mais surtout leur goût pour la vie, la leur et celle des autres, celui-ci même, ce soin de la vie, qui nous assure qu’un maximum d’êtres vivants seront épargnés.

Voilà qui est l’armée d’Israël…

2/ Un argument psychologique : le statut d’ennemi.
Israël a dévoilé une faille sécuritaire, une quasi énigme que -le temps venu- il faudra résoudre.
Israël, rappelez-vous, c’est de long en large la superficie l’île de France.
Israël ce n’est pas un État juif mais c’est l’Etat des juifs, parce qu’un peuple sans terre n’est pas un peuple, puisque ce dernier n’a pas de refuge.
Un peuple circonscris-je : le peuple juif qui recouvre 0,02 % de la population mondiale…

Rendez-vous compte : Israël, -celle-là de notre innombrable petitesse numérique- est entourée d’ennemis (Liban, Iran, Syrie…) et s’est montrée faillible.
Il lui faut répondre ou bien concéder et devenir la proie d’un, de tous…

Israël ne se défend pas!
Par définition, “La Défense” c’est au moment de l’attaque.
L’enjeu est bien plus crucial ici, puisqu’elle se protège…
Et la communauté internationale s’en émeut bien sûr, mais se flagelle-t-elle pour les enfants afghans, pour les enfants coréens…? Oserait-elle s’opposer aux milices ukrainiennes et à la riposte juste? Ou parce qu’Israël est aussi la juive, elle devient la fautive.
Oui, le risque est colossal mais Israël n’a pas le choix.

Cela ne s’entend pas, Israël, le berceau d’une culture de 0,02% du monde, le repère de tous les cultes, ne rompt pas!
Elle ne plie pas, elle s’élève, elle rugit, elle prend des garde-fous mais elle agit.
Son ennemi, notre ennemi doit être éradiqué.

Nous sacrifions l’opinion internationale et nous vivons. Plus encore, nous vous offrons de survivre vous aussi, vous, nous, qui ne voulons pas d’un univers sans lumière!

Ce matin, encore, une femme a tenté de se faire sauter à la dynamite, dans une bibliothèque, apologue de la résistance de l’être, et sa coreligionnaire ou presque, une jeune femme musulmane de bien, implorait au micro : “laissez-nous vivre…. Je veux prendre le métro sans avoir peur… Je veux être qui je suis sans que vous m’éclaboussiez de votre perversion, sans que vous dénaturiez ma religion, qui est belle.”
Nous voulons être liés contre un ennemi commun : le noir de l’obscurantisme et de la haine et nous vous recouvrons de bleu et blanc, symbole de la protection par l’alliance de la force et de la pureté, que tous nous savons porter…

3/ Un appui culturel : la protection des valeurs.
On ne transige pas avec le terrorisme!
Après le 11 septembre, pouvait-on s’offusquer que soit faite la chasse aux talibans?

Israël porte la guerre du siècle : anéantir le groupe terroriste le plus menaçant de notre temps, machin informe dit “le Hamas” mélange pourtant de djihâdistes islamiques, d’ayatollahs et de factions du Hezbollah.
Des branches de sa mouvance se sont insinuées partout ici en Occident, Israël est le porte-fanion de son démantèlement et nous devrons suivre!

Parce qu’ici aussi, nous avons notre lot…

Des étoiles de David viennent d’être taguées sur les maisons, au pochoir…
Objectif :  désigner les prochains équarrissoirs.
Quel sarcasme!
L’étoile, c’est l’imbrication du bien et du mal : l’équilibre des tendances.
En chacun naît le bien et le mal, chacun détient le choix de ce qu’il nourrira…
Z, un ami de confession musulmane m’écrivît dès le premier jour de ce qu’il savait devenir une guerre incessante :
“On fait quoi maintenant?”
Réthorique de cœur.
Parce que lui c’est le coeur… sa culture l’induit.
Tout ce qui l’anime est absolu, au sens premier de l’adjectif.
De ce trait de l’Islam, la propension à l’extrémisme mais aussi pour son bon versant, l’authenticité, d’où le repli et le jusqu’au boutisme des convictions.
Princes chez eux, de leur État ou de leur famille.

Chez les Juifs, la culture est à l’hégémonie, de la richesse du savoir, des mœurs à… Marco Mouly pour 1 % de la population juive.
Usuriers banquiers pour avoir le droit à la propriété foncière , par la force de l’histoire, parce que peuple nomade, jamais chez eux.
Princes déchus donc chez les autres.
L’intégration -ce mot adoré-, la volonté d’appartenir à une société qui ne veut pas de toi pervertit un peu…

Z -empreint de sa culture- est “émet lamout” vrai jusqu’à la mort jusqu’au bout des chaussettes,
Mon père s’appelle Philippe et porte des costumes trois pièces. Ainsi fut la vie des juifs de Diaspora.

Et voici qu’est née la société israélienne : les israéliens ne se vêtissent pas de costume, ils sont là, exactement, précisément habités de cette effronterie du cœur.
Les rôles là-bas ce seraient-il inversés? Où est la vérité? C’est ainsi que s’ils n’alléguaient pas du Hamas, ou bien encore ne le daignaient plus, il eut fallu qu’ils le disent …

Alors P me demandait “vas-tu faire le tri dans tes amitiés?”
Impensable, la peur engendre la haine.
Je n’ai pas peur et je les aime.
Et moi de lui raconter ma théorie des bons traits culturels se transformant en démons deci mais aussi delà…

Je veux rester à l’image de mes ancêtres, de ceux qui ont résisté.
Mon âme de juive parce que je suis juive c’est de voir le bien chez mon prochain et en disant le bien m’efforcer de le faire jaillir.

C’est ma lecture de « yetser hara/yetser hatov » : du mauvais et du bon penchant, concept thoraique édifiant.
En chaque créature de D’ieu (qu’il soit toujours là ou pas) il y a le bien et il y a le mal : le tov et le ra.
Et chacun est in fine le résultat du regard que l’on a porté sur lui…
Par conséquent, le mauvais je le rends bon et j’espère que mon 0,02 % de relativité à l’autre allumera l’étincelle de son bon versant.

Alors Z, oui, on fait quoi maintenant?
Moi je rêve d’une marche d’union nationale, guidée par musulmans, juifs, chrétiens, taoïstes, hindous et j’en passe qui -sans se prononcer sur ce qu’ils ne comprennent pas- supplient qu’on n’importe pas ici nos scissions et dissidences et autres opportunismes de la bien-pensance…. Et je souhaite que l’intrus devienne celui qui fut invité mais n’est pas venu!
Je prie de ne plus lire “salope de juive” ni “un arabe reste un arabe” bien qu’il ne soit pas nouveau que les réseaux sociaux aient offert la parole aux cons.
Je me tourne vers le ciel et je conjure qu’on nous rende notre voûte, notre berceau, notre point commun universel.
Et que revivent nos sacrifiés, d’ici et delà des barbelés…

8 réflexions au sujet de « L’intrus »

  1. Sylvie

    Bravo Charlotte ! Quelle justesse
    Moi aussi je rêve de cette marche où nous serions tous main dans la main contre la haine et la barbarie humaine …
    Merci Charlotte
    Je partage ce texte évidemment

    Répondre
  2. Dancelme Franck-Luc

    Charlotte,
    Votre plume est juste et vos mots j’aurais aimé les écrire. Comment éviter l’obscurantisme face à des fanatiques qui propagent la haine des juifs et l’inculquent à leurs enfants dès le berceau?
    Je rêve comme vous, en tant qu’humaniste, d’une marche, mains dans les mains, de toutes les obédiences mais ces jours sombres me font penser que ce n’est qu’utopie tant que les bourreaux ne seront pas éliminés.
    J’ai Foi en l’Homme et sa raison, mais lorsque je vois chez nous des groupes politiques, tels LFI et la plupart de ses membres, attiser la haine sans vouloir reconnaître et nommer – par pure manipulation électoraliste – ce qu’est le hamas : des terroristes assassins.
    Votre plume est juste et pleine de bon sens.

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