J’avais décidé de ne pas en parler… Non vraiment, je vous assure, mais à mesure des évènements, à l’allure à laquelle le pire se profile, je ne peux plus me contenir, j’ai la charge -la charge qui contraint tout citoyen habile- la charge de me révolter et ce même si cela doit me coûter une fatwa en provenance du gouvernement.
Pauvre France…
Ah attendez!
Préliminaire : il ne s’agit pas ici d’accentuer les clivages partisans et les guerres d’appartenance. Je ne suis ni de gauche ni de droite, juste une gauchère adroite.
Je disais? Ah oui…Pauvre France…
Le Front dit « national » grand vainqueur des élections européennes dit-on? Sa dénomination n’est alors plus un leurre! Oui, c’est un malheur et mes illusions me commandent de condamner -encore- avec autant de passion et de vigueur qu’au temps de mes premiers écrits. Mais, ceci posé, passons… Je ne veux pas que mon lecteur débande et puis pourquoi disserter sur un sujet que d’autres avant moi, mieux que moi, ont appréhendé et analysé avec le dessein ambitieux de réveiller les français. Donc, faisons fi à plus forte raison des manipulations politiques orchestrées avec affection par la maîtresse femme du parti, qui a soufflé un si léger calembour, un infâme trait d’humour à son cher papa afin de pouvoir ensuite lui coller un blâme, le renier et confirmer un électorat ignorant l’histoire et que même la détresse et le désespoir ne peuvent pas excuser.
Du reste, ne parlons pas non plus de l’UMP, aujourd’hui incapable d’inventer sa propre destinée, qui a cru bon de miser sur une propagande anti-Hollande, repérable, sans demi-mesure et en aucun cas réparable et s’est maladroitement auto-flagellée, coulée et bien sûr pris une veste.
Ne rabâchons pas non plus les dossiers privés de la présidence qui, outre la malséance, en disent long sur la qualité de la gouvernance et, pire, inspirent la méfiance amère de nos partenaires.
Mon récit commence alors que je suis en partance pour la douce Provence. Au coeur de la brousse, je reçois toutefois les ondes de BFM business (pour mémoire, je ne suis toujours pas de droite) et je me laisse captiver par la voix et la délicatesse des propos de l’animateur radio.
Toshiba, le grand fabricant japonais de matériel électronique et informatique, s’attelle à faire une offre à General Electric, préfigurant alors de l’éventuel rachat d’Alstom par son concurrent « outre-continent » : a priori, ceci permettrait au premier d’accroître encore ses activités de distribution d’électricité en comblant une branche dont il se dit en carence et de tripler son chiffre d’affaire.
Hisao Tanaka en profite pour se payer notre pomme et nous jeter insidieusement l’opprobre, pourtant sans ironie. Le géant japonais dit parier –et je cite la traduction donnée avec abnégation- « sur le fait que General Electric (GE) ne fait pas de ce dossier une priorité et serait prêt à le lui rétrocéder pour la bouchée de pain que représenterait l’acquisition, pour l’une ou l’autre des deux enseignes étrangères d’ailleurs ». A la bonne heure… Et comme on dit en berbère « La h’chouma! » Voici en une locution, en une bonne beigne aussi, décrite la faiblesse et la mollesse de notre économie, pire son apathie.
Cela vous dépite? Eh bien figurez-vous que nos gouvernants, eux, pas vraiment!
En pleine crise, Monsieur Montebourg bourre de fautes d’orthographe une lettre transmise au Président Directeur Général de GE, rejetant sans nuances et avec arrogance, en un paragraphe, toute avance, toute proposition en sa provenance. Mes aïeux!
Attention, je ne prétends pas qu’il faille à tout prix céder l’une de nos dernières fiertés nationales mais mettons-y au moins les formes, soyons courtois et sans être les plus ingénieux, tâchons de rester dans la norme!
Dix milliards, voilà ce qui serait revenu dans les caisses de l’Etat, fruit de la recapitalisation dont Alstom a fait l’objet il y a de cela quelques années dans le but d’être redressée : vu le montant de notre dette publique, ne soyons pas pudique d’affirmer que c’eût pu être utile!
Toutefois, il est vrai que si nos trains devenaient américains, on ne se sentirait plus tout à fait autosuffisants et si nous pouvons rester unis comme aux Etats-Unis le Texas et la Californie pourquoi s’en priver? Bien oui, il y a Siemens et Siemens est Allemand! Blanc… Non, non, Angela n’en veut pas, elle a ses TGV, c’était même la première à les posséder; que va-t-elle faire des nôtres, ils ne rentrent même pas dans les rails?
On se vautre, mais Madame Merkel est gracieuse, elle ne se mêle pas notre pagaille. Elle se contentera de rappeler à Manuel Valls –de manière vigoureuse mais obséquieuse- que la France ne s’en sortira pas en faisant cavalier seul, de l’envelopper dans un linceul en déclarant l’incompétence de ce dernier à tenir ses promesses de croissance, pour finir par lui signifier avec tendresse que du cours de l’euro à la cour de l’Elysée, aucune décision n’est plus du ressort des nations et que si notre souveraineté ne se courbe pas devant la Constitution de l’Union, la situation n’aura de cesse d’empirer.
Ah oui, parce qu’en sus, les français se procurent le plaisir excentrique d’être eurosceptiques. Si, si, je vous jure!
Mais les français, ont-ils noté que la Pologne est aujourd’hui Etat fort grâce à la besogne de notre Union Européenne et que récemment c’est elle qui s’est proposée en renfort afin d’amenuiser notre peine?
Rendez-vous compte, voilà la France, l’Etat Européen qui détient le plus de savoir-faire et de matières premières mais qui n’a pas honte d’être le seul –sur vingt huit Etats membres de l’Union Européenne- à ne pas être excédentaire.
Comment fait-on pour être si mauvais? Allez-vous me demander. Très simplement! On est bon là-dedans!
Figurez-vous que nous importons plus que nous exportons, tandis que nos voisins sont parvenus à être autosuffisants quand et même s’ils ne gagnent pas d’argent.
Nous sommes protectionnistes, obtus et carrément extrémistes.
Evidemment qu’il est malheureux voire douloureux, attristant et même affligeant qu’où que tu poses tes bagages, quel que soit le paysage, tout ait le même visage, mais faut-il que notre volonté de non-conformité vienne nous ruiner?
Nous sommes bercés dans l’illusion que l’avenue Montaigne est le centre de la mode, non du monde, alors que tout leur stock est à l’étranger et qu’elle a été mieux que copiée, dépassée. Faites le test, réclamez une paire de chaussures qui est en rupture dans notre jolie capitale, c’est en Chine, au Japon, au Brésil ou sur une île qu’ils vous la trouveront; tapez sur un moteur de recherche « Louis Vuitton Singapour » pas banal hein? Alors, lâchons un peu de lest et jouons le jeu de la globalisation et quant à l’Europe, soyons pour et apportons notre concours.
François Mitterrand, en 1983, alors que je n’étais même pas encore née et encore moins conçue, avait alors dû faire face à un bilan bien plus inquiétant. Comme aujourd’hui, notre pays importait, mais n’exportait que rarement : sa monnaie d’échange, le dollar, écrasait le franc et pour pouvoir payer le prix des produits importés, il fallait bien échanger notre monnaie -dont les américains ne voulaient pas s’encombrer- contre la leur. Face à la faible cotation du franc, les grands patrons ont pris peur et ont décidé de liquider leurs avoirs pour acquérir du dollar. Est arrivé ce à quoi l’on tentait d’échapper : un entier épuisement des ressources monétaires pouvant mener à une disparition totale des devises nationales. Trois premiers ministres se sont officieusement succédés au pied levé (Pierre Mauroy, Pierre Bérégovoy et Jacques Delors) et la solution a finalement été apportée par Mitterrand lui-même : la dévaluation du franc.
Je n’opère pas là mon « coming out » de mitterrandienne d’hier, loin s’en faut, je fonde sur le poids de l’Euro dans le marché monde le fait que l’Union Européenne est et restera un pansement d’une grande efficacité pour nous français.
J’ajoute, sans suffisance ni impertinence, ni même pour la seule jouissance de la joute, mais avec un peu de fierté il faut l’avouer, que celui qui jamais ne lit ne peut prendre conscience de ce qu’est l’Europe. Et Hop, c’est gratuit.
Bien, il ne me reste plus qu’à dédramatiser –je ne souhaite pas vous gâcher la nuit- et pour citer un poète marseillais : « relativise ferme les yeux, imagine-toi, imagine ta vie dans ces pays où les hommes politiques sont en tréi, où la liberté d’expression est une conspiration, où le dollar civilise avec des canons, où l’on meurt d’une simple fièvre, où les épidémies se promènent sans laisse, crois-tu vraiment tenir sous la canicule de ces pays où pendant deux mois tu bronzes, eux toute l’année ils brûlent; imagine ta vie sans eau potable, pas de douche les jours de pluie, pas de bouffe mise sur la table ».
Ca va mieux? Très bien, alors à présent vous pouvez fermer les yeux. Mais s’il-vous-plaît uniquement pour vous endormir et plus jamais sur votre devenir.