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Origami affectif

Je l’ai entendue murmurer derrière la porte. Pas assez fort pour les murs, mais juste ce qu’il faut pour que le battement d’un cœur maternel saisisse tout.

Elle parlait à son nounours. Celui qui représente notre complicité. 

Assise sur le bord de son lit, les genoux relevés et serrés, le front grave, le regard lumineux.

— Tu n’répètes rien, hein, toi ? C’est pour ça que j’t’adore. Parce que tu ne dis jamais rien. 

Moi j’l’aime, David. Il est gentil, à la cantine il nous fait rire tout le temps, il travaille bien à l’école, il est très beau, même s’il a les cheveux trop longs. Et j’l’aime même quand il ne fait rien. C’est grave, tu crois ? J’ai des guili, guili dans mon ventre.

Je suis restée là, en apnée. Un instant suspendu entre le sourire et les larmes. Entre la douceur de son monde et la violence du nôtre.

Quelques jours plus tôt, elle l’avait confié à une copine. 

« Je suis amoureuse de David. » Elle l’avait soufflé comme on délivre un secret au vent. Et la copine, intronisée messagère, coquine en chef, l’avait réédité à la récréation, avec la fierté naïve des enfants qui jouent à la vérité.

David avait pleuré. Gêné, dépassé. Les larmes d’un garçon de six ans qu’on pousse dans une scène dont il ne sait appréhender le texte.

Ma fille, elle, s’est sentie responsable. Foudroyée de honte. Elle voulait partir. Quitter l’école, s’effacer du monde. Elle s’est approchée de la sortie, la tête courbée vers ses pieds. L’agent de sécurité, de mes amis, l’avait interceptée pour lui demander quelques comptes. Elle avait rétorqué qu’elle s’en allait, qu’elle ne pourrait plus revenir à l’école.

Il l’a rattrapée comme on rattrape un petit oiseau.

Puis la directrice -qui par joie passait par là- est arrivée, un peu surprise, un peu fatiguée, mais en tout temps capable d’autorité tendre. 

Informée, elle a pris ma fille par la main et l’a conduite jusqu’à David. 

Il sanglotait encore.

— Pourquoi tu pleures, toi ? a-t-elle demandé fermement.

Il n’a pas su traduire son embarras. Alors elle a ajouté, comme un trait d’or sous une égratignure :

— Un jour -tu verras- tu pleureras pour qu’elle t’aime.

Et à ma fille :

— Allez, va jouer, ma puce.

Ce jour-là, quelque chose s’est déplié en moi. Une gratitude encore plus personnelle pour cette femme, déjà si méritante à mes yeux, si humaine. Cette façon de nommer la beauté d’un cœur d’enfant, au lieu de la corriger.

Et maintenant, derrière la porte, je l’écoute. Elle continue son dialogue.

— Et puis j’le dirai plus jamais à personne, tu m’entends ? C’est un sentiment pour moi toute seule. Et toi aussi, tu ne dis rien, sinon j’te donne plus de cookies.

À nouveau, je retiens un rire, puis une larme. Je pense à toutes les choses que je n’ai pas su prononcer à son âge. À tous les mots dérobés que je n’ai pas osé plier dans mes poches. Elle, elle les nomme. Elle les exprime. Elle les vit déjà avec une délicatesse presque insoutenable.

Un jour, elle oubliera cette histoire. Peut-être.

Mais moi, je m’en souviendrai toujours. Comme d’un pli minuscule dans le tissu de son enfance. Un origami affectif. Une petite forme précieuse, trop fragile pour être exposée, mais assez forte pour tenir toute une vie dans le creux du cœur.

Le lendemain soir, au coucher, elle a remis à ma garde le fond de sa jolie « âme » en construction :

 — Maman, comment on sait lorsque l’on est amoureuse ?

— C’est quelque chose d’inexplicable Chérie, ça rend timide et rêveuse et puis surtout mon amour, ça doit rendre heureuse.

— Maman ?

— Oui mon trésor !

— Je crois que je suis amoureuse.

Et le mot a rebondi dans l’obscurité comme une bulle de savon. « Amoureuse ». Cette locution qu’on ne comprend qu’en l’énonçant doucement. Pas pour les grands. Pour soi.

Elle ressent qu’un autre existe et que ça la fait exister aussi. Elle entre dans le vertige de l’attachement, dans la mise en jeu de l’image de soi. Et déjà, sans le savoir, elle renonce un peu à être le centre du monde. Elle tourne son regard dehors. Vers quelqu’un qui ne lui doit rien. 

C’est une forme de liberté, déjà.

Et si ça fait peur aux adultes, c’est peut-être parce qu’on y reconnaît quelque chose de nous. Une faille, une intensité, un vertige premier. Cet amour-là n’est pas prématuré. Il est pur. Non pas candide, mais authentique. L’amour à cinq ans n’est pas un mensonge miniature. C’est une vérité à hauteur d’enfant.

Qu’elle est vivante. Vibrante. Capable d’éprouver un amour sans rien attendre. Juste pour le frisson de se rencontrer, de vivre un peu plus fort à travers l’autre. Elle entre dans le monde par la grande porte : celle de la passion. Elle choisit, elle projette, elle ressent — et déjà, elle accepte que l’autre n’éprouve peut-être pas pareil. C’est immense, à six ans.

Elle est libre, aussi. Autorisée à poser ses yeux à l’extérieur. À délaisser le giron, à se délier un instant de l’amour parental. C’est le signe que son monde intérieur est habité et en aucun cas clos. Elle ose l’altérité.

Et puis il y a son empathie. Elle ne s’apitoie pas parce qu’il l’a rejetée. Elle pleure parce qu’il a pleuré. 

Elle voulait disparaître, non pas par orgueil blessé, mais par chagrin pour lui. Ce que d’autres mettent toute une vie à concevoir, elle le discerne déjà, sans discours.

Ce n’est pas l’Œdipe, ce n’est pas du mimétisme. C’est un origami affectif. Un de ces moments précis où l’âme d’un enfant se plie et se déplie avec soin, pour apprendre à aimer sans se froisser.

Un jour, elle oubliera peut-être cette histoire.

Mais moi, non.

Je la garderai dans mon cœur comme un petit drapé précieux. Une figure simple et sacrée. L’amour, à six ans, dans toute sa vérité. Plus absolu que ce que bien des adultes appellent ainsi. Plus digne, aussi. Parce qu’elle l’a vécu avec la gravité des grandes choses.

Et moi -j’ai cette chance infinie- je l’ai entendue.

Shiraz et Ispahan

Toute lumière a son origine dans une rupture. Que celle-ci libère le peuple d’Iran de ses chaînes, sans plus jamais enchaîner son âme.

Chaque minute d’apaisement est une minute de trop pour ceux qui saignent encore, bâillonnés derrière les murs d’un régime qui ne tient debout que par la peur, la censure, la matraque et le deuil.

Ce cessez-le-feu est un poison lent.
Il ne pacifie rien. Il suspend la douleur.
Il donne au régime le temps de se réorganiser, de réprimer en silence, de tuer sans bruit.

Les Mollahs doivent tomber. Le peuple iranien ne peut plus, ne doit plus, être laissé seul entre leurs griffes. Nous ne pouvons pas tourner la tête, allumer nos écrans, commenter l’histoire comme si elle ne brûlait pas encore.
La sédition est une obligation, il faut l’encourager, la documenter, la financer et l’infiltrer, y participer de toutes nos possibilités.
C’est notre devoir collectif envers l’humanité.

L’Histoire a ses prophètes armés. Et parfois, le fracas d’un acte juste porte plus de paix que mille prières silencieuses.

Gloire aux enfants de Shiraz et d’Ispahan, ceux dont le sang parle la langue des rois, héritiers d’une civilisation millénaire, dignes jusque dans l’oppression, courageux même dans le silence.

Bientôt libres.

Espoir d’un Levant délivré de la terreur ici et ailleurs subtilement manipulée par les mains noires des mollahs, d’un Moyen-Orient où la justice ne se cache plus, où les peuples, tous les peuples, vivent debout.

Le lion fat et la petite souris


Il est des batailles qu’on ne livre pas.

Non par lâcheté, mais par lucidité.

Car certaines murailles sont si hautes, certaines armées si bien équipées, certains coffres si pondéreux, qu’y jeter sa vérité reviendrait à glisser un post-it sous la porte d’une tour de verre.

J’ai rencontré ce mur. J’ai vu l’assurance d’un puissant, cette morgue qui croit que le pouvoir blanchit tout, que la balance de Thémis penche toujours du côté de son or. La loi -m’assure-t-on- ploie comme un réseau sous le vent de ses choix.

Alors j’ai rengainé ma colère, avalé mon amertume, et choisi d’étouffer mon combat.

Mais l’affaire ne s’arrête pas là.
Un jour, raconte-t-on, un lion, délivré d’un piège grâce à une souris qui lui avait montré la sortie, refusa de payer sa dette.

— Que vaut ton aide ? railla-t-il. J’ai mes griffes, ma force, ma crinière.
La souris ne répondit rien. Elle s’éloigna, le cœur lourd.
Plus tard, le lion fut pris dans un filet. Cette fois-ci ses pattes, sa robustesse et sa fortune ne purent rien. Et c’est la petite souris, patiemment, obstinément, généreusement, qui rongea les cordes et lui rendit la liberté.

Le plus fort croit toujours que la victoire est dans sa taille. Mais parfois, c’est la mémoire du plus petit, infime mais incorruptible, qui décide de l’issue.

Le colosse fut sauvé.

Il put recommencer à bomber le torse. Mais qu’il s’en souvienne : la grandeur qui écrase finit toujours par trébucher sur ce qu’elle croyait insignifiant.

Et l’histoire le murmure à présent : nul géant n’est si grand qu’il puisse oublier sa petitesse originelle. 

La louve de braise et le loup d’acier

On raconte qu’au cœur d’une forêt que les hommes ont oubliée, vivait une Louve aux yeux d’amazonite.
Affable, toujours. On l’apercevait souvent s’adressant aux oiseaux, sacrifiant ses vivres au bonheur des écureuils, riant avec les cerfs à gorge déployée, aux matins perlés de rosée. 
Mais jamais, ô grand jamais, la louve ne se livrait. Tout ce qu’elle donnait aux autres était choisi, mesuré, offert comme un bouquet fermé. Ainsi, nul ne pouvait lire, sous la fourrure, les vieilles plaies, les failles et les secrets.

Jusqu’à ce soir d’hiver où, parmi les sapins immobiles, apparut un Loup.
Pas un loup ordinaire. Sa silhouette avait la droiture des arbres centenaires, ses gestes la précision d’une lame qui ne tremble pas. Chaque pas qu’il posait sur la neige semblait pesé par l’honnêteté-même. 
La Louve le vit, et sut qu’il ne mentirait jamais. Lui la fuya; pourtant, à peine son âme l’avait-elle discernée entre les bosquets, qu’il sut qu’elle ne trahissait pas. Elle était incorruptible, pour toujours et sans retour.

Il rebroussa son chemin et frotta le bout de son museau contre la gorge serrée de sa bien-aimée.

C’est alors que pour la première fois, elle ouvrit son cœur.
Elle lui donna son ventre chaud les nuits de gel, ses oreilles attentives, et même le chemin secret vers la source claire qu’elle gardait pour elle seule depuis tant de temps. Il lui offrit l’abri d’une épaule solide, et cette certitude rare : dans la tempête, il resterait debout.

Mais le Loup portait en lui une rigueur qui ne pliait pas. Toujours plus haut. Toujours plus loin. Toujours plus fort.
Les fruits qu’elle rapportait n’étaient jamais tout à fait mûrs. Les rivières qu’elle découvrait, jamais assez profondes.

Un jour, alors qu’elle revenait d’une chasse lointaine, haletante et joyeuse, elle le vit laisser un Renard s’approcher… et planter ses crocs dans son flanc. Pas pour la tuer. Non. Simplement pour tester la résistance de sa peau.

Elle poussa un hurlement de chagrin, qui retentit à travers les bois. Sa dignité s’emietta comme des braises après un grand feu. Mais elle ne partit pas.
Elle resta, loyale, malgré la plaie. Parce qu’aimer, pour elle, n’était pas compter les coups reçus, mais se souvenir des promesses faites.

Le Loup, parfois, croit sentir encore l’odeur de son sang sur la neige. La Louve, elle, porte toujours une entaille sur le cœur… mais tourné vers lui.

Et les anciens de la forêt murmurent encore cette morale :

La vraie force n’est pas de quitter pour se protéger, mais de rester fidèle à ce qu’on a choisi d’aimer.
C’est là que réside la liberté de la louve aux yeux d’amazonite, en symbole de sa paix intérieure autant que de son courage de ne jamais se défiler.

Couper, coller.

Il y a un âge – entre la dînette et la philo – où nos petites filles deviennent punk revêches et coiffeuses clandestines.

Un matin, l’idée leur vient comme ça… 

Mieux vaut-il qu’elles soient seules! Ma fille, elle, avait eu souscrit à l’assurance dispute modérée en s’achetant la complicité de l’une de ses amies les plus proches, les plus réceptives à son espièglerie. 

Elles se saisirent de ciseaux à mon insu, avec la détermination d’un chirurgien de guerre et la grâce d’un éléphant en roller. 

En dix secondes, elles se taillèrent une frange conceptuelle : asymétrique et trop courte. Le parfait cliché.

Je me souviens avoir tondu une Barbie jusqu’au crâne ou improvisé un carré approximatif à une poupée jadis ravissante, aujourd’hui recalée de l’école de la beauté.

Alors je les ai un peu grondées, pour la forme mais au fond j’ai ressenti de la satisfaction. J’avais réussi quelque chose : ma fille. Ce dont nous devons pourvoir nos enfants c’est exactement de cela : l’autonomie de leurs élans, le contrôle de leur propre monde; la maîtrise et la raison naîtront de leurs expérimentations. 

Ma fille plus que jamais avait découvert l’un de ses pouvoirs : celui de créer avec en sus un bonus, ses passions emportent l’émotion.

Elle a entre les mains une tête, la sienne ou celle d’une pépée et elle peut la transformer. Puissance de décision immédiate et visible. Or, quand on est enfant, cette aptitude est rare. On ne décide ni de ce qu’on mange, ni de l’heure du coucher, ni même de la météo. 

Pourtant là : snip… 

Ma fille et son amie cette fois-ci, mais tant avant elle, combien après!

La scène est souvent la même. Un silence suspect. Une chambre trop calme. Puis l’apparition d’un petit être fier, qui vous annonce avec un sourire d’architecte de l’éphémère :

— Regarde maman, je l’ai rendue plus belle.

Et là, on découvre la plus jolie des représentations plastifiées désormais égérie officielle d’un salon de coiffure post-apocalyptique.

Couper, c’est si extraordinaire parce que c’est transformer l’univers. C’est un acte magique. Les cheveux tombent, le visage évolue, la poupée mute. Une toute-puissance de poche, accessible sans effort. Le monde est encore si flou, les règles imposées par les grands, mais là, pour une fois, c’est elle qui dirige. C’est elle qui sculpte comme papa. C’est elle et non maman qui se rend chez le coiffeur dans son atmosphère imaginaire. 

C’est beau l’imaginaire, on les en abreuve et c’est heureux. 

Dans les dessins animés, on change de look comme de chaussettes. On a bien vu Mulan raccourcir ses cheveux pour aller à la guerre et elle avait l’air si « badass ».

L’enfant est un chercheur. Elle veut comprendre ce qui se produit quand on agit. Elle veut voir, tester, constater. La vie ne s’apprend pas par consigne, mais par expérience. Même capillaire.

Et parfois, c’est plus profond. Une Barbie punie pour une trahison dans un scénario intérieur alambiqué. Une poupée qu’on “sauve” d’un look raté. Une tentative de réparer ce qui ne convient pas, de refaire l’ordre à coups de ciseaux.

Une poupée abîmée, c’est aussi une personne qui a « mal agi » dans l’intériorité de l’enfant. Elle peut sanctionner en écimant, transposer sa colère, son chagrin ou au contraire soigner une Barbie qui « va mal », en la relookant pour la panser un peu.

Se dissimule tout son théâtre émotionnel derrière une transgression.

En somme, ce à quoi une petite fille s’adonne ici n’est jamais « juste une bêtise ». C’est bien souvent un acte chargé de sens, artistique ou rebelle, toujours profondément humain.

Et c’est le prélude à cette relation ambivalente avec son image qu’elle se prépare à affronter toute sa vie durant  : le désir de ne plus être ce qu’elle est, de se dépasser, de se déplacer, de plaire, de s’imposer — ou de tout recommencer.

Alors bien sûr, nous, les grands, on consigne la catastrophe. L’irréversibilité. 

On pense : photo de classe, cheveux qui ne repousseront pas d’ici lundi et Barbie qui ressemble désormais à un légume oublié dans le bac du frigo. 

Mais pour elles, c’est un acte artistique, sensoriel, existentiel même.

C’est leur premier manifeste de liberté.

Un jour, elles comprendront qu’on peut modifier la réalité sans tout décimer.

Mais en attendant, elles apprennent. À grands coups de mèches.

Alors, j’ai joué un peu l’offusquée mais consciemment, perpétuellement, j’ai souri du cœur, comme toujours grâce à elle.

Je poste, donc je suis

L’apparat ment autant que l’à part te ment.

Je poste des photos depuis dix ans, assise au bureau ou dans mon appartement. 

C’est une forme de journal, sauf qu’au lieu d’être planqué dans un tiroir Ikea, il est exposé aux heures de grande écoute, entre deux réels de recettes véganes et une pub pour une crème à la bave de crapauds. 

Il s’agit une pratique étrange apparemment ; elle est intime et publique, douce et violente, narcissique, égonormalisée et sacrée. Un rituel. Une liturgie de l’apparence. Une esthétique de la constance. Une pratique semi-spirituelle, semi-névrotique, avec filtre lumière naturelle et texte bien trempé. 

Je publie sur Instagram, Facebook, parfois même WhatsApp.

Je n’ai pas toujours su pourquoi je le faisais. Aujourd’hui je sais mieux. Ce n’est pas pour plaire. C’est pour me reconnaître.



1/ Je ne publie pas par vanité. Je publie parce que j’écris, parce que j’ai des choses à dire. Et à une époque où les cerveaux carburent à la dopamine et à la flemme, on ne lit que ce qui nous attire. En 2025, l’œil lit avant l’âme. Une ligne de jambe, un regard de biais, une robe de poupée, un jeu d’ombre – ce sont mes titres choc, ma porte d’entrée. Le texte est la pièce principale. Et ceux qui s’arrêtent au paillasson n’étaient pas invités à entrer. 

Je ne montre jamais tout. Ni la peau, ni le fond. J’y suis en robe, en tailleur, en jogging pourquoi pas. Jamais en maillot de bain, jamais en lingerie, jamais en quête d’approbation contre tout simplisme d’analyse. Pas par pudeur, mais par élégance. Par contrat moral. Je me suis inventé une charte personnelle : décence et cohérence. J’en suis la présidente, la seule abonnée obligatoire.  Accessible mais jamais offerte. Et mes suiveurs, je les élis. Je n’achète pas de followers, je trie mes abonnés comme on trie ses invités à une fête intime. Si tu es là, c’est que je t’ai adoubé. Que tu m’aies choisie, à vrai dire, m’indiffère presque.

Dans cette époque où les gens lisent moins qu’ils ne scrollent, je sais que tu n’iras pas déchiffrer mes textes si je ne t’appâte pas avec une image. Le fond se mérite. L’accès passe par un cliché cadré, un regard un peu perdu, un talon bien vissé. C’est la couverture du livre. Si tu n’investies pas le profond, c’est que ce livre n’était pas pour toi.



2/ Et puis je fais du sport. Beaucoup. Tous les jours. C’est un socle, mon équilibre, ma manière d’habiter mon corps au présent, une reconnaissance envers ce dont le divin m’a doté. Si j’avais un totem, ce serait un dodécaèdre avec des hématomes sur les hanches. Je mange bien. Je dors huit heures par nuit et me lève difficilement, mais avec courage. 

Il y a une satisfaction à porter un joli vêtement et se dire : « C’est mérité. » La sueur comme caution morale du tissu.



3/ Ceci étant dit, je dois à présent bien admettre que le mal est plus abyssal, logé ici dans une locution étrange et ambivalente : je sais que je suis physiquement acceptable ; oui je le sais, mais je ne le crois pas. 

C’est ma névrose fondatrice. Une fracture invisible entre le regard des autres et le mien.

Mon propre reflet me gêne, sauf quand il est encadré par un paravent.

Voilà le cœur du paradoxe. L’écran me permet de me voir comme une autre. Il agit comme une passoire magique : il m’éloigne de moi juste assez pour que je m’approuve.

Je publie dans un élan. Ce n’est pas de l’exhibition. C’est un rituel. Un souffle court. Un instant suspendu entre l’égo et le pardon.

Je me soulage. 

Peut-être même que je me montre pour mieux me planquer.

Peut-être aussi que c’est dans ce petit vertige d’exposition que je me répare.

Je n’attends rien, je vous le promets. Je ne mendie pas l’amour virtuel. Mon narcissisme est domestiqué. Ce n’est pas un appel au like. C’est une conversation silencieuse entre moi et moi, avec vous comme témoins muets. 

Comme les anges dans les vieux textes : ils regardent, ils notent, ils ne jugent pas. 


J’écris sur moi, parce que je ne sais pas faire autrement. Et parce que je me méfie des gens qui parlent trop des autres.

Et pourtant…



Les médiocres parlent de leurs semblables, des divergents. Les moyens parlent d’idées. Les êtres en construction parlent d’eux-mêmes, avec bravoure. Les grands s’accomplissent. J’essaie de m’approcher -sur la pointe des pieds- de cette dernière catégorie, même si je glisse encore un peu.

Je poste. Donc je suis.

Pas pour briller, mais pour me retrouver. Pas pour être aimée, mais pour accepter ce que je deviens. Je tiens la télécommande. L’écran est à moi. Le programme aussi.



Certaines femmes pourraient me trouver arrogante, loin s’en faut.

Ce que vous voyez, c’est la surface. Ce que je vis, c’est le doute. Mon miroir intérieur est flou. J’ai juste appris à sourire dedans. Avec des mots à la place des dents. 

Et je doute, souvent, profondément.

Elles ne savent pas que ce corps qu’elles croient affirmé est une irrésolution, une auto perplexité, une peur habillée. Et que ce qu’elles me reprochent souvent est une victoire de dernière minute contre mes propres ombres.

Je sais aussi que certains regardent mes postes avec les yeux embués de désirs mal calibrés. Il suffit d’un orteil, d’un mollet, d’un rien. Les hommes, parfois, fantasment des morceaux. Mais je n’ai jamais reçu de messages déplacés. Comme si l’intention derrière la photo se lisait. Comme si la ligne invisible que je trace était respectée.



Je poste aussi ma fille. Et la transition est sciente. Elle est l’extension rayonnante de mes paradoxes. Elle subit un peu mon obsession, c’est vrai. Mais elle pousse dedans comme une plante sous serre : à couvert, aimée, nourrie de rires. Elle est mon chef-d’œuvre. Mon reflet sans filtre.

Elle est née dans la lumière, elle vit dans mon halo. Elle hérite un peu de ma névrose, mais surtout de ma joie. Je la protège avec amour, comme une parokhet sur l’arche sainte : elle cache ce qui est sacré, sans jamais l’enfermer.

M’en voudra-t-elle ? De toutes les façons… 

De trop l’aimer et de ne pas assez respecter ses croyances qui par définition ne seront pas les miennes.

Chez nous on ne croit pas au mauvais œil. Il existe, dit-on, mais on s’en pare en gardant bon œil.
Celui qui bénit est béni.
Celui qui maudit est maudit.
Moi je la bénis elle et tout un chacun et je la préserve ainsi.
Je me contente de partager ce bonheur ultime de la voir grandir belle et espiègle et c’est parce que je privilégie cet élan-là à toute forme de regard noir qui par définition ne peut pas briser l’auréole d’amour dont je l’enroule. C’est ma façon de me pardonner mes dérives d’expositions impulsives.

Je n’ai peur de rien, de rien d’autres que de perdre ma liberté de dire et de vivre. Et j’espère lui insuffler ce trait de ma personnalité.



Chaque Shabbat, on chante une ode à la femme soi-disant, qui prononce en substance « et sur sa bouche ne résident que des paroles de sagesse et de bonté » : j’ai été éduquée avec cela que trop s’exprimer revêt quelque chose de l’ordre de la vulgarité. Mais il est un moment où souffrir le monde sans livrer son appréhension devient un purgatoire. 

Je poste pour parler de moi, voici du temps gagné sans juger.

J’expose, je ne propose rien d’autre que ma version de l’instant.

Je ne parle jamais des autres. Ce n’est pas une posture, c’est une hygiène mentale.

Je simule, je convaincs de mon éclat car je crois au pouvoir de la résonance intérieure. Je crois aux sourires, aux intentions. Je crois qu’un cœur calme fait moins de bruit, mais plus de génie, de jour et d’amour. 



Je sais aussi m’amuser. J’use de la science hertzienne. 

Je connais les heures. Les plages de fatigue cognitive, les micro-ondes émotionnelles. Entre midi et deux, à la descente du soir, au bord du sommeil. Je publie comme on entre sur un ring : pas pour frapper, mais pour viser juste. La fréquence des cerveaux est un savoir. J’en ai fait un art.

Je poste donc je suis. Mais ce que je suis change chaque jour. Je m’écris à travers l’image, je me relis dans les likes. Je me construis avec sérieux, avec humour, avec foi.



Celui qui bénit est béni. Celui qui maudit s’abîme. Moi je souris. Je bénis. Les critiques aussi. Parce que la lumière, même tamisée, éclaire toujours quelque chose.

Je vous laisse avec ce que vous voyez. Le reste m’appartient. Je suis déjà ailleurs. J’écris la suite…

L’appel du 30 Juin 2024

J’ai mis du temps à le pondre cet article, mais j’attendais que l’on déblaie un peu les fientes de l’hémicycle.

Doit-on dénoncer l’imprudence impertinente de notre Président ? 

Va-t-on pouvoir mettre sans pagaille toute cette volaille dans une même basse-cour ?

Rappelons que ce sont ces chapons, incurables fripons, qui font le jour sur notre devenir, en débattant, amendant et votant les lois qu’il sera, de notre côté, de bon aloi de respecter ! On est mal barrés !

Laissons à l’éternité le point de décider si Emmanuel Macron a eu tort d’ordonner une dissolution de l’Assemblée ? 

À moi, mais il n’appartient qu’à moi de le penser ainsi, de me panser aussi, il apparaît que c’était absolument là la carte qu’il fallait jouer.

La montée des extrêmes, au sein d’une société en souffrance, était une bombe à retardement. Il était scient de nous offrir trois ans pour constater ou non leur incompétence, au mieux leurs insuffisances, la dysharmonie entre le programme et l’effectivité de ce dernier ? D’aucuns prétendront que faute d’une absolue majorité, ils en seraient privés, de cette réalisation, soit…

Point d’orgueil, ou leçon d’humilité de notre Président… de la République, je m’apprête à vous démontrer que quoique furent convaincants les aboie-ments des uns… les ser-ments des autres… ils seront inopérants à améliorer notre futur, point- tiret… Le seul grand orateur du monde, c’est le succès !

Les Tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux… (La Boétie)

Ainsi le 30 juin dernier, nous avons été appelés à reformer les rangs de nos décideurs politiques.

Decision Makers, vraiment ? Mais bénéficie-t-on encore réellement d’une forme de souveraineté nationale ou répondons-nous des injonctions européennes d’uniformité ? 

Robert Schuman le savait, il fallait bien sûr constituer un espace de paix, de solidarité économique, un développement social et territorial durable pour offrir aux pays européens de peser au rang du rayonnement mondial… Mais surtout, il fallait un catalyseur d’intempérance, de réplétion des passions venimeuses, immanence de l’homme…

Que reste-t-il alors de notre pouvoir de décideurs ? … Un leurre certes, mais un conditionnement psychique probe et vertueux ou au contraire, en l’état, si délétère. 

Or, l’éthique est à la vie, ce que la justice est à la prospérité collective. L’intégrité, comprenez, est par essence le pivot de l’humanité et le gage de son éternité.

Si vous érigez l’inique à la majorité, alors là oui, il sera utile de nourrir vos inspirations messianiques…

« Élection : Opération au cours de laquelle des citoyens libres se choisissent des maîtres. »

La démocratie est une abstraction rassurante… qui n’existe plus. Ou bien n’a-t-elle jamais vraiment formé réalité ?

La Révolution française se figurait-elle être autre chose que le remplacement d’un ordre social par un second ordre social ?

Ce fut une mutinerie à effet de renversement, bien évidemment. Historiquement, la Révolution est un Putsch de bourgeois… plus ou moins bienséants, faut-il le concéder.

Depuis lors, on ne vote pas les lois, on vote les fumistes qui votent nos lois.

Mon avis alors, depuis ma longue-vue de femme un soupçon revêche, d’éducation Blumiste, sympathisante anarchistes -mais les vrais, les intelligents, les marginaux-sécants avant qu’ils ne changent de camp- c’est qu’encore une fois, à part (et c’est là la si triste ironie) pour la masse populaire qui subit les insurrections et les dérives individuelles, à part aussi pour la pérennité de nos âmes, l’un ou l’autre sera inopérant au bouleversement.

Pire -et est-ce avouable- qu’il m’arrive d’aspirer au tumulte, d’espérer ce branle-bas susceptible d’anéantir l’assemblage en bas-lieu, ce château de sable qui se fait l’idée d’être une société ? Du chaos naît le retour à la nature, aux vérités pures.

Pour autant, je ne peux, par une forme d’idéologie conformiste, reliquat de patriotisme, laisser mon pays aux mains des succubes. 

Il y aura, c’est entendu, ces trois années ingouvernables et desquelles nous devrons nous amuser pour vivre mieux, peut-être résister aussi.

Il y aura, c’est le sinistre célérifère sur lequel nous pédalons de toutes nos forces -et Hamann s’en trouvera in fine pendu- une recrudescence des essais, des procès, des faits antisémites et nous aurons à nous protéger, nous insurger.

Il y aura, et ça sera le prix à payer, une fuite des capitaux étrangers, résolument les startups s’en trouveront affectées et il nous faudra plus tard rappeler l’innovation à nos domaines de prédilection. Le risque vital est là, c’est donc la défection économique, le détour des investisseurs étrangers, la ruine des projets nouveaux, le repli des entreprises novatrices.

Toutefois, transformeront-ils, les uns, les autres, les uns ou les autres, les uns et les autres l’existant ? Une fois qu’ils seront au pouvoir, mettront-ils en place, d’un côté ou de l’autre, une extermination de masse idéatoire ? Aucunement, parce qu’outre la violence sociale qui les caractérise, ils se savent responsables de ceux dont ils ont le tour de garde, vainement, parce qu’ils en seront empêchés par les plus hautes instances ou encore s’en abstiendront par électoralisme ou par simple prudence.

Bien sûr donc que ce qui se produisit le 9 juin dernier est dramatique et symptomatiquement, en ce que cela sous-entend que plus aucun parti républicain n’est représentatif pour nous, français. Il ne reste plus, en notre sein, que la haine de l’autre, son alter… Ego. 

Nous le savons pertinemment, au-delà de l’amnésie idéologique collective : à l’extrême droite, comme à l’extrême gauche, aucun des plébiscités n’est capable de proposer un programme économique viable. 

Mais voilà, le vote primaire est un vote d’opposition et les modérés se sont trouvés inopérants à dégoter leur Mickey, cette incarnation susceptible d’emporter l’adhésion. 

Bien que la circonscription élise ses soldats, l’escadron se réfère au général (ignorant même sa pensée profonde ou trivialement son projet.) 

Il est grand temps de se réinventer. Me voici presque nostalgique de cette alternance qui jadis nous lassait…

Pas de souveraineté.

Pas de suffrage universel non plus, le dernier référendum c’était pour l’Europe et fort heureusement nous ne l’avons pas suivi.

Mais disais-je, ce n’est pas le système qui sauve, peu importe la démocratie ou non, c’est le nom, l’individualité, cette personne qui s’affranchira des donneurs d’ordre.

LA personne qui nous extraira de ce marasme ambiant commencera par se distinguer des autorités d’injonctions, en incarnant à la fois une figure représentative de ses électeurs, à la fois aussi une suzeraineté nationale, façon De Gaulle, le dernier souverainiste.

Où est cet homme qui s’insérera dans le système politique en place afin de le faire imploser ?

J’aurais aimé que l’appel du 30 juin ressemble à celui du 18 juin. 

Talleyrand soutenait qu’en politique, tout ce qui est exagéré est insignifiant.

La situation actuelle est un rejet du raisonnable, du chemin vers la perfectibilité et du temps long.

On veut tout, tout de suite. On désire aussi l’expression libre et à la fois habillée de notre part sombre. 

Ainsi, l’on envisage de voter pour le smic à 1600 Euros et la retraite à 60 ans sur le dos de nos faiseurs d’emplois ou bien encore de délivrer des OQTF au lieu de se donner un délai et des moyens pour favoriser l’intégration.

Mais de Mohammed Merah à Youssouf Fofana aux assassins du Bataclan, tous étaient français…

Comment le rejet de l’immigration choisie pourra-t-elle favoriser notre sécurité ?

Comment l’essorage des dirigeants d’entreprises, l’étouffement fiscal de nos patrons soutiendront-ils le plein emploi ?

On ne fait pas d’élections avec des prières…

« La droite a gagné les élections, la gauche a gagné les élections. Quand est-ce que ce sera la France qui gagnera les élections ? » blasonnait Coluche.

Comprenez, on ne ment jamais tant qu’assourdi par ses ambitions.

« Monsieur Attal ne sera plus Premier Ministre » se targua dimanche Jean-Luc Mélenchon, sbire de la haine, flanqué de sa consœur vêtue du Keffieh, celui-là même qui fut symbole de l’Intifada. « Qui sème la Hagrah récolte l’Intifada » scandèrent des manifestants au lendemain du 30 juin… Préparez-vous donc…

Nous subissons l’image, allégorie de leurs tréfonds, pendant que Marine Le Pen agite l’antisémitisme, par clientélisme soudain.

L’opportunisme de rejet vs le rejet opportun, ou l’inverse…

Les juifs sont l’épouvantail d’un côté, l’épouvante de l’autre. 

La haine, elle, est la grande gagnante en deux fronts.

Leur cheval de bataille, l’intérêt national ? Karl Marx enseignait que toute classe, tout celui même qui aspire à la domination « doit acquérir d’abord le pouvoir politique pour présenter à son tour son intérêt propre comme étant l’intérêt général », vilaine manipulation ! 

Bien-sûr, Jordan Bardella sait conquérir, aidé par son aura, tout comme Rima, elle, sait séduire, graciée par sa beauté, mais écoutez-moi bien, de-ci et de-là, s’affiche le sourire de l’horreur : il n’y a pas pire tyran que celui ou celle qui impose en douceur. A urbanité extrême, méfiance extrême ! La terreur est logée, là, dans l’anticipation d’un coup de fusil, pow! Vous l’entendez, c’est le souvenir des exterminations, la forme la plus absolue de destruction. 

Est-ce une inconvenante vérité ? 

Je ne crois pas et Kundera semble d’accord avec moi : « les extrêmes marquent la frontière au-delà de laquelle la vie prend fin et la passion de l’extrémisme, en art comme en politique, est désir déguisé de mort » !

Aujourd’hui, les affaires publiques sont si confuses : la gauche est au centre et adopte des dispositions de droite, la droite, elle, prend souvent des mesures communistes et parfois chacune appelle en ses rangs l’immodéré.

Les extrêmes flirtent, se frôlent et se nourrissent, ils ne s’avalent pas, ils se mangent, l’un produit l’autre et reproduit l’autre, chacun propage sa perfidie, l’un par l’écrit, l’autre par les cris, l’un par de drôles accusations, l’autre par d’immondes actions.

Tous les deux ont omis qu’aussi intense soit-elle, une idéologie n’a pas la rigueur de la science et qu’elle ne s’imposera à l’homme que s’il la reçoit en toute prudence, qu’il marche au milieu des deux extrêmes, c’est celui-là le meilleur des systèmes !

Le 11 mars 2007, Jacques Chirac, « l’ami de Sadam », c’est fort de café, a magistralement déclamé : « Ne composez jamais avec l’extrémisme, le racisme, l’antisémitisme ou le rejet de l’autre ». Ah voilà qu’on s’entend ! Vous n’avez pas le droit d’aimer les extrêmes quand vous connaissez les intentions de ceux qui les sèment. Ne négligez pas que de s’inscrire dans un mouvement idéologique c’est devenir soi-même l’idée et c’est là le danger pour nous, Français !

Alors si Denis Diderot affirmait que la règle du poète était de se jeter dans les extrêmes, la règle de ma prose sera au contraire de vous en garder et de vous empêcher de vous jeter dans l’antre du diantre.

Une chose est sûre, Emmanuel Macron a, le 9 juin dernier, plongé le pays dans une incertitude politique aux conséquences désastreuses. 

Un pari enchanté désenchanteur : du vent de fraicheur et de bonne volonté formé par notre jeune Premier Ministre à une polarisation des extrêmes, reflet d’une frustration, de cet état profond d’insatisfaction à l’égard de l’offre politique actuelle.

Cette décision fut prise du seul fait du Roi, nous autres valets sommes face au choix.

Alors en attendant, au solstice d’un prochain été, cette incarnation que j’appelle de tous mes vœux, faisons de la tempérance, notre chant du coq, notre fierté. 

L’intrus

« Dis-moi ce qui ne va pas ma fée. »
« Maman c’est quoi un intrus? »
« C’est quelqu’un qui n’est pas invité Chérie… »
« Et c’est méchant un intrus? »
« Pas toujours mon cœur. »
« En Israël, c’étaient des intrus? »
« De méchants intrus, oui mon amour. »
« Et à mon école Maman? »
« C’est un exercice mon coeur, c’est pour… Non rien mon ange. »
« Qui me protège Maman? »
« À la maison Chérie, c’est Papa et Maman. »
« Et à l’école? »
« La directrice et les maîtresses.
Haïm et tous les messieurs de la sécurité. Et puis la police aussi! »
« Et si les intrus rentrent quand même Maman, qui me protège? »
« Il faut croire que D’ieu sera là pour veiller sur vous mon amour. »
Silence…
« Mais Maman, en Israël, c’est D’ieu qui a voulu! »
Prostration et rivalité intérieure…
« C’est la question que l’on se pose tous et depuis toujours mon amour, tu dois croire que ceux qui sont morts en Israël le sont pour te servir de bouclier à toi, ma petite fille. Tout ira bien. Je suis là. On est là… »
Voici -mot pour mot, point pour point- la conversation qui fut celle que j’eus avec ma fille de 5 ans le samedi 21 octobre dernier en rentrant de la synagogue.
Hadassa et moi assistions à une Bar mitsva et post prières, au moment du traditionnel Kiddoush, buffet de mets célébrant l’accomplissement du devoir religieux, alors que je tentais de satisfaire le caprice culinaire de ma petite, j’ai manqué d’attention. Je n’avais pas noté que son oreille gauche s’était attardée sur la conversation de deux convives âgés d’une quarantaine d’années. À l’instant où ces derniers, emportés dans leurs constats et par leurs états, prononcèrent le mot “Guerre”, ma fille laissa couler entre ses jambes le flot de peurs retenues depuis deux semaines, ces peurs dont nous voulions l’épargner, mais qui transperçaient nos pleurs contenus, dont nous pensions pouvoir étouffer les causes.

Depuis tout ce temps, une date que je n’arrive même pas à retranscrire pour l’instant, je n’ai rien su écrire.
Il est des temps où la réserve est de mise.
Ô j’ai bien un avis, clair net et circonstancié, mais un fou avisant bien un sage, la réciproque ne fonctionne malheureusement pas.

Ce matin, l’école de ma fille a été évacuée, puis fouillée et réintégrée, comme bien d’autres écoles juives, suite à une alerte à la bombe.
Alors entre “Mamans” nous nous sommes questionnées ?
Céder ? Absenter ? Déscolariser ?
Pour combien de temps ?
Cela se produira ? Oui, sans doute… Où ? Quand ? Comment ? Sortir du cadre comme pour nourrir une statistique macabre ?
Mon parti pris c’est évidemment que d’être Homme c’est résister, c’est anticiper, faire confiance en nos institutions et continuer à offrir cette chance à nos enfants d’apprendre et par suite d’exister, pour ce qu’ils sont tels qu’ils sont.
Mais qui puis-je à présent convaincre ? Avec quelle décence puis-je argumenter ?

Nous vivons, oui, comme un recommencement de quelque chose d’un autre temps, que l’on pensait avoir éradiqué, si ce n’est conjuré au moins abjuré.
“Et les optimistes, on sait comment ils ont fini.” rétorquait ce matin une de ces “mamans”.
Pensée mortifiante, irréductiblement obsédante… La bête immonde est de retour, qui l’eut cru? Avait-elle disparu?
Et je suis en colère, oui je suis très en colère que mes parents aient à nouveau à l’affronter, ces parents, les miens, les vôtres, les nôtres, qui en filigrane l’avaient tous déjà rencontrée et la côtoyaient en dépit de l’effort incessant de nos grands-parents de lui écraser la tête, pour permettre à leurs enfants (comme nous aujourd’hui, fichu 2Pi R) d’être pleinement vivants de corps oui mais aussi de coeur et d’esprit.

Telle est Israël, son existence, son symbolisme et surtout sa réalité, celle de notre survie, à tous.
Alors quitte à être de ces fous, je vais tenter d’en être l’ambassadrice, et cet avis que vous n’avez pas sollicité, je vais le clamer, avec mon humanité et ma judaïté, qui en est un des outils ou vice versa je ne sais plus bien.

Personne de sensé ne peut soutenir un “cessez-le-feu” et je vous explique pourquoi à la lumière de trois exposés en abrégé…

Volontairement, je vais laisser de côté le débat ancestral du conflit de territoires, bien qu’il soit l’aval le plus fréquemment ameuté pour défendre l’action terroriste et la pervertir en une forme de résistance crasse.
Propos impropre s’il en est, puisque lors de la Guerre des Six jours, après que les nations arabes n’aient eu attaqué Israël et que cette dernière en soit sortie victorieuse, le partage proposé par le colon britannique fut remis en cause.
Qui perd une guerre, perd la terre, c’est l’histoire du monde…
De ceci -et ce bien que les dirigeants successifs d’Israël eurent rendus une partie des terres conquises à leurs assaillants- la frustration légitime d’un peuple déplacé a fait gronder les ventres et les cœurs de nombre de palestiniens et d’israéliens, ceux-là même, les idéalistes juifs qui vivaient à la frontière de la Bande de Gaza, conduisant les négociations de paix avec leurs voisins et amis par delà le fil barbelé et qui furent trahis de gré ou de force pour être vendus morts ou vifs au Violent, le bien-nommé Hamas…

Exit aussi, votre incompréhension de cette appellation protéiforme, hétéroclite “palestinien” qui désigne tout aussi bien le cisjordanien à l’Est (lui-même soit jordanien, soit arabe israélien de souche) que le gazaoui au sud plutôt égyptien, que pourquoi pas le juif israélien né sur le sol palestinien, tel que nommé en un autre temps, que l’immigré syrien (djihadiste ou non).

Personne donc de sensé ne peut soutenir un “cessez-le-feu” -et ce bien que nos tripes se nouent à triple tour- et je vous explique pourquoi à la lumière de trois exposés en abrégé.

1/ Une dialectique pratique : la libération des otages.
Depuis 2005, Gaza a souhaité et obtenu une administration indépendante.
En 2006, se sont tenues des élections, agrégeant le Hamas, comme s’il put être un parti politique. On se rappelle que “politique“ entend étymologiquement traiter du rapport de la cité et par extension du citoyen à la diversité, comme une forme de liberté, ce qui ici est le comble de l’ironie. Qui s’opposait à sa cooptation artificielle se trouvait menacé lui et toute sa famille! Qui tentait de monter son propre mouvement indépendant ou simplement d’étudier se voyait torturer, risquant de mettre en péril le système d’asservissement primaire à jamais intronisé.
Sans surprise, il n’y eut plus aucun vote organisé depuis les élections législatives de 2006.
Bref, le Hamas s’est en apparence acheté une légitimité, tout en fomentant un plan.
Des milliers de kilomètres furent creusés en souterrains. Pendant ce temps-là, et ce n’est que pure réthorique de le signaler, pas un abri ne fut construit…
Gaza est -je crois- l’endroit où j’ai pu voir de mes yeux le plus grand fossé de richesses entre les villas des Chefs, et les habitations délabrées des personnes y ayant résidence. Pas une aide humanitaire n’est reversée, pour être plutôt habilement allouée au confort des fats.
Où se situent ces tunnels ? Stratégiquement, sous les écoles, hôpitaux, partout où il serait impossible de les déloger.
C’était l’idée de Mohammed Deïf que l’on connaît à présent pour être le commanditaire des atrocités commises il y a trois semaines.
Ce jour est présent dans son esprit et celui de ses compères depuis des décennies, et pas mus par une volonté révolutionnaire non, la révolution ne peut philosophiquement que servir le peuple et non le desservir, non, agités par une intention génocidaire, rencontrant son relais ici et ailleurs, tuer le symbole de la démocratie et éliminer les valeurs accolées.

L’armée d’Israël et -c’était l’objectif escompté donc- doit, au péril de la vie de tous, délivrer ses otages qu’il sait être hébergés ici bas afin de servir lieu de sujets de dissuasion, le Hamas réclamant l’impossible en leur place : le relâchement dans la nature de près de 7000 prisonniers, captifs pour faits de terrorisme et menaçant la pérennité de chacun d’un côté et de l’autre de la palissade.

L’armée de défense d’Israël, Tsahal (Tsva Hagana) la bien nommée, n’a pas le choix…
Elle enjoint donc aux habitants de Gaza d’évacuer proposant des solutions de repli afin de pouvoir bombarder autour, avisant les médecins 24h avant pour pouvoir entrer en ces dessous humides, boueux, minés, la mort des uns pour les autres, comme un renoncement à soi pour l’autre, pour une entité plus vivante que l’individualité…

Tsahal, c’est elle : la seule armée concernée par la survie des ressortissants formés à la haine du juif depuis les Écoles, qui épargne les vrais innocents d’aujourd’hui, faux innocents de demain, nos futurs bourreaux.

Qui est intrègre accréditera qu’on n’avait jamais vu une guerre où un ennemi fournit un plan à la police partenaire/adverse pour évacuer avant son intervention.

Bref, Tsahal – disais-je- n’a pas d’option B, elle doit entrer et Israël ne doit pas céder, parce que le Hamas n’a pas la vie en vue, parce que sauver les innocents c’est cette dialectique infernale de les mettre circonstanciellement en danger!

Les soldats d’Israël sont les mêmes jeunes hommes et jeunes femmes que ceux qui furent kidnappés, brûlés vifs, mutilés, assassinés, c’est notre jeunesse et une Légion juive des cinquantenaires ne pourrait jamais suppléer leur vigueur mais surtout leur goût pour la vie, la leur et celle des autres, celui-ci même, ce soin de la vie, qui nous assure qu’un maximum d’êtres vivants seront épargnés.

Voilà qui est l’armée d’Israël…

2/ Un argument psychologique : le statut d’ennemi.
Israël a dévoilé une faille sécuritaire, une quasi énigme que -le temps venu- il faudra résoudre.
Israël, rappelez-vous, c’est de long en large la superficie l’île de France.
Israël ce n’est pas un État juif mais c’est l’Etat des juifs, parce qu’un peuple sans terre n’est pas un peuple, puisque ce dernier n’a pas de refuge.
Un peuple circonscris-je : le peuple juif qui recouvre 0,02 % de la population mondiale…

Rendez-vous compte : Israël, -celle-là de notre innombrable petitesse numérique- est entourée d’ennemis (Liban, Iran, Syrie…) et s’est montrée faillible.
Il lui faut répondre ou bien concéder et devenir la proie d’un, de tous…

Israël ne se défend pas!
Par définition, “La Défense” c’est au moment de l’attaque.
L’enjeu est bien plus crucial ici, puisqu’elle se protège…
Et la communauté internationale s’en émeut bien sûr, mais se flagelle-t-elle pour les enfants afghans, pour les enfants coréens…? Oserait-elle s’opposer aux milices ukrainiennes et à la riposte juste? Ou parce qu’Israël est aussi la juive, elle devient la fautive.
Oui, le risque est colossal mais Israël n’a pas le choix.

Cela ne s’entend pas, Israël, le berceau d’une culture de 0,02% du monde, le repère de tous les cultes, ne rompt pas!
Elle ne plie pas, elle s’élève, elle rugit, elle prend des garde-fous mais elle agit.
Son ennemi, notre ennemi doit être éradiqué.

Nous sacrifions l’opinion internationale et nous vivons. Plus encore, nous vous offrons de survivre vous aussi, vous, nous, qui ne voulons pas d’un univers sans lumière!

Ce matin, encore, une femme a tenté de se faire sauter à la dynamite, dans une bibliothèque, apologue de la résistance de l’être, et sa coreligionnaire ou presque, une jeune femme musulmane de bien, implorait au micro : “laissez-nous vivre…. Je veux prendre le métro sans avoir peur… Je veux être qui je suis sans que vous m’éclaboussiez de votre perversion, sans que vous dénaturiez ma religion, qui est belle.”
Nous voulons être liés contre un ennemi commun : le noir de l’obscurantisme et de la haine et nous vous recouvrons de bleu et blanc, symbole de la protection par l’alliance de la force et de la pureté, que tous nous savons porter…

3/ Un appui culturel : la protection des valeurs.
On ne transige pas avec le terrorisme!
Après le 11 septembre, pouvait-on s’offusquer que soit faite la chasse aux talibans?

Israël porte la guerre du siècle : anéantir le groupe terroriste le plus menaçant de notre temps, machin informe dit “le Hamas” mélange pourtant de djihâdistes islamiques, d’ayatollahs et de factions du Hezbollah.
Des branches de sa mouvance se sont insinuées partout ici en Occident, Israël est le porte-fanion de son démantèlement et nous devrons suivre!

Parce qu’ici aussi, nous avons notre lot…

Des étoiles de David viennent d’être taguées sur les maisons, au pochoir…
Objectif :  désigner les prochains équarrissoirs.
Quel sarcasme!
L’étoile, c’est l’imbrication du bien et du mal : l’équilibre des tendances.
En chacun naît le bien et le mal, chacun détient le choix de ce qu’il nourrira…
Z, un ami de confession musulmane m’écrivît dès le premier jour de ce qu’il savait devenir une guerre incessante :
“On fait quoi maintenant?”
Réthorique de cœur.
Parce que lui c’est le coeur… sa culture l’induit.
Tout ce qui l’anime est absolu, au sens premier de l’adjectif.
De ce trait de l’Islam, la propension à l’extrémisme mais aussi pour son bon versant, l’authenticité, d’où le repli et le jusqu’au boutisme des convictions.
Princes chez eux, de leur État ou de leur famille.

Chez les Juifs, la culture est à l’hégémonie, de la richesse du savoir, des mœurs à… Marco Mouly pour 1 % de la population juive.
Usuriers banquiers pour avoir le droit à la propriété foncière , par la force de l’histoire, parce que peuple nomade, jamais chez eux.
Princes déchus donc chez les autres.
L’intégration -ce mot adoré-, la volonté d’appartenir à une société qui ne veut pas de toi pervertit un peu…

Z -empreint de sa culture- est “émet lamout” vrai jusqu’à la mort jusqu’au bout des chaussettes,
Mon père s’appelle Philippe et porte des costumes trois pièces. Ainsi fut la vie des juifs de Diaspora.

Et voici qu’est née la société israélienne : les israéliens ne se vêtissent pas de costume, ils sont là, exactement, précisément habités de cette effronterie du cœur.
Les rôles là-bas ce seraient-il inversés? Où est la vérité? C’est ainsi que s’ils n’alléguaient pas du Hamas, ou bien encore ne le daignaient plus, il eut fallu qu’ils le disent …

Alors P me demandait “vas-tu faire le tri dans tes amitiés?”
Impensable, la peur engendre la haine.
Je n’ai pas peur et je les aime.
Et moi de lui raconter ma théorie des bons traits culturels se transformant en démons deci mais aussi delà…

Je veux rester à l’image de mes ancêtres, de ceux qui ont résisté.
Mon âme de juive parce que je suis juive c’est de voir le bien chez mon prochain et en disant le bien m’efforcer de le faire jaillir.

C’est ma lecture de “yetser hara/yetser hatov” : du mauvais et du bon penchant, concept thoraique édifiant.
En chaque créature de D’ieu (qu’il soit toujours là ou pas) il y a le bien et il y a le mal : le tov et le ra.
Et chacun est in fine le résultat du regard que l’on a porté sur lui…
Par conséquent, le mauvais je le rends bon et j’espère que mon 0,02 % de relativité à l’autre allumera l’étincelle de son bon versant.

Alors Z, oui, on fait quoi maintenant?
Moi je rêve d’une marche d’union nationale, guidée par musulmans, juifs, chrétiens, taoïstes, hindous et j’en passe qui -sans se prononcer sur ce qu’ils ne comprennent pas- supplient qu’on n’importe pas ici nos scissions et dissidences et autres opportunismes de la bien-pensance…. Et je souhaite que l’intrus devienne celui qui fut invité mais n’est pas venu!
Je prie de ne plus lire “salope de juive” ni “un arabe reste un arabe” bien qu’il ne soit pas nouveau que les réseaux sociaux aient offert la parole aux cons.
Je me tourne vers le ciel et je conjure qu’on nous rende notre voûte, notre berceau, notre point commun universel.
Et que revivent nos sacrifiés, d’ici et delà des barbelés…

Abusés…

(Histoire imaginaire, l’allégorie de nos vies)

Je m’appelle Beila et je suis née en 1987.

Un temps, j’ai grandi seule, entendez sans frère, ni sœur.

Mes parents, peut-être, auraient-il eu bien envie d’avoir un second enfant, « mais le sort en a eu décidé autrement ».

Du côté de mon père, je n’ai ni oncle, ni tante ! Mes grands-parents ont perdu une fille de 4 ans, la grande sœur de mon papa, alors même que -lui-était à peine âgé de 2 ans. Il ne s’en souvient pas, sauf par des flashs non circonstanciés faisant apparaître son visage fin mais difficilement contouré.

Maman -elle- avait un frère, mon tonton, marié et papa d’un grand garçon, prénommé Alexandre. Mon oncle et son épouse, ma tante, sont décédés il y a un an, en voiture, bêtement, sur un trajet qui les menait à Paris pour une conférence devant être tenue par mon tonton. Il était professeur en philosophie et ma tante ?

Psychiatre… je ne sais pas -encore- bien de quoi il s’agit, ça viendra…

Trop happés par le développement de leur conscience, ils n’avaient eu qu’un enfant, Alexandre donc, mon cousin, né en 1978.

Maman était très proche de son frère. Mes grands-parents sont partis tôt, enfin… c’est plutôt qu’ils ont conçu Maman et Tonton tard. Ce sont des « rescapés de la Shoah », je ne comprends pas encore ce que c’est, on n’a pas tenu à me l’expliquer « pour l’instant », mais apparemment c’est assez héroïque comme truc.

Maman aurait donc dû être dévastée par le chagrin, mais à la manière de son éducation teintée d’invulnérabilité et d’un sens des responsabilités inébranlable, elle avait converti sa mélancolie en devoir et s’était battue pour accueillir Alexandre, qui -par conséquent- vit avec nous depuis maintenant 10 mois, pour mon plus grand bonheur.

Nous avons développé une amitié fraternelle, il est mon pygmalion, je suis sa bouffée d’air pur.

Alexandre ne travaille pas très bien à l’école, Maman est focalisée sur sa progression. Il faut dire qu’elle connaît bien son sujet, elle est professeure de français.

Papa travaille beaucoup, parfois même il voyage, il sillonne les salons internationaux du meuble pour vendre de magnifiques cuisines de son imagination et de son coup de crayon.

Moi aussi, je dessine… pas très bien, mais Alexandre m’a enseigné certaines techniques pour m’améliorer.Il est très doué, en bien des choses qui ne relèvent pas de la contrainte. Il m’a aussi appris à chanter et à danser.

Il est assez solitaire… Était-ce le cas là où il est né, avant le départ de ses parents ? À Metz, il a peu d’amis, mais lui et moi sommes très complices.

 

Je m’appelle Beila, j’ai 5 ans, Alexandre a 14 ans. Nous nous adorons.

Depuis qu’il habite chez nous, ma vie est toute en lumière. Mais par moment, Alexandre l’éteint… la lumière ! Obscurité immense et excavation profonde, un repaire insoupçonnable, impénétrable -ironie- l’entonnoir du reste de ma vie…

Je suis une petite fille discrète, je ne me confie jamais. Après tout n’ai-je pas été élevée sous le sceau du secret ?

Alexandre m’aime, oui, je le ressens, il m’aime vraiment, mais parfois il m’aime par effraction. Et moi, je le laisse s’immiscer.

Cela vous paraît insensé ? Pas à moi, je suis une empathique des états et sans avoir encore l’âge de l’analyser, je sais comment, je sais pourquoi en lui tout est désordonné : enfant affectivement abandonné par ses parents trop occupés, avant même de n’avoir à s’en séparer, ses repères ont bougé. Il fut ignoré, sa sensibilité troquée au traité des grandes vertus ; mon innocence bafouée par ces révélations forcées prématurées, n’est que la résultante d’une transgression d’opportunité, pour apprendre et oser les grandes, juste pour exister, passer de l’enfance à l’adolescence, goûter avant de performer.

Un simple excès dont je suis le lien d’effet, causé…

Je suis l’objet d’une intempérance, le sujet répercuté d’exigences à outrance auquel Alexandre ne savait pas rétorquer, un débordement sans doute, une inconduite évidemment.

J’ai cinq ans, je subis l’indicible, mais cela ne me paraît pas invivable. Et quand bien même je perçois que ce n’est pas normal, je sais aussi qu’il faut étouffer l’affaire, à jamais me taire, car maman le renverrait et -lui- serait condamné.

Être méprisée, au moins en émotivité insoupçonnée, inconsidérée de cœur et de bonheur, je sais ce que c’est. Oh mes parents m’aiment bien sûr, ils sont fiers de moi, de mon aura. J’ai sauté une classe, je suis l’élève modèle, l’intelligence incarnée, flanquée d’un minois parfait que papa aurait presque pu tracer, mais puisque je file droit et que je suis contemplée, nul n’est besoin de m’examiner … Alexandre lui, sait m’explorer, en profondeur… Et c’est là le paradoxe puisque par conséquent, il est mon préféré !

Je n’ai pas développé d’instinct de vengeance, tout au contraire je suis très altruiste, une empathique des états je disais… de tous… Je ressens les pensées et parfois même les sentiments, tout du moins les émotions et plus j’aime plus je suis horrifiée par la barbarie du joug de l’esprit de ceux que j’aime ; parce que je les aime !

Au lieu de me terrer dans l’infâme ou la criminalité, je suis générosité.

 

Je m’appelle Beila, j’ai 20 ans.

Je suis un mélange de pudeur et d’une forme de « sensualité-malgré », de marivaudage, de préciosité des langages, de mystère, à la fois femme fatale et âme sincère. Je suis un soldat de la perfection, je donne entière satisfaction à mon entourage, de façon volontaire, pour que l’on n’ait pas à s’intéresser à mon intériorité !

Je suis extrême oui, mais personne ne l’a remarqué, tant je semble équilibrée.

J’ai -il y a peu- démarré ma vie de femme. Non, je ne nommerai pas les faits, je ne sais pas parler de sexualité, j’exècre la vulgarité et -ne me demandez pas pourquoi, puisque vous l’avez deviné- oui, j’associe le récit des occurrences à de la grossièreté et je proscris ou du moins honnis la légèreté…

J’ai séparé le désir et le filial, je ne sais adorer que l’étranger à mes repères familiaux et lorsque je me lie, je cesse instantanément d’avoir envie.

Par opposition, je n’ai qu’une obsession, que n’émane de moi, de mes aspérités, de mon regard, de mon miroir et plus encore du reflet des yeux de mes aspirants que la sacrosainte pureté !

Pour moi, l’amour c’est un Walt Disney, il faut qu’il me soit servi avec du miel et des pétales de rose, et ça ne fera qu’empirer au fil des années… Je suis morcelée, oui, mais mon désordre n’a pour visée que de remettre de l’ordre.

Certaines ont multiplié les partenaires, d’autres les formes de pratiques, moi je rêve enchantée, pour n’être qu’une représentation de mon profond et ne jamais avoir à la dévoiler.

Alexandre est pour moi comme un frère. Mon calvaire, en ma mémoire enjolivé, n’a duré qu’une année. Une fois passé aux jeunes filles de sa génération, il a renoncé à continuer de profaner le sanctuaire de mon enfance. Sa débauche n’était que circonstanciée ; il existe un gap entre l’instinct et la volonté, je le sais.

Jamais je ne lui en ai reparlé, jamais je ne l’ai détesté.

Alexandre sa marie au mois de mai et je n’ai jamais craint qu’une fois papa, il ne puisse recommencer. Non, jamais !

Je crois qu’il est sauvé ! Mais moi ?

Personne, non personne n’a jamais rien soupçonné. Abus négligés devenus maux incurables…

Bien sûr que je l’adorais !

Souvent, longtemps, j’ai prié de le garder près de moi pour toujours, parce qu’il avait été le seul à me considérer. Après tout, souhaitais-je vraiment être élevée aux grains de cette codification romantique de l’amour que nous impose notre société, l’intrusion autocratique d’un impératif de développement conformé ?

J’étais -femme- le résultat d’un accident, le résultat de cette infinie complexité des liaisons de vénération, de délicatesse et de tendresse, pas aussi sommairement dans leur élaboration évidemment mais dans leur naissance, dans leur essence ! Parce que le désir vient de là, de ce toucher sensuel d’un esprit au cœur de l’autre, de cette saisie brutale de l’instinct, de ce sentiment de mélange de nos sangs en un tourbillon recouvrant notre raison.

Me voici à la lisière du drame et de la poésie, le corps fort et saint, l’âme abîmée, sacrifiée par le dilemme exigé d’un consentement surhumain.

Le corps, objet par excellence de renoncement ! Renoncement à l’innocence, à l’insouciance…Étroitement lié à l’affect, nous faisons rejaillir sur lui tant de nos sensations et de nos relations à nos autres ou pire à nous autres. Il ne s’agit pas simplement de somatiser, il y a une sous-couche encore plus inconsciente abritée par le corps. Souvent, les personnes qui exposent leur apparence -sans forcément flirter avec le farouche ou la nudité- par le biais d’accoutrements légers ou simplement de photographies et autres selfies sont celles dont la confiance est la plus déficiente, la plus meurtrie. Je m’y connais…

Adolescente déjà, lorsque je sortais danser avec mes amis, je me sentais très rapidement oppressée. Pourtant, j’avais moi-même décidé de me rendre jolie, si j’y parvenais, par un choix vestimentaire et quelques parures. Mais à l’instant même où un intérêt approchait ma chair, entendez tout autant mes yeux que ma plastique, je me sentais immédiatement agressée, au lieu d’y deviner de doux augure, d’en être simplement flattée.

Plus tard donc, je décidai d’analyser le paradoxe inhérent à ma réaction. Il me fut suggéré que peut-être je ne croyais pas pouvoir plaire. Cela semblait-il invraisemblable ? Une intox ? Pas tant que ça !

« Avez-vous conscience que vous êtes une femme attirante ! »

« C’est probable ! De ce qu’on m’en dit oui. Je veux dire que je vois bien que les regards se posent sur moi de façon discrétionnaire. »

« Vous en avez donc une conscience primaire, mais vous n’y croyez pas ! »

« C’est ça, c’est tout à fait exact, « je » ou une partie de moi, n’y croyons pas ! »

Pourquoi ne m’en convainquais-je donc pas alors que tous les éléments concordaient pour m’en persuader ? Quel cauchemar ! Vous vous le figurez : parce que je ne voulais pas voir, voir que j’étais insubordination par subordination d’antan, voir que je souffrais d’avoir souffert et que jamais je ne voudrais le lui reprocher parce que je savais qu’il en était au moins autant éprouvé…

« L’inceste où malgré vous tous deux je vous abîme, recevra de ma main sa première victime. » (Œdipe de Pierre Corneille)

D’où tirais-je tant de pudeur à mon âge, de réserves dont le langage de mon corps inévitablement se faisait miroir ? Je ressemblais à ces filles issues de familles enfermées dans le carcan de la culpabilisation religieuse et immobiliste qui s’ouvrent soudain au monde et ne savent alors plus où poser leurs regards, leurs âmes et leurs mains. Pourtant, mes parents, traditionalistes et encore pour Papa sur le tard, n’avaient imposé que très peu de restrictions à ma vie de femme en préparation. Je le disais en amont, j’évoluais dans un parfait état de liberté, confinant à une forme d’indifférence subie, une négligence conforme et pieuse.

Peut-être que mon collier de fer à moi, mon joug, mon asservissement, mon assujettissement était logé là, dans ce secret que je portais, par habitude culturel, par élan compassionnel. Mes grands-parents, tous, avaient été déportés puis rescapés, mais jamais un mot n’avait été prononcé à ce sujet, la thématique était scellée, enfermée dans le coffre-fort du dissimulé dont les termes, le thème lui-même, jamais ne devaient être évoqués. Les corps servaient à camoufler les tourments amers !

Incapable donc de prétendre avoir été la victime au moins indirecte d’autant de souffrances, puisque je n’étais pas louable en en comptant romance, il me fut moralement imposé en prime d’adopter posture identique à celle que l’on m’avait opposée. Le mystère est en soi une version de l’affaire, le récit de l’indicible, des déchirures dont il est impossible de donner la mesure.

Le corps, terrain de nos conflits intérieurs inavoués, de nos chagrins incontrôlés réels ou fantasmés, des débordements de notre cœur ou d’un besoin d’expérimentation dont on fut le sujet négligé.

 

Plus tard, je me suis mariée, j’ai eu un enfant ; jusqu’à présent, oui, j’ai dysfonctionné, mais j’ai continué à aimer, pleinement, avec abnégation et dévouement, somme toute j’y avais été parfaitement entrainée.

Et puis un jour, je me suis résolue à demander :

« Tu te souviens de… ? »

« Oui je m’en souviens… » m’interrompit Alexandre.

J’avais tenu à le protéger toutes ces années et j’avais bien fait, pourtant peut-être qu’à cet instant, une fois de plus, je venais de nous sauver, au bon moment.

Alexandre et moi, nous nous voyons souvent, nous nous appelons comme avant. Hier il m’a annoncé qu’il attend une petite fille et aucun frisson ne m’a parcouru si ce n’est ce vent de joie qui est celui d’une sœur d’âme et de cœur.

Je m’appelle Beila, j’ai 35 ans, j’ai mis trente ans de ma vie entre parenthèses, par amour, pur…. Et en le lui disant, j’ai guéri, pratiquement…

Il est des blessures que seul le secret défloré sait panser. Il est des plaies qui ne font pas couler le sang. Si seulement l’Homme entendait ce qui jamais ne peut être prononcé…

 

Par amour.

 

 

 

 

 

L’aigle et le colibri

Il était une fois une jeune et jolie dame oiselle, qui se dénommait Belle Colibrinsky.

Elle était très attachée à son identité. Toutefois, ses parents -craignant qu’elle ne fût chassée pour son caractère singulier, sa splendeur, son éminence et sa rareté- la firent appeler Belle Colibri.

Il faut dire qu’il était particulièrement difficile de ne pas la remarquer : elle était pleine de couleurs, jaune, bleue, verte et un peu rose au cœur aussi.
Elle était nuances et romance, tendresse et délicatesse, si belle, si impénétrable, comment aurait-elle pu passer inaperçue ?

Elle eut une enfance, oui, mais à laquelle il manquait les principaux attributs, sur le fil de sa conscience trop tôt provoquée : elle volait haut et semblait tellement responsable, loin du symbole de légèreté qu’elle était censée incarner.

Elle passait là, on l’apercevait parfois, mais on ne parvenait guère à l’effleurer : comme un secret intérieur dont on s’approche mais qui sait demeurer insaisissable…

Elle n’était pas bêcheuse, mais simplement généreuse. Elle ne voulait pas qu’on sache, ni même que l’on devine qu’elle avait souffert, pour ne pas imposer ses chagrins à ceux qui n’en étaient pas la cause. Pourtant, celui qui pour aimer ne cherche qu’une rose, celui qui ne s’attache qu’aux gains, ne vaut pas grand-chose ; mais c’était là sa dignité de petite oiselle…

« Oh mon D’ieu, entends ma prière si sincère et ne te débine pas face à l’appel de ma supplication, quand je t’implore avec émotion. Si seulement je disposais des mêmes ailes qu’une colombe, alors je m’évaderais pour aller m’établir ailleurs, à l’empire de la passion et du bonheur infini » chuchotait-elle avec pudeur, seule dans son nid, juste avant de rentrer en torpeur.

Au réveil, chaque matin, elle sortait de ce qui aurait pu être son linceul, elle abandonnait soudain sa paix, son apathie et aussitôt son cœur se mettait à battre 250 fois par minute, c’est dire tout ce qu’elle pouvait ressentir ; puis, si elle interagissait, c’est 1260 fois par minute qu’il la boxait, c’est dire tout ce qu’elle savait déduire, c’est pressentir son empathie, sans frein aucun.

Du bout de son bec fin, allongé mais si doux -qui, à l’usage d’une autre oiselle aurait pu être une arme- c’est le nectar de l’âme qu’elle caressait directement.

Comprenez bien qui elle était…
Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seule Belle s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son goulot pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : “Colibri ! Tu n’es pas folle ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! ”

“Je le sais, je le sais bien” rétorqua-t-elle, “mais je fais ma part.”

L’humanité aurait peut-être tué toutes les hirondelles, elle n’aurait pas éteint la bonté de la petite aquarelle, aux couleurs du printemps.

Belle avait un corps gracile, si féminin et tout à la fois élégamment arrondi par endroits.
Son cerveau était au moins aussi important que ses entrailles. Elle avançait extrêmement rapidement, tant et si bien qu’en dépit de sa beauté, personne n’osait l’ériger en proie. Son audace et sa témérité, la notoriété de son coup de bec, droit et sec, faisaient renoncer à bataille tous ses prétendants à la prédation. Tous capitulaient avant de n’avoir même essayé.

Bien qu’aigles en cage elle eut pu capturer, l’oiselle du Paradis était humble comme une brebis, diligente comme une abeille, belle et fidèle comme une tourterelle. Elle s’efforçait d’être elle et personne ne la comprenait.

Jusqu’à ce qu’un jour… sur son trajet, elle rencontra Aquila. À l’apercevoir, l’aigle impérial plana un temps et cessa de battre de l’aile afin de l’appréhender, ébloui par sa nitescence royale.

Leurs différences d’initiations et d’éducation, de culture et d’allure, de façonnage et de langage, étaient évidentes et pourtant, quelque chose comme un souffle des cieux les firent se sentir immédiatement familiers et ils se lièrent.

L’aigle était rigueur, le colibri était faveur, assemblés, ils étaient harmonie…
Belle éprouvait, Aquila synthétisait. Fusionnés, ils voyaient les choses dans leur globalité. Leur bicéphalie les dotait d’une puissance extrême entre intelligence et sensibilité.

Aquila semblait inattaquable, inébranlable.
Invincible, il était le seul oiseau à ne pas craindre de transporter ses oisillons sur son dos. La flèche ne l’effrayait pas. Pourquoi ? Parce que lui aussi volait haut, plus haut que tous… si haut qu’il semblait parfois à Belle qu’il partait se reposer au pied du trône céleste.

Il était compliqué pour l’aigle de conserver ses acquis, si vif et actif qu’il était, Belle avançait bienfaisante et lui enseignait la modestie, comme vraie valeur de la vie, la source de tout : de la volonté d’étudier, du bon jugement des autres, de la bonne parole et du bon œil.

Aquila était élégant, audacieux, astucieux, vigoureux, subtil et agile, si attirant.
Il n’y avait guère que son cœur qui ne résonnait pas aussi vite que celui de Belle.

Aquila se protégeait, puni de sa grandeur, par la solitude de son esprit. « Oh mon D’ieu, je suis épuisé, las et fatigué de regarder sans cesse vers le ciel en quête de mon salut, si seulement je pouvais m’évader comme une hirondelle. »

Alors quand il connut Belle, il prit sa décision : celle de la passion.
« Ma colombe se loge dans les interstices des rochers, elle se protège dans les secrets des marches, montre-moi ton allure, fais-moi entendre ta douce voix, car tu as la voie responsable et l’apparence agréable. »

Belle un temps, lui résista, accrochée à sa si délicieuse liberté…

« Ouvre-moi ma colombe, -insista-t-il- ma bien-aimée, ma pureté, car je suis mouillé de la rosée et mes boucles frisent en pleine nuit. »
Elle lui ouvrit, elle se découvrit et en tomba infiniment amoureuse.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là…
Ce soir-là, Aquila découvrit que Mademoiselle était blessée au cœur : c’était troublant de voir au centre de toutes ses couleurs, un trou noir, une plaie béante, que l’aigle ne sut identifier. Les terreurs les plus humaines sont celles sur lesquelles on ne sait mettre un nom, sur lesquelles on ne sut mettre un non.

L’aigle disait : « Béni celui qui ne m’a pas fait colibri », Mademoiselle Colibri rétorquait : « Béni celui qui m’a fait selon sa volonté ».

Aquila l’admirait, alors pour qu’elle poursuive sans s’épuiser, il l’emmenait sur ses épaules, partout où elle voulait aller, il entretenait cette liberté qu’elle chérissait tant. Elle était montée plus haut qu’espérée, partie chercher une branche d’olivier égarée: sa sérénité. Il n’était plus du tout las, ni fatigué, Aquila avançait, fort et exalté.

Il ne faut jamais juger un rapace, par le bruit qu’il fait avant de se poser.

Belle n’avait jamais pensé un jour s’appuyer sur le dos d’un oiseau. L’exception confirme l’aigle, alors le colibri put prendre son envol. L’hirondelle jaune crut à l’ange des nuages.
Les places éminentes, comme l’oiseau à l’aile escarpée, seuls les aigles peuvent y parvenir.

L’amour, petit D’ieu malin qui volette, invisible, de-ci de-là, vous assomme et s’enfuit parfois comme les premières hirondelles printanières.

Seulement elle…
Elle était belle, belle de son humanité, de tant d’émois, de tout tenter, de ne jamais lâcher, tel un colibri qui veut éteindre le feu avec des gouttes d’eau. Et l’aigle la comprenait, l’adorait, alors à son corps défendant, même lorsqu’elle volait à contre-courant, jamais, jamais il ne l’abandonnerait… Et Belle l’aimerait, infiniment…

Par amour…
Charlotte Tykoczinsky (Ticot)

Sources :

Tehilim 55,2 / « Poésie » Pierre Rabhi / « Chiour sur l’amour » Rav Sitruk /
« De l’amour » Stendhal / Isaïe 38,14 / Chir Hachirim 2,14 / Chir Hachirim 5,2 / Modé Ani / Isaïe 40,31 / « Prophéties » de Yekheskiel / Rambam…