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L’intrus

« Dis-moi ce qui ne va pas ma fée. »
« Maman c’est quoi un intrus? »
« C’est quelqu’un qui n’est pas invité Chérie… »
« Et c’est méchant un intrus? »
« Pas toujours mon cœur. »
« En Israël, c’étaient des intrus? »
« De méchants intrus, oui mon amour. »
« Et à mon école Maman? »
« C’est un exercice mon coeur, c’est pour… Non rien mon ange. »
« Qui me protège Maman? »
« À la maison Chérie, c’est Papa et Maman. »
« Et à l’école? »
« La directrice et les maîtresses.
Haïm et tous les messieurs de la sécurité. Et puis la police aussi! »
« Et si les intrus rentrent quand même Maman, qui me protège? »
« Il faut croire que D’ieu sera là pour veiller sur vous mon amour. »
Silence…
« Mais Maman, en Israël, c’est D’ieu qui a voulu! »
Prostration et rivalité intérieure…
« C’est la question que l’on se pose tous et depuis toujours mon amour, tu dois croire que ceux qui sont morts en Israël le sont pour te servir de bouclier à toi, ma petite fille. Tout ira bien. Je suis là. On est là… »
Voici -mot pour mot, point pour point- la conversation qui fut celle que j’eus avec ma fille de 5 ans le samedi 21 octobre dernier en rentrant de la synagogue.
Hadassa et moi assistions à une Bar mitsva et post prières, au moment du traditionnel Kiddoush, buffet de mets célébrant l’accomplissement du devoir religieux, alors que je tentais de satisfaire le caprice culinaire de ma petite, j’ai manqué d’attention. Je n’avais pas noté que son oreille gauche s’était attardée sur la conversation de deux convives âgés d’une quarantaine d’années. À l’instant où ces derniers, emportés dans leurs constats et par leurs états, prononcèrent le mot “Guerre”, ma fille laissa couler entre ses jambes le flot de peurs retenues depuis deux semaines, ces peurs dont nous voulions l’épargner, mais qui transperçaient nos pleurs contenus, dont nous pensions pouvoir étouffer les causes.

Depuis tout ce temps, une date que je n’arrive même pas à retranscrire pour l’instant, je n’ai rien su écrire.
Il est des temps où la réserve est de mise.
Ô j’ai bien un avis, clair net et circonstancié, mais un fou avisant bien un sage, la réciproque ne fonctionne malheureusement pas.

Ce matin, l’école de ma fille a été évacuée, puis fouillée et réintégrée, comme bien d’autres écoles juives, suite à une alerte à la bombe.
Alors entre “Mamans” nous nous sommes questionnées ?
Céder ? Absenter ? Déscolariser ?
Pour combien de temps ?
Cela se produira ? Oui, sans doute… Où ? Quand ? Comment ? Sortir du cadre comme pour nourrir une statistique macabre ?
Mon parti pris c’est évidemment que d’être Homme c’est résister, c’est anticiper, faire confiance en nos institutions et continuer à offrir cette chance à nos enfants d’apprendre et par suite d’exister, pour ce qu’ils sont tels qu’ils sont.
Mais qui puis-je à présent convaincre ? Avec quelle décence puis-je argumenter ?

Nous vivons, oui, comme un recommencement de quelque chose d’un autre temps, que l’on pensait avoir éradiqué, si ce n’est conjuré au moins abjuré.
« Et les optimistes, on sait comment ils ont fini. » rétorquait ce matin une de ces « mamans ».
Pensée mortifiante, irréductiblement obsédante… La bête immonde est de retour, qui l’eut cru? Avait-elle disparu?
Et je suis en colère, oui je suis très en colère que mes parents aient à nouveau à l’affronter, ces parents, les miens, les vôtres, les nôtres, qui en filigrane l’avaient tous déjà rencontrée et la côtoyaient en dépit de l’effort incessant de nos grands-parents de lui écraser la tête, pour permettre à leurs enfants (comme nous aujourd’hui, fichu 2Pi R) d’être pleinement vivants de corps oui mais aussi de coeur et d’esprit.

Telle est Israël, son existence, son symbolisme et surtout sa réalité, celle de notre survie, à tous.
Alors quitte à être de ces fous, je vais tenter d’en être l’ambassadrice, et cet avis que vous n’avez pas sollicité, je vais le clamer, avec mon humanité et ma judaïté, qui en est un des outils ou vice versa je ne sais plus bien.

Personne de sensé ne peut soutenir un « cessez-le-feu » et je vous explique pourquoi à la lumière de trois exposés en abrégé…

Volontairement, je vais laisser de côté le débat ancestral du conflit de territoires, bien qu’il soit l’aval le plus fréquemment ameuté pour défendre l’action terroriste et la pervertir en une forme de résistance crasse.
Propos impropre s’il en est, puisque lors de la Guerre des Six jours, après que les nations arabes n’aient eu attaqué Israël et que cette dernière en soit sortie victorieuse, le partage proposé par le colon britannique fut remis en cause.
Qui perd une guerre, perd la terre, c’est l’histoire du monde…
De ceci -et ce bien que les dirigeants successifs d’Israël eurent rendus une partie des terres conquises à leurs assaillants- la frustration légitime d’un peuple déplacé a fait gronder les ventres et les cœurs de nombre de palestiniens et d’israéliens, ceux-là même, les idéalistes juifs qui vivaient à la frontière de la Bande de Gaza, conduisant les négociations de paix avec leurs voisins et amis par delà le fil barbelé et qui furent trahis de gré ou de force pour être vendus morts ou vifs au Violent, le bien-nommé Hamas…

Exit aussi, votre incompréhension de cette appellation protéiforme, hétéroclite “palestinien” qui désigne tout aussi bien le cisjordanien à l’Est (lui-même soit jordanien, soit arabe israélien de souche) que le gazaoui au sud plutôt égyptien, que pourquoi pas le juif israélien né sur le sol palestinien, tel que nommé en un autre temps, que l’immigré syrien (djihadiste ou non).

Personne donc de sensé ne peut soutenir un « cessez-le-feu » -et ce bien que nos tripes se nouent à triple tour- et je vous explique pourquoi à la lumière de trois exposés en abrégé.

1/ Une dialectique pratique : la libération des otages.
Depuis 2005, Gaza a souhaité et obtenu une administration indépendante.
En 2006, se sont tenues des élections, agrégeant le Hamas, comme s’il put être un parti politique. On se rappelle que “politique“ entend étymologiquement traiter du rapport de la cité et par extension du citoyen à la diversité, comme une forme de liberté, ce qui ici est le comble de l’ironie. Qui s’opposait à sa cooptation artificielle se trouvait menacé lui et toute sa famille! Qui tentait de monter son propre mouvement indépendant ou simplement d’étudier se voyait torturer, risquant de mettre en péril le système d’asservissement primaire à jamais intronisé.
Sans surprise, il n’y eut plus aucun vote organisé depuis les élections législatives de 2006.
Bref, le Hamas s’est en apparence acheté une légitimité, tout en fomentant un plan.
Des milliers de kilomètres furent creusés en souterrains. Pendant ce temps-là, et ce n’est que pure réthorique de le signaler, pas un abri ne fut construit…
Gaza est -je crois- l’endroit où j’ai pu voir de mes yeux le plus grand fossé de richesses entre les villas des Chefs, et les habitations délabrées des personnes y ayant résidence. Pas une aide humanitaire n’est reversée, pour être plutôt habilement allouée au confort des fats.
Où se situent ces tunnels ? Stratégiquement, sous les écoles, hôpitaux, partout où il serait impossible de les déloger.
C’était l’idée de Mohammed Deïf que l’on connaît à présent pour être le commanditaire des atrocités commises il y a trois semaines.
Ce jour est présent dans son esprit et celui de ses compères depuis des décennies, et pas mus par une volonté révolutionnaire non, la révolution ne peut philosophiquement que servir le peuple et non le desservir, non, agités par une intention génocidaire, rencontrant son relais ici et ailleurs, tuer le symbole de la démocratie et éliminer les valeurs accolées.

L’armée d’Israël et -c’était l’objectif escompté donc- doit, au péril de la vie de tous, délivrer ses otages qu’il sait être hébergés ici bas afin de servir lieu de sujets de dissuasion, le Hamas réclamant l’impossible en leur place : le relâchement dans la nature de près de 7000 prisonniers, captifs pour faits de terrorisme et menaçant la pérennité de chacun d’un côté et de l’autre de la palissade.

L’armée de défense d’Israël, Tsahal (Tsva Hagana) la bien nommée, n’a pas le choix…
Elle enjoint donc aux habitants de Gaza d’évacuer proposant des solutions de repli afin de pouvoir bombarder autour, avisant les médecins 24h avant pour pouvoir entrer en ces dessous humides, boueux, minés, la mort des uns pour les autres, comme un renoncement à soi pour l’autre, pour une entité plus vivante que l’individualité…

Tsahal, c’est elle : la seule armée concernée par la survie des ressortissants formés à la haine du juif depuis les Écoles, qui épargne les vrais innocents d’aujourd’hui, faux innocents de demain, nos futurs bourreaux.

Qui est intrègre accréditera qu’on n’avait jamais vu une guerre où un ennemi fournit un plan à la police partenaire/adverse pour évacuer avant son intervention.

Bref, Tsahal – disais-je- n’a pas d’option B, elle doit entrer et Israël ne doit pas céder, parce que le Hamas n’a pas la vie en vue, parce que sauver les innocents c’est cette dialectique infernale de les mettre circonstanciellement en danger!

Les soldats d’Israël sont les mêmes jeunes hommes et jeunes femmes que ceux qui furent kidnappés, brûlés vifs, mutilés, assassinés, c’est notre jeunesse et une Légion juive des cinquantenaires ne pourrait jamais suppléer leur vigueur mais surtout leur goût pour la vie, la leur et celle des autres, celui-ci même, ce soin de la vie, qui nous assure qu’un maximum d’êtres vivants seront épargnés.

Voilà qui est l’armée d’Israël…

2/ Un argument psychologique : le statut d’ennemi.
Israël a dévoilé une faille sécuritaire, une quasi énigme que -le temps venu- il faudra résoudre.
Israël, rappelez-vous, c’est de long en large la superficie l’île de France.
Israël ce n’est pas un État juif mais c’est l’Etat des juifs, parce qu’un peuple sans terre n’est pas un peuple, puisque ce dernier n’a pas de refuge.
Un peuple circonscris-je : le peuple juif qui recouvre 0,02 % de la population mondiale…

Rendez-vous compte : Israël, -celle-là de notre innombrable petitesse numérique- est entourée d’ennemis (Liban, Iran, Syrie…) et s’est montrée faillible.
Il lui faut répondre ou bien concéder et devenir la proie d’un, de tous…

Israël ne se défend pas!
Par définition, “La Défense” c’est au moment de l’attaque.
L’enjeu est bien plus crucial ici, puisqu’elle se protège…
Et la communauté internationale s’en émeut bien sûr, mais se flagelle-t-elle pour les enfants afghans, pour les enfants coréens…? Oserait-elle s’opposer aux milices ukrainiennes et à la riposte juste? Ou parce qu’Israël est aussi la juive, elle devient la fautive.
Oui, le risque est colossal mais Israël n’a pas le choix.

Cela ne s’entend pas, Israël, le berceau d’une culture de 0,02% du monde, le repère de tous les cultes, ne rompt pas!
Elle ne plie pas, elle s’élève, elle rugit, elle prend des garde-fous mais elle agit.
Son ennemi, notre ennemi doit être éradiqué.

Nous sacrifions l’opinion internationale et nous vivons. Plus encore, nous vous offrons de survivre vous aussi, vous, nous, qui ne voulons pas d’un univers sans lumière!

Ce matin, encore, une femme a tenté de se faire sauter à la dynamite, dans une bibliothèque, apologue de la résistance de l’être, et sa coreligionnaire ou presque, une jeune femme musulmane de bien, implorait au micro : “laissez-nous vivre…. Je veux prendre le métro sans avoir peur… Je veux être qui je suis sans que vous m’éclaboussiez de votre perversion, sans que vous dénaturiez ma religion, qui est belle.”
Nous voulons être liés contre un ennemi commun : le noir de l’obscurantisme et de la haine et nous vous recouvrons de bleu et blanc, symbole de la protection par l’alliance de la force et de la pureté, que tous nous savons porter…

3/ Un appui culturel : la protection des valeurs.
On ne transige pas avec le terrorisme!
Après le 11 septembre, pouvait-on s’offusquer que soit faite la chasse aux talibans?

Israël porte la guerre du siècle : anéantir le groupe terroriste le plus menaçant de notre temps, machin informe dit “le Hamas” mélange pourtant de djihâdistes islamiques, d’ayatollahs et de factions du Hezbollah.
Des branches de sa mouvance se sont insinuées partout ici en Occident, Israël est le porte-fanion de son démantèlement et nous devrons suivre!

Parce qu’ici aussi, nous avons notre lot…

Des étoiles de David viennent d’être taguées sur les maisons, au pochoir…
Objectif :  désigner les prochains équarrissoirs.
Quel sarcasme!
L’étoile, c’est l’imbrication du bien et du mal : l’équilibre des tendances.
En chacun naît le bien et le mal, chacun détient le choix de ce qu’il nourrira…
Z, un ami de confession musulmane m’écrivît dès le premier jour de ce qu’il savait devenir une guerre incessante :
“On fait quoi maintenant?”
Réthorique de cœur.
Parce que lui c’est le coeur… sa culture l’induit.
Tout ce qui l’anime est absolu, au sens premier de l’adjectif.
De ce trait de l’Islam, la propension à l’extrémisme mais aussi pour son bon versant, l’authenticité, d’où le repli et le jusqu’au boutisme des convictions.
Princes chez eux, de leur État ou de leur famille.

Chez les Juifs, la culture est à l’hégémonie, de la richesse du savoir, des mœurs à… Marco Mouly pour 1 % de la population juive.
Usuriers banquiers pour avoir le droit à la propriété foncière , par la force de l’histoire, parce que peuple nomade, jamais chez eux.
Princes déchus donc chez les autres.
L’intégration -ce mot adoré-, la volonté d’appartenir à une société qui ne veut pas de toi pervertit un peu…

Z -empreint de sa culture- est “émet lamout” vrai jusqu’à la mort jusqu’au bout des chaussettes,
Mon père s’appelle Philippe et porte des costumes trois pièces. Ainsi fut la vie des juifs de Diaspora.

Et voici qu’est née la société israélienne : les israéliens ne se vêtissent pas de costume, ils sont là, exactement, précisément habités de cette effronterie du cœur.
Les rôles là-bas ce seraient-il inversés? Où est la vérité? C’est ainsi que s’ils n’alléguaient pas du Hamas, ou bien encore ne le daignaient plus, il eut fallu qu’ils le disent …

Alors P me demandait “vas-tu faire le tri dans tes amitiés?”
Impensable, la peur engendre la haine.
Je n’ai pas peur et je les aime.
Et moi de lui raconter ma théorie des bons traits culturels se transformant en démons deci mais aussi delà…

Je veux rester à l’image de mes ancêtres, de ceux qui ont résisté.
Mon âme de juive parce que je suis juive c’est de voir le bien chez mon prochain et en disant le bien m’efforcer de le faire jaillir.

C’est ma lecture de « yetser hara/yetser hatov » : du mauvais et du bon penchant, concept thoraique édifiant.
En chaque créature de D’ieu (qu’il soit toujours là ou pas) il y a le bien et il y a le mal : le tov et le ra.
Et chacun est in fine le résultat du regard que l’on a porté sur lui…
Par conséquent, le mauvais je le rends bon et j’espère que mon 0,02 % de relativité à l’autre allumera l’étincelle de son bon versant.

Alors Z, oui, on fait quoi maintenant?
Moi je rêve d’une marche d’union nationale, guidée par musulmans, juifs, chrétiens, taoïstes, hindous et j’en passe qui -sans se prononcer sur ce qu’ils ne comprennent pas- supplient qu’on n’importe pas ici nos scissions et dissidences et autres opportunismes de la bien-pensance…. Et je souhaite que l’intrus devienne celui qui fut invité mais n’est pas venu!
Je prie de ne plus lire “salope de juive” ni “un arabe reste un arabe” bien qu’il ne soit pas nouveau que les réseaux sociaux aient offert la parole aux cons.
Je me tourne vers le ciel et je conjure qu’on nous rende notre voûte, notre berceau, notre point commun universel.
Et que revivent nos sacrifiés, d’ici et delà des barbelés…

Abusés…

(Histoire imaginaire, l’allégorie de nos vies)

Je m’appelle Beila et je suis née en 1987.

Un temps, j’ai grandi seule, entendez sans frère, ni sœur.

Mes parents, peut-être, auraient-il eu bien envie d’avoir un second enfant, « mais le sort en a eu décidé autrement ».

Du côté de mon père, je n’ai ni oncle, ni tante ! Mes grands-parents ont perdu une fille de 4 ans, la grande sœur de mon papa, alors même que -lui-était à peine âgé de 2 ans. Il ne s’en souvient pas, sauf par des flashs non circonstanciés faisant apparaître son visage fin mais difficilement contouré.

Maman -elle- avait un frère, mon tonton, marié et papa d’un grand garçon, prénommé Alexandre. Mon oncle et son épouse, ma tante, sont décédés il y a un an, en voiture, bêtement, sur un trajet qui les menait à Paris pour une conférence devant être tenue par mon tonton. Il était professeur en philosophie et ma tante ?

Psychiatre… je ne sais pas -encore- bien de quoi il s’agit, ça viendra…

Trop happés par le développement de leur conscience, ils n’avaient eu qu’un enfant, Alexandre donc, mon cousin, né en 1978.

Maman était très proche de son frère. Mes grands-parents sont partis tôt, enfin… c’est plutôt qu’ils ont conçu Maman et Tonton tard. Ce sont des « rescapés de la Shoah », je ne comprends pas encore ce que c’est, on n’a pas tenu à me l’expliquer « pour l’instant », mais apparemment c’est assez héroïque comme truc.

Maman aurait donc dû être dévastée par le chagrin, mais à la manière de son éducation teintée d’invulnérabilité et d’un sens des responsabilités inébranlable, elle avait converti sa mélancolie en devoir et s’était battue pour accueillir Alexandre, qui -par conséquent- vit avec nous depuis maintenant 10 mois, pour mon plus grand bonheur.

Nous avons développé une amitié fraternelle, il est mon pygmalion, je suis sa bouffée d’air pur.

Alexandre ne travaille pas très bien à l’école, Maman est focalisée sur sa progression. Il faut dire qu’elle connaît bien son sujet, elle est professeure de français.

Papa travaille beaucoup, parfois même il voyage, il sillonne les salons internationaux du meuble pour vendre de magnifiques cuisines de son imagination et de son coup de crayon.

Moi aussi, je dessine… pas très bien, mais Alexandre m’a enseigné certaines techniques pour m’améliorer.Il est très doué, en bien des choses qui ne relèvent pas de la contrainte. Il m’a aussi appris à chanter et à danser.

Il est assez solitaire… Était-ce le cas là où il est né, avant le départ de ses parents ? À Metz, il a peu d’amis, mais lui et moi sommes très complices.

 

Je m’appelle Beila, j’ai 5 ans, Alexandre a 14 ans. Nous nous adorons.

Depuis qu’il habite chez nous, ma vie est toute en lumière. Mais par moment, Alexandre l’éteint… la lumière ! Obscurité immense et excavation profonde, un repaire insoupçonnable, impénétrable -ironie- l’entonnoir du reste de ma vie…

Je suis une petite fille discrète, je ne me confie jamais. Après tout n’ai-je pas été élevée sous le sceau du secret ?

Alexandre m’aime, oui, je le ressens, il m’aime vraiment, mais parfois il m’aime par effraction. Et moi, je le laisse s’immiscer.

Cela vous paraît insensé ? Pas à moi, je suis une empathique des états et sans avoir encore l’âge de l’analyser, je sais comment, je sais pourquoi en lui tout est désordonné : enfant affectivement abandonné par ses parents trop occupés, avant même de n’avoir à s’en séparer, ses repères ont bougé. Il fut ignoré, sa sensibilité troquée au traité des grandes vertus ; mon innocence bafouée par ces révélations forcées prématurées, n’est que la résultante d’une transgression d’opportunité, pour apprendre et oser les grandes, juste pour exister, passer de l’enfance à l’adolescence, goûter avant de performer.

Un simple excès dont je suis le lien d’effet, causé…

Je suis l’objet d’une intempérance, le sujet répercuté d’exigences à outrance auquel Alexandre ne savait pas rétorquer, un débordement sans doute, une inconduite évidemment.

J’ai cinq ans, je subis l’indicible, mais cela ne me paraît pas invivable. Et quand bien même je perçois que ce n’est pas normal, je sais aussi qu’il faut étouffer l’affaire, à jamais me taire, car maman le renverrait et -lui- serait condamné.

Être méprisée, au moins en émotivité insoupçonnée, inconsidérée de cœur et de bonheur, je sais ce que c’est. Oh mes parents m’aiment bien sûr, ils sont fiers de moi, de mon aura. J’ai sauté une classe, je suis l’élève modèle, l’intelligence incarnée, flanquée d’un minois parfait que papa aurait presque pu tracer, mais puisque je file droit et que je suis contemplée, nul n’est besoin de m’examiner … Alexandre lui, sait m’explorer, en profondeur… Et c’est là le paradoxe puisque par conséquent, il est mon préféré !

Je n’ai pas développé d’instinct de vengeance, tout au contraire je suis très altruiste, une empathique des états je disais… de tous… Je ressens les pensées et parfois même les sentiments, tout du moins les émotions et plus j’aime plus je suis horrifiée par la barbarie du joug de l’esprit de ceux que j’aime ; parce que je les aime !

Au lieu de me terrer dans l’infâme ou la criminalité, je suis générosité.

 

Je m’appelle Beila, j’ai 20 ans.

Je suis un mélange de pudeur et d’une forme de « sensualité-malgré », de marivaudage, de préciosité des langages, de mystère, à la fois femme fatale et âme sincère. Je suis un soldat de la perfection, je donne entière satisfaction à mon entourage, de façon volontaire, pour que l’on n’ait pas à s’intéresser à mon intériorité !

Je suis extrême oui, mais personne ne l’a remarqué, tant je semble équilibrée.

J’ai -il y a peu- démarré ma vie de femme. Non, je ne nommerai pas les faits, je ne sais pas parler de sexualité, j’exècre la vulgarité et -ne me demandez pas pourquoi, puisque vous l’avez deviné- oui, j’associe le récit des occurrences à de la grossièreté et je proscris ou du moins honnis la légèreté…

J’ai séparé le désir et le filial, je ne sais adorer que l’étranger à mes repères familiaux et lorsque je me lie, je cesse instantanément d’avoir envie.

Par opposition, je n’ai qu’une obsession, que n’émane de moi, de mes aspérités, de mon regard, de mon miroir et plus encore du reflet des yeux de mes aspirants que la sacrosainte pureté !

Pour moi, l’amour c’est un Walt Disney, il faut qu’il me soit servi avec du miel et des pétales de rose, et ça ne fera qu’empirer au fil des années… Je suis morcelée, oui, mais mon désordre n’a pour visée que de remettre de l’ordre.

Certaines ont multiplié les partenaires, d’autres les formes de pratiques, moi je rêve enchantée, pour n’être qu’une représentation de mon profond et ne jamais avoir à la dévoiler.

Alexandre est pour moi comme un frère. Mon calvaire, en ma mémoire enjolivé, n’a duré qu’une année. Une fois passé aux jeunes filles de sa génération, il a renoncé à continuer de profaner le sanctuaire de mon enfance. Sa débauche n’était que circonstanciée ; il existe un gap entre l’instinct et la volonté, je le sais.

Jamais je ne lui en ai reparlé, jamais je ne l’ai détesté.

Alexandre sa marie au mois de mai et je n’ai jamais craint qu’une fois papa, il ne puisse recommencer. Non, jamais !

Je crois qu’il est sauvé ! Mais moi ?

Personne, non personne n’a jamais rien soupçonné. Abus négligés devenus maux incurables…

Bien sûr que je l’adorais !

Souvent, longtemps, j’ai prié de le garder près de moi pour toujours, parce qu’il avait été le seul à me considérer. Après tout, souhaitais-je vraiment être élevée aux grains de cette codification romantique de l’amour que nous impose notre société, l’intrusion autocratique d’un impératif de développement conformé ?

J’étais -femme- le résultat d’un accident, le résultat de cette infinie complexité des liaisons de vénération, de délicatesse et de tendresse, pas aussi sommairement dans leur élaboration évidemment mais dans leur naissance, dans leur essence ! Parce que le désir vient de là, de ce toucher sensuel d’un esprit au cœur de l’autre, de cette saisie brutale de l’instinct, de ce sentiment de mélange de nos sangs en un tourbillon recouvrant notre raison.

Me voici à la lisière du drame et de la poésie, le corps fort et saint, l’âme abîmée, sacrifiée par le dilemme exigé d’un consentement surhumain.

Le corps, objet par excellence de renoncement ! Renoncement à l’innocence, à l’insouciance…Étroitement lié à l’affect, nous faisons rejaillir sur lui tant de nos sensations et de nos relations à nos autres ou pire à nous autres. Il ne s’agit pas simplement de somatiser, il y a une sous-couche encore plus inconsciente abritée par le corps. Souvent, les personnes qui exposent leur apparence -sans forcément flirter avec le farouche ou la nudité- par le biais d’accoutrements légers ou simplement de photographies et autres selfies sont celles dont la confiance est la plus déficiente, la plus meurtrie. Je m’y connais…

Adolescente déjà, lorsque je sortais danser avec mes amis, je me sentais très rapidement oppressée. Pourtant, j’avais moi-même décidé de me rendre jolie, si j’y parvenais, par un choix vestimentaire et quelques parures. Mais à l’instant même où un intérêt approchait ma chair, entendez tout autant mes yeux que ma plastique, je me sentais immédiatement agressée, au lieu d’y deviner de doux augure, d’en être simplement flattée.

Plus tard donc, je décidai d’analyser le paradoxe inhérent à ma réaction. Il me fut suggéré que peut-être je ne croyais pas pouvoir plaire. Cela semblait-il invraisemblable ? Une intox ? Pas tant que ça !

« Avez-vous conscience que vous êtes une femme attirante ! »

« C’est probable ! De ce qu’on m’en dit oui. Je veux dire que je vois bien que les regards se posent sur moi de façon discrétionnaire. »

« Vous en avez donc une conscience primaire, mais vous n’y croyez pas ! »

« C’est ça, c’est tout à fait exact, « je » ou une partie de moi, n’y croyons pas ! »

Pourquoi ne m’en convainquais-je donc pas alors que tous les éléments concordaient pour m’en persuader ? Quel cauchemar ! Vous vous le figurez : parce que je ne voulais pas voir, voir que j’étais insubordination par subordination d’antan, voir que je souffrais d’avoir souffert et que jamais je ne voudrais le lui reprocher parce que je savais qu’il en était au moins autant éprouvé…

« L’inceste où malgré vous tous deux je vous abîme, recevra de ma main sa première victime. » (Œdipe de Pierre Corneille)

D’où tirais-je tant de pudeur à mon âge, de réserves dont le langage de mon corps inévitablement se faisait miroir ? Je ressemblais à ces filles issues de familles enfermées dans le carcan de la culpabilisation religieuse et immobiliste qui s’ouvrent soudain au monde et ne savent alors plus où poser leurs regards, leurs âmes et leurs mains. Pourtant, mes parents, traditionalistes et encore pour Papa sur le tard, n’avaient imposé que très peu de restrictions à ma vie de femme en préparation. Je le disais en amont, j’évoluais dans un parfait état de liberté, confinant à une forme d’indifférence subie, une négligence conforme et pieuse.

Peut-être que mon collier de fer à moi, mon joug, mon asservissement, mon assujettissement était logé là, dans ce secret que je portais, par habitude culturel, par élan compassionnel. Mes grands-parents, tous, avaient été déportés puis rescapés, mais jamais un mot n’avait été prononcé à ce sujet, la thématique était scellée, enfermée dans le coffre-fort du dissimulé dont les termes, le thème lui-même, jamais ne devaient être évoqués. Les corps servaient à camoufler les tourments amers !

Incapable donc de prétendre avoir été la victime au moins indirecte d’autant de souffrances, puisque je n’étais pas louable en en comptant romance, il me fut moralement imposé en prime d’adopter posture identique à celle que l’on m’avait opposée. Le mystère est en soi une version de l’affaire, le récit de l’indicible, des déchirures dont il est impossible de donner la mesure.

Le corps, terrain de nos conflits intérieurs inavoués, de nos chagrins incontrôlés réels ou fantasmés, des débordements de notre cœur ou d’un besoin d’expérimentation dont on fut le sujet négligé.

 

Plus tard, je me suis mariée, j’ai eu un enfant ; jusqu’à présent, oui, j’ai dysfonctionné, mais j’ai continué à aimer, pleinement, avec abnégation et dévouement, somme toute j’y avais été parfaitement entrainée.

Et puis un jour, je me suis résolue à demander :

« Tu te souviens de… ? »

« Oui je m’en souviens… » m’interrompit Alexandre.

J’avais tenu à le protéger toutes ces années et j’avais bien fait, pourtant peut-être qu’à cet instant, une fois de plus, je venais de nous sauver, au bon moment.

Alexandre et moi, nous nous voyons souvent, nous nous appelons comme avant. Hier il m’a annoncé qu’il attend une petite fille et aucun frisson ne m’a parcouru si ce n’est ce vent de joie qui est celui d’une sœur d’âme et de cœur.

Je m’appelle Beila, j’ai 35 ans, j’ai mis trente ans de ma vie entre parenthèses, par amour, pur…. Et en le lui disant, j’ai guéri, pratiquement…

Il est des blessures que seul le secret défloré sait panser. Il est des plaies qui ne font pas couler le sang. Si seulement l’Homme entendait ce qui jamais ne peut être prononcé…

 

Par amour.

 

 

 

 

 

L’aigle et le colibri

Il était une fois une jeune et jolie dame oiselle, qui se dénommait Belle Colibrinsky.

Elle était très attachée à son identité. Toutefois, ses parents -craignant qu’elle ne fût chassée pour son caractère singulier, sa splendeur, son éminence et sa rareté- la firent appeler Belle Colibri.

Il faut dire qu’il était particulièrement difficile de ne pas la remarquer : elle était pleine de couleurs, jaune, bleue, verte et un peu rose au cœur aussi.
Elle était nuances et romance, tendresse et délicatesse, si belle, si impénétrable, comment aurait-elle pu passer inaperçue ?

Elle eut une enfance, oui, mais à laquelle il manquait les principaux attributs, sur le fil de sa conscience trop tôt provoquée : elle volait haut et semblait tellement responsable, loin du symbole de légèreté qu’elle était censée incarner.

Elle passait là, on l’apercevait parfois, mais on ne parvenait guère à l’effleurer : comme un secret intérieur dont on s’approche mais qui sait demeurer insaisissable…

Elle n’était pas bêcheuse, mais simplement généreuse. Elle ne voulait pas qu’on sache, ni même que l’on devine qu’elle avait souffert, pour ne pas imposer ses chagrins à ceux qui n’en étaient pas la cause. Pourtant, celui qui pour aimer ne cherche qu’une rose, celui qui ne s’attache qu’aux gains, ne vaut pas grand-chose ; mais c’était là sa dignité de petite oiselle…

« Oh mon D’ieu, entends ma prière si sincère et ne te débine pas face à l’appel de ma supplication, quand je t’implore avec émotion. Si seulement je disposais des mêmes ailes qu’une colombe, alors je m’évaderais pour aller m’établir ailleurs, à l’empire de la passion et du bonheur infini » chuchotait-elle avec pudeur, seule dans son nid, juste avant de rentrer en torpeur.

Au réveil, chaque matin, elle sortait de ce qui aurait pu être son linceul, elle abandonnait soudain sa paix, son apathie et aussitôt son cœur se mettait à battre 250 fois par minute, c’est dire tout ce qu’elle pouvait ressentir ; puis, si elle interagissait, c’est 1260 fois par minute qu’il la boxait, c’est dire tout ce qu’elle savait déduire, c’est pressentir son empathie, sans frein aucun.

Du bout de son bec fin, allongé mais si doux -qui, à l’usage d’une autre oiselle aurait pu être une arme- c’est le nectar de l’âme qu’elle caressait directement.

Comprenez bien qui elle était…
Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seule Belle s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son goulot pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas folle ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu !  »

« Je le sais, je le sais bien » rétorqua-t-elle, « mais je fais ma part. »

L’humanité aurait peut-être tué toutes les hirondelles, elle n’aurait pas éteint la bonté de la petite aquarelle, aux couleurs du printemps.

Belle avait un corps gracile, si féminin et tout à la fois élégamment arrondi par endroits.
Son cerveau était au moins aussi important que ses entrailles. Elle avançait extrêmement rapidement, tant et si bien qu’en dépit de sa beauté, personne n’osait l’ériger en proie. Son audace et sa témérité, la notoriété de son coup de bec, droit et sec, faisaient renoncer à bataille tous ses prétendants à la prédation. Tous capitulaient avant de n’avoir même essayé.

Bien qu’aigles en cage elle eut pu capturer, l’oiselle du Paradis était humble comme une brebis, diligente comme une abeille, belle et fidèle comme une tourterelle. Elle s’efforçait d’être elle et personne ne la comprenait.

Jusqu’à ce qu’un jour… sur son trajet, elle rencontra Aquila. À l’apercevoir, l’aigle impérial plana un temps et cessa de battre de l’aile afin de l’appréhender, ébloui par sa nitescence royale.

Leurs différences d’initiations et d’éducation, de culture et d’allure, de façonnage et de langage, étaient évidentes et pourtant, quelque chose comme un souffle des cieux les firent se sentir immédiatement familiers et ils se lièrent.

L’aigle était rigueur, le colibri était faveur, assemblés, ils étaient harmonie…
Belle éprouvait, Aquila synthétisait. Fusionnés, ils voyaient les choses dans leur globalité. Leur bicéphalie les dotait d’une puissance extrême entre intelligence et sensibilité.

Aquila semblait inattaquable, inébranlable.
Invincible, il était le seul oiseau à ne pas craindre de transporter ses oisillons sur son dos. La flèche ne l’effrayait pas. Pourquoi ? Parce que lui aussi volait haut, plus haut que tous… si haut qu’il semblait parfois à Belle qu’il partait se reposer au pied du trône céleste.

Il était compliqué pour l’aigle de conserver ses acquis, si vif et actif qu’il était, Belle avançait bienfaisante et lui enseignait la modestie, comme vraie valeur de la vie, la source de tout : de la volonté d’étudier, du bon jugement des autres, de la bonne parole et du bon œil.

Aquila était élégant, audacieux, astucieux, vigoureux, subtil et agile, si attirant.
Il n’y avait guère que son cœur qui ne résonnait pas aussi vite que celui de Belle.

Aquila se protégeait, puni de sa grandeur, par la solitude de son esprit. « Oh mon D’ieu, je suis épuisé, las et fatigué de regarder sans cesse vers le ciel en quête de mon salut, si seulement je pouvais m’évader comme une hirondelle. »

Alors quand il connut Belle, il prit sa décision : celle de la passion.
« Ma colombe se loge dans les interstices des rochers, elle se protège dans les secrets des marches, montre-moi ton allure, fais-moi entendre ta douce voix, car tu as la voie responsable et l’apparence agréable. »

Belle un temps, lui résista, accrochée à sa si délicieuse liberté…

« Ouvre-moi ma colombe, -insista-t-il- ma bien-aimée, ma pureté, car je suis mouillé de la rosée et mes boucles frisent en pleine nuit. »
Elle lui ouvrit, elle se découvrit et en tomba infiniment amoureuse.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là…
Ce soir-là, Aquila découvrit que Mademoiselle était blessée au cœur : c’était troublant de voir au centre de toutes ses couleurs, un trou noir, une plaie béante, que l’aigle ne sut identifier. Les terreurs les plus humaines sont celles sur lesquelles on ne sait mettre un nom, sur lesquelles on ne sut mettre un non.

L’aigle disait : « Béni celui qui ne m’a pas fait colibri », Mademoiselle Colibri rétorquait : « Béni celui qui m’a fait selon sa volonté ».

Aquila l’admirait, alors pour qu’elle poursuive sans s’épuiser, il l’emmenait sur ses épaules, partout où elle voulait aller, il entretenait cette liberté qu’elle chérissait tant. Elle était montée plus haut qu’espérée, partie chercher une branche d’olivier égarée: sa sérénité. Il n’était plus du tout las, ni fatigué, Aquila avançait, fort et exalté.

Il ne faut jamais juger un rapace, par le bruit qu’il fait avant de se poser.

Belle n’avait jamais pensé un jour s’appuyer sur le dos d’un oiseau. L’exception confirme l’aigle, alors le colibri put prendre son envol. L’hirondelle jaune crut à l’ange des nuages.
Les places éminentes, comme l’oiseau à l’aile escarpée, seuls les aigles peuvent y parvenir.

L’amour, petit D’ieu malin qui volette, invisible, de-ci de-là, vous assomme et s’enfuit parfois comme les premières hirondelles printanières.

Seulement elle…
Elle était belle, belle de son humanité, de tant d’émois, de tout tenter, de ne jamais lâcher, tel un colibri qui veut éteindre le feu avec des gouttes d’eau. Et l’aigle la comprenait, l’adorait, alors à son corps défendant, même lorsqu’elle volait à contre-courant, jamais, jamais il ne l’abandonnerait… Et Belle l’aimerait, infiniment…

Par amour…
Charlotte Tykoczinsky (Ticot)

Sources :

Tehilim 55,2 / « Poésie » Pierre Rabhi / « Chiour sur l’amour » Rav Sitruk /
« De l’amour » Stendhal / Isaïe 38,14 / Chir Hachirim 2,14 / Chir Hachirim 5,2 / Modé Ani / Isaïe 40,31 / « Prophéties » de Yekheskiel / Rambam…

Censurés!

Je sais, ça va faire un an…

Je vous remercie, mes lecteurs obstinés, de m’avoir ardemment sollicitée, chaque jour que l’Univers et nos états nous offraient d’exister, d’élaborer, pour le meilleur…

 

Dans moins d’un mois, sort mon roman !

Ô bonheur ! Ô justice ?

Oui, car dans cet interstice, ce temps séparant l’impulsion créatrice de l’intention de dénudation à objet -toujours- d’éducation, la censure accusatrice, tel un marteau piqueur, entreprenait de saccager les fondations de ma vie, comme de celle de cette femme prise à partie sur les bancs de la République et de son enfant, surtout de son enfant…

Inique, déloyale, la morale arrive sournoisement en voix off !

 

S’habillant par défaut de sa plus belle médiocrité, d’une subjectivité de la pensée à tous égards chaotique quand elle n’est pas plus instruite que maîtrisée (de tout ce qu’elle refoule), Julien Odoul -à l’instar de mon tortionnaire- s’est adressé aux conseillers pour vilipender un tiers!

Pourtant, cette jeune maman n’avait-elle pas participé volontairement, bénévolement au contrat social, celui sous l’égide duquel nous sommes admis à communier en tant que français, en accompagnant une sortie scolaire, avec l’aval de la direction de l’école ?

 

Emportés par leurs phobies, folles par définition, vides par déraison, les petits esprits condamnent sans originalité tout ce qui plane, juste là, devant leur nez, ce qui se pavane à leur portée, ce qui est évident, seulement… seulement évident, tellement moins pourtant que ce qui y est dissimulé !

Quand bien même auraient-ils eu en partie raison, qu’ils auraient instantanément discrédité leur opinion, dessinant les contours de la révolution qui les empêchera inévitablement dans leur propre combat !

La prohibition sans fondement raffermit ce qu’elle interdit !

 

Parmi tout ce que j’ai lu et entendu à ce sujet, au rang de nos porte-voix, il n’y a guère que Glucksmann qui sut théoriser ce qui, passée l’humiliation, se sera rendu crucial à travers ce débat :  « garantir l’autonomie des citoyennes musulmanes, en leur permettant notamment de choisir de porter le voile ou de ne pas le porter, en les préservant de toute forme de pression » qu’elle vienne de l’intérieur ou de l’extérieur…

L’article 31 de la loi de 1905 assoit l’auto-détermination confessionnelle faisant exclusion, impérativement et légalement, à la haine raciale.

 

Voilà ce qu’est le principe de laïcité : « j’ai le droit de croire mais croire ne me donne aucun droit ».

L’ironie, c’est que c’est celui-là même que profane l’État au même moment où il l’exhume !

Au nom de quoi ? Au nom de cette dame trop âgée et impopulaire, la tradition cultuelle, qui s’insère ici, sans détour, entre la loi et la coutume !

La France serait-elle aussi hypocrite qu’elle n’est jésuite ?

Je crois qu’est arrivé le moment de définir à nouveau, de circonscrire les pourtours civils et pénaux de la laïcité, inchangée depuis 1905, à l’aune de la modernité et des paradigmes de notre société.

L’imbécile agissant n’aurait-il finalement pas été stérile ?

 

L’enlisement des mentalités à effet de sujétion est le seul complot d’État que je connaisse : de l’endettement des foyers acceptant plus volontiers l’inflation et la taxation qu’ils se sentent redevables, à la presse tantôt affable à dessein, tantôt binaire et abominable.

 

Alors, la question reste entière !

Pourquoi ? Pourquoi prône-t-on ici la laïcité et là la censure-t-on encore ?  Pourquoi tout le monde n’a finalement pas le droit d’être con à même mesure ?

Kery James a ébauché une réponse : « vous avez souhaité l’immigration, grâce à elle vous vous êtes gavées jusqu’à l’indigestion… Qui a profité de qui ?… Mais pensiez-vous qu’avec le temps, les négros muteraient et finiraient par devenir blancs ?… La nature humaine a balayé vos projets, on ne s’intègre pas dans le rejet…»

Qui a profité de qui ?

J’ai peine à reprendre sa semonce -qui ne doit pas rester vaine- à mon compte ! Parce que je lui reproche, célébrité en poche, d’aller à la facilité, de plonger dans les mêmes lots communs, indirectement au moins, que ceux qu’il affronte et d’oublier au rang des non remerciés, les Juifs, en partie patrie ! Les noirs ont les tirailleurs sénégalais, les arabes les harkis, les juifs les soldats de la Première Guerre, trahis sous Vichy.

Je le lui reproche, oui, parce qu’il est brillant, qu’il a la voix et la foi pour participer à sauver l’humanité et qu’il sait, lui, que l’antisémitisme est logé ici, dans cette ignorance qui pousse à la xénophobie.

J’ai un ami, qui a grandi dans les Favelas de France et qui son enfance durant, a -faut-il l’admettre- bien souvent entendu Israël et les juifs, par abus de langage et sans distinction d’appartenance, être qualifiés de cruels. L’âge et la sensibilité aidant, il s’est interrogé. Se retrouvant dans des cours de comédie, confrontés à quelques « Sheitan », il dut bien reconnaître qu’on l’avait peut-être trompé.

Mais il ne s’est pas arrêté là, il y est allé, en Israël et en Palestine, au cœur de la débine et en soutane !

Il est rentré avec sa vérité, qui ne sera jamais que la sienne mais qui a le mérite d’exister et qui ne peut-être que privée de haine puisqu’elle est encore gorgée d’humanité.

On appréhende l’offense différemment lorsque l’on se trouve au cœur du cyclone que lorsqu’on conçoit le sujet à bonne distance.

 

Comprenez-moi, si je vous raconte tout ça c’est qu’une intuition poétique m’y invite, parce que je crois qu’elle est si belle l’allégorie philanthropique de l’effet papillon!

Comme un battement d’aile en Colombie peut causer un typhon en Asie, comme les planètes entreraient en collision à défaut de gravitation, un seul être, là, à l’avant-scène de nos dégâts, qui déciderait d’écrire pour que la littérature ait un sens, qui s’acharnerait à dire haut et fort, mais seulement à la lumière de ce qu’il y a de plus pur en lui, même s’il a tort, emporterait avec lui la bonté de toute l’humanité.

 

Écrire c’est lever toutes les censures !

Comment voudriez-vous alors que j’eusse accepté que me soit commis ce crime de lèse-âme ?

Ô drame s’il m’était interdit d’aimer !

 

Levez le principe de précaution et les tristes superstitions qui ôtent toute sa saveur à votre plaisir, à vos désirs, laissez-vous porter le long des sentiers royaux du rêve et de l’inconscient, aimez, vivez, lisez, écrivez !

 

C’est vrai que ça sent la chaux ces temps-ci aux abords de la culture !

Mais le chaos génère un ordre nouveau qui se structure sous un soleil de lumière, balayant la poussière encore un peu amère.

Saisissez l’opportunité d’être les auteurs du nouveau monde qui se profile !

Le narrateur jamais ne meurt !

 

Par amour…

Charlotte Tykoczinsky

 

 

 

 

 

 

 

 

La censure épargne les corbeaux et s’acharne sur les colombes. Juvénal

 

L’interdit donne de la saveur, la censure du talent (changer)

 

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Écrire c’est lever toutes les censures. Éric Genet

 

Celui qui veut dire la vérité trouve les portes closes. Proverbe Danois

 

 

Celui qui tue un homme, ne tue qu’un homme. Celui qui tue une livre, tue une idée.

 

 

On n’a pas converti un homme parce qu’on l’a réduit au silence !

 

 

Lever le principe de précaution.

 

 

 

Voie royale de l’inconscient : le rêve.

 

 

Attentat contre la pensée, un crime de lèse-âme.

 

Seule assurément une farouche et triste superstition interdit de prendre du plaisir.

 

 

 

 

 

Ça fait mal de grandir!

L’anorexie…

C’est cette pulsion de mort dirigée contre soi qui répond, parfois… souvent… tout le temps… à l’un des plus vifs chagrins, à cet échec malgré soi : l’absence de sérénité, de romance du lien humain.

Consciemment ou inconsciemment, à l’inverse de la boulimie à valeur psychique davantage extrinsèque et délibérée telle un incitateur d’attentions, l’anorexie est utilisation du vecteur d’autodestruction pour une raison!

Laquelle, me demanderez-vous?

Stopper coûte que coûte ce processus d’hyper conscience, cette connaissance d’ordinaire œuvre d’expérience, qui chez eux, les inappétents -organiques ou fonctionnels- se sont pressés, considérablement accélérés, jusqu’à dépasser tôt, trop tôt, père, mère, tout et tous dans leur environnement!

Pourquoi dévorer la vie si c’est pour qu’il leur soit imposé d’avaler des couleuvres et encore en guise d’amuse-gueules?

L’isolement -dit caractéristique de l’anorexique- va soudain de soi, non?

Car si en sus de son hyper acception, vient s’ajouter la compassion, comme expression d’une peur gentille ou d’une gentillesse de la peur, masque de l’horreur des faiblesses de leurs interlocuteurs, moteur d’une intégrité flasque, comment imaginer alors trouver un peu, pour lui, de paix intérieure?

Quand les sentiments, l’externalisation d’une affection sont abscons, la guérison n’est plus qu’une esthétique devise, suppléée par la réalité, l’ultime désolation : ce profond désir de partir…

Bien sûr que non, à aucun moment, il n’a souhaité générer les tourments des siens, mais comment saurait-il agir face au désenchantement, quelle audace lui reste-t-il par devant les abîmes?  Impuissant, il ne peut que s’excuser, sans pleurer, parce que qu’y peut-il si ça fait si mal de grandir?

Alors que j’apercevais -au loin mais de plus en plus près- ce tunnel d’obligations, de sujétions, d’oppressions heureuses, mais aussi empêchantes que violentes dans lequel j’allais être prochainement happée (l’humanité est cinglée de prendre de telles responsabilités) je la rencontrai cette vérité, incarnée en cette jeune fille rebelle, douloureuse, contrite et mortifiée mais si fidèle, vraie et sciente!

Elle avait déjà saisi que c’est ainsi!

Dans la vie, nous sommes vite, non, tout de suite, utilitaires : utiles et alloués à une fonction à l’instant t, ni plus, ni moins!

La maternité, cet évident révélateur de non-amitié où ceux et celles de tes amis, qui, épris, pour eux, persistèrent, ou ceux et celles de tes amis, qui, aigris, pour eux, s’en allèrent…

Elle, elle l’avait compris, depuis fort longtemps, alors, elle n’était pas sa maladie, c’est sa maladie qui était elle!

Elle regroupait, fédérait autour d’elle, tel un bon prétexte, cette famille disloquée à la source, pour continuer à soucier maman comme ce papa adultère que cette dernière aimait tant, pour continuer à aimer papa en le souciant à son tour… Ainsi, elle incarnait le soutien de famille!

Sa maladie, c’était ça, une simple couverture dans un contexte de déconfiture du lien humain, ce nounours qui la suivait depuis presque toujours pour la rassurer, seulement pour la rassurer… Avec elle, elle conservait cette part d’innocence, d’insouciance, qu’elle choyait tant. Est-ce un hasard si elle trouvait son unique répit auprès des enfants, comme pour remonter un peu le temps?

Astreinte par tant de lucidité, elle ne pouvait qu’opter entre se résigner et se révolter. Elle avait donc choisi de se révolter, sans plaintes!

Elle s’était élevée contre son propre corps, pour qu’il ne prenne jamais la forme du malheur, qu’encore il ne se fasse pas le reflet de son cœur étouffé.

Les opprimés, toujours finissent par s’insurger! Nous, français, nous l’expérimentons en cette fin d’année!

Mais une révolution pour ne pas être tout à fait superfétatoire, stérile, sans effet ni espoir, ne doit pas être sédition, frustration, encore moins agitation, non, une révolution pour être utile se doit au contraire d’être parfaitement canalisée, pensée et ordonnée, pour que les bouleversements opèrent un changement! Elle l’avait parfaitement intégré!

Ce qui la dévorait était enfoui et devait rester enfermé à double tour, pour nulle autre raison que par amour, courageusement pour ne pas contaminer son environnement, mue par cette intelligence de la vie à l’état pure, mûre, trop mûre!

Méticuleusement, elle avait transformé son corps d’objet à sujet; minutieusement, avec tant d’exigence, elle l’avait instrumentalisé, altéré pour que ne soit nourrie aucune autre question que celle de son autonomie!

Sa révolte, c’était alors de refuser d’être ce qu’elle aurait dû être ou ce qu’on aurait voulu qu’elle soit, sa révolution, c’était de contrer l’anti humain qui émanait de ces afflictions convenues, bien trop convenues.

La parenté n’est pas responsable de ce rapport endogène au soi, c’est vrai, mais pour autant avait-elle tort, tort de sentir le chagrin, tort de ne plus être capable d’en guérir?

Est-ce que ce lien humain que nous avions créé un jour, exempt de tout sentiment de pitié et d’anxiété allait suffire à l’apaiser un temps? Je l’espérais, elle le méritait…

Qu’avais-je en commun avec elle, avec elle et d’autres? A peu près tout… L’ultime sacrifice du lien, le chagrin d’en être contraints en prime… Comme pour ces femmes qui se sont retirées de la destinée de leurs enfants, pas par déni, non jamais ça n’a existé, mais parce qu’elles les aimaient, vraiment, extrêmement et que tout ce qui les importait alors c’était que le meilleur soit leur sort, leur ciel étoilé!

Car oui l’essentiel de la parentalité est logé ici, dans ce repère d’accession au bonheur, qu’on surinvestisse, qu’on s’efface parfois ou qu’on abandonne, tant qu’on donne un bout de soi, puisque nous sommes tous -au moins pour une part de nous- parents sous x…

Ma pupille, ma fille,

Alors que je t’attendais, une femme que j’apprécie beaucoup est venue me conter l’histoire de sa propre fille, sa fille, la sienne qui traversait alors une épreuve lourde et longue que certains qualifient de maladie.

Cette jeune fille d’une maturité et d’une subtilité de son monde absolument déconcertantes avait simplement été assujettie par sa nature : elle était devenue grande, tôt, trop tôt, animée par sa perception juste, précise, aiguisée comme un couteau, de ce qui et de ceux qui l’environnaient.

Son mal, son fardeau auraient pu s’intituler « ça fait mal de grandir! » et au fond, je crois qu’à ma façon, je les connaissais. Sa maman pensait que je l’aiderais peut-être, elle ignorait alors pour évidence que c’est elle, déjà si grande, qui m’éclairerait!

Parce que ma fille, oui, ça fait mal de grandir!

Chaque étape porte en elle sa part de souffrance : de la maturation du système digestif à la poussée des dents, des premiers petits chagrins du soir ou du matin à tous ces grands chagrins d’amour parois d’amitié auxquels il est impossible de sursoir, des appréhensions aux prostrations, des inhibitions aux insatisfactions, des convictions aux injustices. Même les contes de fée recèlent leur lot d’adversité, sans que rien l’on n’y puisse!

Adam et Eve étaient considérés êtres parfaits tant qu’ils n’avaient pas exploré! Quel message veut-on donc nous livrer? Eh bien à ne pas s’y tromper, celui qui consiste à avertir, à dire qu’il convient d’être puni un peu pour percevoir, pour discerner, pour concevoir.

Je sais, je le sais bien moi combien il est difficile de grandir. Mais mon trésor, je promets, je te promets que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour panser tes ressentiments, pour que tout le bonheur que je m’engage à te donner détourne un peu cette attention que tu fixes déjà si bien aux choses qui t’émeuvent.

Ma grande petite fille, tu es à peine née en cette humanité que tu as déjà tout pour toi : tu es délicate, gracieuse, vive, courageuse, douce et belle comme un ange! Mais de l’inné à l’acquis, tu auras et c’est heureux, un long chemin à parcourir et tant à découvrir. Car comme l’habillait élégamment Simone de Beauvoir : « on ne naît pas femme, on le devient! »

Moi j’ai passé 31 ans à tenter de paraître ; puis un matin, on a posé ta main dans la mienne et ton âme contre mon cœur et alors j’ai su qu’enfin je l’étais devenue cette femme que je voulais être! J’ai su que tout ce que je m’étais évertuée à conquérir, je l’avais fait pour aucune autre raison, pour rien d’autres que pour permettre que tu vives, pourvue de tout ce qui te servirait, de tout ce qui te nourrirait, de tout ce qui t’apaiserait!

Vis heureuse et en bonne santé ma princesse de conte de fées, je reste à tes côtés, je te prends la main, comme au premier instant, pour t’accompagner.

A la grande dame que tu es déjà, à ma grande petite fille, à toi Hadassa!

Ta maman, sous X.

 

Cri du coeur

Jamais, mon amour ne quittait la maison sans m’embrasser en me susurrant un « je t’aime » amoureux, pénétrant, soupirant un feu brûlant… Ce matin là ne ferait pas exception.

J’ouvrais les yeux doucement, timidement; il était assis là, de mon côté du lit, à me regarder intensément, épris, avec admiration, vénération peut-être, transi de peur… Et moi, saisie, je relevais le buste pour l’abriter contre mon coeur, qu’un instant il n’y ait plus pour lui ni chagrins, ni douleurs, qu’il n’y ait plus qu’un peu d’apaisement, le temps d’un câlin, d’un simple câlin donné à cet homme robuste, tellement épuisé…

Naturellement, le plus naturellement que j’y parvenais, je lui souhaitais une bonne journée! Au fond de moi, je savais qu’elle ne pourrait l’être, puisque demain… demain, son sort serait scellé et que quoiqu’il en serait, un nouveau bourbier nous attendait, lui, moi, nous, aussi forts même que nous serions!

Mon amour, à plusieurs reprises, avait eu cédé à la brutalité, à la cruauté de ses états, de ceux dans lesquels il était plongé à mesure des coups qu’on lui assénait volontiers, des blessures qui s’accumulaient! Mais moi… Moi, je n’avais pas pu craquer, me laisser aller, car alors il aurait fallu l’abandonner un peu et de cela, il n’en était pas question!

Ce matin-là, alors que mon adoré s’en allait travailler comme si de rien n’était, pour ne pas trop penser, ma contenance rompait sous le poids de tant d’années d’inquiétudes, de sollicitudes, d’incertitudes, de tant d’années d’émois, de tant d’amour…

Pour la première fois, même m’instruire, écrire, besogner ou m’efforcer ne me sauverait pas! Rien ne m’ôterait cette profonde prostration! Un spleen incessant s’annonçait, jusqu’à ce moment où il rentrerait et alors mon assurance effrontée rattraperait ma décadence, pour le tranquilliser seulement.

Ce matin-là, sûrement, explorerais-je enfin des vérités que je subtilisais à ma connaissance, ou au moins à mon intelligence! En agissant sur soi -comme je m’employais constamment à le faire, par souci d’éloigner les enfers- certes on modèle, on pétrit ses progrès, son développement personnel, mais combien de temps s’écoule avant que le moule ne se brise, que l’on se trouve soudain inopérant, avant que l’on se déprime?

Nous autres, êtres-humains ne sommes pas programmés pour être des « agissants sur soi », nous autres, nous ne nous sentons complets, comblés, que lorsque nous nous transformons en agissant sur le monde. Moi, pendant tout ce temps que je consacrais à nous protéger, j’hyper fonctionnais, parce que j’aspirais à changer l’univers! Mais le seul environnement qui vacillait finalement, c’était le mien…

Ce matin-là, je ressentais contre mon gré, comme une inanition de mon être, un spleen inexplicablement soudain, foudroyant!

Ce matin-là, ce mal qui me rongeait les sangs depuis si longtemps venait de se déclarer, de se manifester authentiquement, de livrer les clés de son identification, de son propre discernement : il se faisait si longtemps que mon remède guérissant, mon mécanisme de défense opérant consistait en ce moi « agissant sur moi » pour ne rien laisser transparaitre de ce que j’éprouvais, au prix de mes aspérités, de ma singularité!

Mais demain, qu’en serait-il de mes repères ancrés? Parviendrais-je à me retrouver? Qui deviendrais-je si demain l’on m’ôtait cet à bout de forces de résister? Serais-je encore capable de progresser, d’ambitionner, de désirer?

S’il était sauvé demain, le serions-nous? Qu’adviendrait-il de nous, de nos éphémères mais sincères instants de bonheur? Existerions-nous encore face à un bracelet pour seul adversaire? Je le voulais tant!

Ce matin-là, ma douleur -auparavant comme anesthésiée, opacifiée- perdait de sa blancheur, pour s’avérer tangible. Mes maux, si solitaires, compréhensibles, pourtant imperceptibles dans leur substance, avaient retiré leur cap d’invisibilité! N’étaient-ils alors plus tout à fait invincibles?

Libeller l’adémonie n’a aucun intérêt lorsqu’elle est lovée ici dans le corps, qu’elle s’est emparée de lui, a accablé le coeur! La solitude est un état difficile à accepter; cependant, moi, je l’avais adoptée cette indéfectible sensation d’être incomprise. Elle était mon habitude! Elle nous arrangeait, nous abritait, nous soustrayait des curiosités, moi et ma dignité!

Ce matin-là, je découvrais une autre manière d’appréhender mon isolement dans un nouvel élan et un  nouveau conditionnement, comme la capacité à être en relation avec moi pour m’écouter moi, m’entendre moi, seulement. J’avais là -face à moi- l’occasion d’une nouvelle rencontre avec moi, mais le souhaitais-je vraiment? Et si dans cette entente avec moi, il n’était soudainement plus besoin de l’autre, de mon autre, mais seulement envie des autres? Quelle sensation délectable, non? Quel danger de me soustraire à cette dépendance de mon état à son état, à cet évitement de moi au profit de cette emprise arachnéenne des soucis installés!

Finalement, je m’accrochais fermement à cette vie dont j’alléguais ne plus vouloir, que qui aurait eu pu souhaiter avoir?! Parce que dans cette vie dont je ne désirais plus jamais essuyer les effets, il existait une chose à laquelle je tenais obstinément, absolument, une chose sans laquelle j’imaginais consciemment ou inconsciemment ne savoir exister. Cette chose qui me désarmerait si on la retirait c’était mon instinct de réparation : je réalisais que sûrement, sans en avoir l’intuition, je m’étais évertuée à sauver mon bien-aimé, lorsque, bien plus tôt, faute de moyens, j’avais échoué à porter secours à mon premier amour, mon papa adoré!

J’avais créé ou psychiquement avalisé à mon insu les conditions d’une répétition à visée thérapeutique! Mon absolu dévouement avait cherché à rafistoler ce passé qui m’avait échappé faute de maturité; tout ce temps, voilà ce qu’il avait produit : il avait rhabillé ma vertu!

C’est en ceci que mon amour et moi nous ressemblions tant! Supporter la vérité de nos propres afflictions et des regrets de nos proches parents supposaient tant de déplaisir, de mécontentement qu’il valait mieux un bon arrangement avec nos esprits que trop en soit dit!

Ce sont ces enfants que j’ai tant chéris, moi et lui, ce sont eux qui ont interagi souvent, chacun demandant à l’autre de prendre soin de celui qu’il avait été! Ce matin-là, j’entrevoyais que demain ce seraient ces deux enfants-là que je serais incapable de protéger… Mon accablement s’était nourri de cela, de cette féroce réalité, de ce violent affront qui demain me serait fait!

Mon amour n’avait pas eu le courage de rentrer avant le nuit tombée. Je l’ai accueilli en le serrant contre moi puis nous sommes allés nous coucher. Aucun de nous ne dormirait, mais chacun le feindrait!

Je regarde mon réveil, il est si tard… Dans quelques heures, mon amour sera jugé! 

Coutumièrement, mon âme se maquille! Non, elle ne ment pas, elle camoufle simplement ses tourments sous un frontispice de Miss bien heureuse! Mais à cet instant, elle est si soucieuse qu’elle ne le peut! Mon souffle s’accélère à mesure que mes pensées fourmillent, mon regard s’éparpille par peur de se trouver en toi, par peur que tu te réveilles et de se reconnaitre en ton être, de se plaire encore, une dernière fois en ton coeur.

La malheureuse, un moment, s’apaise, puis peu à peu, se ronge les sangs jusqu’au malaise. Non pas qu’elle réprouve ton amour, elle le ressent, lénifiant, fascinant, mais elle éprouve ce que toi tu es, parce que justement ce qu’elle voit à cet instant c’est toi.

Oui toi, toi le soleil inversé, toi le voyageur qui te démène, le promeneur d’idées qui survole l’universalité, toi qui te fais le porte-parole de tant de vies brisées, toi qui te revendique de la lignée du danger comme d’autres le feraient d’une filiation rabbinique, alors qu’il s’agit davantage d’une infection que de gènes homéotiques.

Face à toi mon coeur et surtout à ces horreurs, à tous ces Amok en pleine décompensation névrotique, trop mesurés pour se faire mourrir mais bien assez chargés de frustrations pour te les faire subir, vais-je tenir? Demain, nous prendrons le risque de la vérité et de sa réplique en retour ou pire d’un soupir libéré, plus assourdissant qu’un rugissement!

Mon amour s’est endormi! Sans bruit, mon âme chuchote à son âme :

Chéri, sois courageux, ce n’est pas douloureux, ce n’est que ton imagination, une fausse information qui abreuve ton cerveau en quête de repos!

Dors bien mon ange, il est tard! Un cauchemar? J’entends que c’est pénible, indescriptible, je te promets, mais tu ne vas pas rester dressé, les yeux grands ouverts, appuyé contre l’oreiller, demain matin tu vas te réveiller tout vert! Attends, j’ai une idée : et si lors du prochain voyage en enfer, tu accrochais une corde à un rêve afin de t’extraire de cet engrenage? Etre prévoyant, ça peut-être salutaire!

Demain, souffre en silence! Ne vis pas leur indifférence comme une offense! A quoi cela te sert que les autres te mentent? Qui saurait porter tes tourments? Il semblerait que tu aies guéri bien vingt ans avant que quelqu’un n’ait sincèrement compati! Vingt années; elles sont passées comme une fusée! Tiens, on est en été!

Tu craignais que le monde ne continue à t’ignorer, combien davantage tu aurais dû t’armer contre le succès, cette longue étendue sur laquelle tu ne rencontres qu’envies et fourberies! Maintenant que tu as compris, qu’il va te faire bon de ne plus avaler que quelconque forme d’admiration qui encense puisse trouver un prolongement affectif et son intérêt conforme en sus! En somme, voici une leçon qui t’a rendu plus vif!

Il faut dire que tu leur en auras proposé des singeries! Combien tu as passé de couches de vernis sur ta figure? Allez, balance une couverture de vitriol sur toutes tes peintures! Si tu osais… Lâche le briquet! Tu n’avais qu’à pas aller à contre-courant de ce qui leur semblait évident! Si seulement ils savaient, si seulement ils le savaient cet homme que tu es, oseraient-ils vraiment venir te chercher?

Tu étais vraiment persuadé que tu serais en mesure de gouverner ta destinée, tant de fatalité? Arrête! Laisse aux autres l’enthousiasme de cette aberration! Nul ne peut s’ériger Maître du hasard! Que les fantasmes sont féconds quand on est con! Les veinards… C’est si doux le néant! Ton coeur si grand -lui- ne peut sursoir à la création de tant de malheurs à partir… à partir de quoi déjà? Ah oui de l’inexistant…

J’étais belle non? J’étais tellement belle en dedans! Pourquoi t’es-tu forcé -longuement- à ne pas me contempler? Que risquais-tu à rencontrer ta propre humanité? Tu tenais tant à me préserver, malgré tes maladresses, ma tendresse!

La prouesse, mon amour, l’hardiesse à présent n’est pas de mourir mais de vivre, toujours! Vivre, exister, espérer, lutter, se ramasser, se relever, se dompter, s’abandonner, progresser, danser, chanter, dépasser sa propre réalité et aimer, aimer sans méfiance, aimer à s’en oublier et à en crever.

Je te fréquente depuis si longtemps, je te ressens, je suis au fait que tu ne peux ignorer le cri de ceux que profondément tu te sais aimer. Que veux-tu, certains sont appelés à soulager ceux qui auraient succombé aux chagrins recelés que tu leur as si généreusement soustraits!

Je sais, je le sais que tu as mal. Lève ton visage, non ce n’est pas banal, pourtant ce n’est pas un mirage! C’est un petit bout de ciel, c’est mon soleil qui descend vers toi, un petit peu d’apaisement, un petit pot de miel pour ce héros insondable et remarquable, cet être singulier que tu as toujours été.

Shut, reste silencieux et tout ira bien! Dans les tréfonds de ton merveilleux profond, tout ira bien! Il n’est si longue épreuve qui ne touche à sa fin.

Le lendemain matin, mon amour s’est réveillé. Je n’avais pas fermé l’oeil de la nuit, mais peu importait! Moi je savais, je le savais cet homme qu’il était!

Alors, je lui souriais, comme si de rien n’était…

Lettre ouverte à Slimane Nebchi

Je ne suis habituellement pas une fan zélée de célébrités, ni même une admiratrice enthousiaste d’artistes français! 

Une dame n’est pas fana, que cela induirait-il en terme d’accessibilité lorsqu’assurément il s’agit d’un état qui dévaste un arcane, le fruit précisément de tant de sacrifices…

Et pourtant, je n’eus d’autre choix que de contrevenir à cette posture théorique, devenue imposture empirique, lorsqu’il m’eut été donnée de découvrir l’âme d’un certain Slimane Nebchi.

La première fois que je t’écoutai Slimane, tu n’étais pas encore connu!

Peut-être avais-tu participé à un ou deux télé-crochets dont je ne suis pas spectatrice mais la saison de The Voice qui t’élirait plus tard plus belle voix de l’année, sous le regard de millions d’individus subjugués, n’avait pas encore étrenné ta sensibilité valeureuse, illimitée et intemporelle, ton intégrité rare, contagieuse, et tellement heureuse!

La première fois que je t’entendais, je suivais des cours de théâtre au sein d’une école dont les façons n’avaient malheureusement guère d’effets sur mes émotions, quoiqu’elles aient fait illustration sur nombre de jeunes gens, sans hyperbole. 

Opiniâtre, je prenais les exercices destinés à la relaxation -prémisses inévitables à l’entrée dans le vif du sujet- pour un heurt intenable à ma pudeur, a fortiori quand il était question de se toucher le corps lorsqu’intraitable, j’étais venue trouver un projectif pour mon coeur!

Puis, un jour, le Cador des lieux se fit remplacer par sa fille et elle prit le parti de nous libérer de la corvée rituelle au profit d’une nouvelle pratique, le relâchement en musique… Bonheur…

C’est ainsi qu’au milieu d’une playlist Soul-Funk de qualité, se met à psalmodier intensément un chanteur français et instantanément, des larmes se mettent à perler sur ma joue!

Est-ce parce qu’il clame l’injustice d’une stigmatisation, d’un blâme constant et inique que je réprouve tant ou simplement parce que j’éprouve déjà la sincérité unique d’un jeune garçon comme il en est tant? 

Toujours est-il que me voici marquée par ce moment d’or, celui-la-même que je cherchais avec audace en m’inscrivant dans cette classe et qui me ramasse, m’empoigne et me soigne sur un coup du sort!

Quelques mois après, je te reconnaitrai sans tergiverser après que ma meilleure amie m’ait invitée à t’écouter en replay! Tu participais alors à cette émission -de variété certes- mais que nombreux prétentieux n’ont en fait la témérité d’affronter!

Puis je te suivrai des mois, des années finalement…

Il y a dix jours, enfin, j’assistai avec enchantement à ton concert au Zénith de Paris. 

Quelque chose de frappant se produisit : tu es entré sur la scène en claironnant « pardon et merci »…

Cela parait anodin? Mais qui… qui, aujourd’hui détient l’humilité, la simplicité, le respect, la conscience et la déférence de se présenter en s’excusant auprès des siens? 

A nouveau, j’ai pleuré… Oh, pas de chagrin, de reconnaissance, d’espérance…

Mais qui es-tu petit ovni? Qui es-tu au sein de ce monde nauséabond, trop souvent intolérant et violent!

J’ai eu la sensation… une sensation qu’il est moralement interdit de partager… mais puisque je l’ai pensé et qu’il m’est rarement arrivé de taire ce qui m’a traversée… la sensation que tu ressuscitais les déportés exécutés ou décédés d’épuisement dans les camps. 

Est-il d’ordinaire admissible qu’une jeune juive ashkénaze, un peu trop sensible et n’ayant que peu affronté, ose transcrire ces mots? 

Si en sus, l’on savait que je lis régulièrement le Coran, on me prêterait une conversion ou pis une possession pour accompagner ma névrose!

Malheureusement, nous évoluons dans une société cloisonnante et sclérosante mais au risque de m’enfoncer je m’explique quant aux bases de mon analogie impulsive du pire.

Les frères de mon grand père sont décédés à Auschwitz parce qu’à tort, ils croyaient en l’humanité : l’un d’entre eux était violoniste concertiste, il était artiste, il était utile avant d’être juif, s’imaginait-il! A la bonne heure… C’était sans compter sur les ennemis du coeur qui en eurent condamné autrement….

L’homme est naïf, oui, mais seulement puisqu’il est homme!

Il en fut aussi ainsi des soeurs de mon arrière grand-mère qui refusèrent de fuir ne souhaitant rien ouïr de cette horreur qui se profilait!

La femme est crédulité, c’est vrai, mais c’est parce qu’elle est bonté!

Alors mes grands-parents -sans jamais ne rien dire de ce qu’ils subirent- prirent le contre-pied de ce qu’ils se virent infligés et nous apprirent à aimer sans juger, sans différencier, à l’intelligence du coeur, aux sincères valeurs, au reflet des yeux et à l’honneur, non à l’appartenance communautaire et c’est ici que se loge l’essence de mon judaïsme, un judaïsme de mélioration, non d’exclusion. 

C’est ce que tu es à mon sens, lorsqu’avec élégance tu refuses d’objecter face aux obscénités, peu importe ce que l’on croit!

C’est ce que tu es, lorsque sans rancoeur, tu portes en toi l’humanité, dans toute sa simplicité, dans son absolue pureté!

Il n’y a pas de mots enfantins ni de mots compliqués – réponds-tu à tes détracteurs- il n’y a que des manières de les raconter.

Si tu sais les projeter et les amener à demeurer au plus profond de ceux qui – bien heureux- ont l’étrange idée de les écouter, c’est seulement parce que tu es bon!

Alors Grande dame ou pas que j’aspire à devenir un jour, je suis pleine d’admiration saine pour toi! Il ne s’agit pas ici de faire état de ton talent insensé, de ta voix éraillée ou de ton visage d’ange mais du fond de ton tréfonds et de ton authenticité jusqu’alors non ébranlée… 

Merci,

Avec mon entière considération. 

 

Pourquoi renonce-t-on?

On aime, on est sensibles souvent, à ceux qui nous aiment déjà en amont, comme emportés par un mouvement, celui -puissant- de toute la considération, parfois l’affection, l’admiration ou la passion qui nous sont portées.
Lui, j’avais choisi de l’aimer, au premier instant, sans même que nous ne soyons prédestinés, sans même qu’il ne m’ait encore aperçue, encore moins sue!
Il était trop tard, au premier regard, j’avais deviné sa mélancolie et tant de ses attraits.
Lui, j’avais choisi de l’aimer, lui et nul autre avant!

Peut-être revêtait-il une constante aux hommes ayant soulevé mon intérêt, la seule qualité commune à tous ceux qui m’ont infiltrée, touchée, bouleversée?
Longtemps, j’ai cru qu’il s’agissait d’une forme de puissance, physique, psychique, unique, une maitrise des âmes même les plus anciennes et de la sienne, une maitrise supérieure à la mienne. Finalement, c’est d’avoir été le fer de lance, le faire valoir, l’étendard dressé sur un champ de ruines remplaçant l’absence chez l’être le plus cher de notre entourage…
Elle était là, notre mutuelle reconnaissance!
L’enfant prodige -à défaut d’être prodigue, quoique- est un loup : solitaire, méthodique, prudent et protecteur. Lorsqu’il croise un autre loup, ses repères se déplacent un peu… beaucoup…
Un temps, il se réserve, il observe pour ne pas se sentir assailli; puis il renifle, mais s’il ne s’est pas enfui ni ne s’est infligé de gifle à la façon d’un apôtre, même s’il persifle, ça y est, il vous a adopté, il vous aime pour la vie… pour l’éternité, son éternité et la vôtre.

Je n’allais pas l’épouser…lui…mais sa philosophie oui!
Il m’avait permis de renaitre une seconde fois. Il m’avait appris à renaitre encore une fois, encore une autre fois et encore toutes les fois que je me manipulerais!

Nous savions qu’ensemble nous nous détesterions comme tous ceux qui « ensemble » oublient de respirer…
Rien n’est pire que la fusion! Nous la rangeons sur l’étagère de nos désirs mais alors que nous y goûterons, nous nous apercevrons que voici une énergie mortifère que cette absence d’autonomie affective, un excès de présence effective, une forme d’étouffement par strangulation…
Nulle n’était question de se mélanger, de se dévorer ni d’une quelconque norme, il s’agissait simplement de s’adorer, de s’entraider, de se déchiffrer, de se renfermer l’un l’autre sans s’enfermer, de se percer sans se pénétrer!
Mon coeur tremble d’avouer qu’il savait interpréter le moindre de mes mouvements, les moindres de mes hochements, la moindre de mes humeurs, qu’il savait départir l’enjolivement du vraiment, qu’il me confortait, me réconfortait sans sembler s’y employer.
Il m’avait offert de me trouver un peu, de me libérer, moi la jeune fille complexée, tourmentée et introvertie.
Je lui dois d’être moi, je lui dois ma vie, celle que j’ai choisie!
Il avait renoncé à moi ce soir d’été, pour ne pas briser mes billevesées, mes irréalités, mes chimères, ce qu’il devinait être ma vie rêvée ou mes espoirs aussi illusoires qu’ils puissent avoir été!
Mon histoire, il tenait à me la laisser expérimenter, il s’assurait de ne pas me tirer vers son monde réel, trop réel. Pour lui j’étais trop belle, à tort…
Il m’avait alors gagnée pour l’éternité!

Envie de toi, envie d’émois… T’attirer? Non, y résister sans quoi je nous trahis! Y a-t-il d’autres façons d’aimer?
Aimer c’est cette rencontre d’un autre qui nous attrape et nous échappe en un même mouvement, exactement, précisément…
La dé-rencontre c’est cet ultime rendez-vous en un endroit inattendu, inconnu où ce qui se déploie alors entre l’autre et soi nous intime de nous aimer encore, pourtant…

Toutefois… me départir de toi, c’est pour moi un tour de force, sans doute l’une des adversités les plus ardues dont j’ai eues à souffrir!
Te le dire? Non, vivre l’appréhension des effets de te le dire.
Tout n’a pas été comme je l’aurais voulu! Sans doute ai-je attendu que tu tiennes la pression ou plutôt la passion des instants que nous partagions et qu’après une journée à se promener les yeux bleus d’océan, tu réclames de revenir me chercher encore…
Je le clame, oui et alors?, alors même que je m’interdisais d’obtempérer…un peu comme pour ceux qui s’aiment trop pour risquer de se désespérer.
J’ai préféré renoncer pour continuer à t’aimer sans te contraindre, sans t’éteindre.
Aujourd’hui je sais que je t’ai adoré avec une immense maturité, maturité de construction, maturité d’appréhension, habillée de mes plus saines intentions. Je sais aussi qu’il n’est plus question de t’espérer.
Souvent, longtemps, j’ai prié de te garder près de moi pour toujours. Que mon voeu soit exaucé et que nous continuions à nous inspirer s’il n’est plus permis de nous aspirer!

Après tout, souhaitions-nous vraiment une codification romantique de notre amour, l’intrusion autocratique d’un impératif de développement conformé, d’un exclusif souvent simulé?
Quel amour avions-nous réellement élu, celui d’une édification sur fond de renouvellement travaillé ou celui d’une passion, fruit de notre infini imaginé?
La combinaison en est si inhabituelle, aurions-nous été exceptionnels?

Tu auras été mon heureux hasard… Un accident? Vraiment? Mais bien sûr que non!
Comment nous sommes-nous assurés de tomber amoureux, si fort? En étant nous-mêmes dans tout notre rayonnement, radieux que nous étions alors!
L’ironie c’est que pour qu’il en soit ainsi, il faut initialement un certain détachement émotionnel à l’égard du sujet, de son regard… Ceci, tout en manifestant dans un même élan un intérêt de fond et une compréhension du profond de ce dernier.
En somme il faut être amis!
C’est ici que réside toute la complexité des liaisons de vénération, de délicatesse et de tendresse, pas aussi sommairement dans leur élaboration évidemment mais dans leur naissance, dans leur essence!
J’avais saisi cette ambiguïté, cette subtilité et je m’en servais allègrement.
Sauf qu’une fois l’âme conquise, c’était souvent la mienne qui tressaillait, prise au jeu de cette reconnaissance partagée, de cette confiance sans équivoque, mieux de cette connaissance réciproque, trop rares…
Le désir vient de là, de ce toucher sensuel d’un esprit au coeur de l’autre, de cette saisie brutale de l’instinct amoureux aux tripes de l’autre, de ce sentiment de mélange de nos sangs en un tourbillon recouvrant notre raison…

Renoncer alors?
N’est-ce pas cruel sarcasme de la vie que l’être humain soit conditionné à renoncer à tous ceux pour qui, à tout ce pour quoi, il s’enthousiasme si sincèrement, si profondément…?
On renonce par peur de tomber en désillusion ou pire de causer déception.
On renonce par honneur, parce qu’on ne s’estime pas à la hauteur de son bien-aimé.
On renonce par confort, l’inconnu est frayeur de tous les âges.
On renonce, rompu, parce qu’on l’aime trop fort, tellement fort qu’on ne sait plus s’y exposer.

Pourtant, si l’on envisage l’appréhension du renoncement c’est que la plaie est béante, violente, déchirante!
Pourquoi éviter de risquer, de prendre la mesure, au prix d’une telle blessure?

Si choisir c’est renoncer, oh combien il est insupportable, épouvantable de choisir!
Je suis meurtrie, anéantie et pourtant… me voici protégée de l’avilissement, je persiste à renoncer tant que je subsiste.
C’est inquiétant, terrifiant et pourtant… c’est en renonçant que je comprends.
C’est instruisant, élevant et pourtant… je ne peux renoncer à implorer de ne plus jamais avoir à renoncer!

Prétends-je ainsi être maitrise plutôt qu’emprise, être guerrière plutôt que prisonnière, être indomptable au prix de ce qui est admirable?
Fière, je me suis redressée, mais ne me suis-je pas plutôt dressée contre la vérité pour conserver mes illusions, l’idée que je me faisais de toi, de moi, pour confier un sens d’importance et de raison à la liberté, la volatilité de mes émotions?
Me voici à la lisière du drame et de la poésie, le corps fort et saint, l’âme abîmée, sacrifiée par l’effet d’un abandon surhumain.

Le corps, objet par excellence de renoncement! Renoncement à l’innocence, à l’insouciance…
Etroitement lié à l’affecte, nous faisons rejaillir sur lui tant de nos sensations et de nos relations à nos autres ou pire à nous autres.
Il ne s’agit pas simplement de somatiser, il y a une sous-couche encore plus inconsciente abritée par le corps.
Souvent, les personnes qui exposent leur apparence -sans forcément flirter avec le farouche ou la nudité- par le biais d’accoutrements légers ou simplement de photographies et autres selfies sont celles dont la confiance est la plus déficiente, la plus meurtrie.
Je m’explique!
Prenons, pour exemple cela va sans dire, mon cas, pas si unique!
Adolescente déjà, lorsque je sortais danser avec mes amis, je me sentais très rapidement oppressée. Pourtant, j’avais moi-même décidé de me rendre jolie, si j’y parvenais, par un choix vestimentaire et quelques parures. Mais à l’instant même où un intérêt approchait ma chair, entendez tout autant mes yeux que ma plastique, je me sentais immédiatement agressée, au lieu d’y deviner de doux augure, d’en être simplement flattée.
Plus tard donc, je décidai d’analyser le paradoxe inhérent à ma réaction.
Il me fut suggéré que peut-être je ne croyais pas pouvoir plaire.
Cela semblait-il invraisemblable? Une intox?
Pas tant que ça!
« Avez-vous conscience que vous êtes une femme attirante! »
« C’est probable! De ce qu’on m’en dit oui. Je veux dire que je vois bien que les regards se posent sur moi de façon discrétionnaire. »
« Vous en avez donc une conscience primaire, mais vous n’y croyez pas! »
« C’est ça, c’est tout à fait exact, je ou une partie de moi, n’y croyons pas! »
Pourquoi ne m’en convainquais-je donc pas alors que tous les éléments concordaient pour m’en persuader? Quel cauchemar!
Il ne me suffit que de me questionner pour y apporter des éléments élucidant.
Toute mon enfance, je m’étais battue pour être le nec plus ultra du mieux : la mieux récompensée scolairement, la plus responsable familialement, la plus jolie des enfants, si tant est que j’avais alors une prise sur ma substance. Et pourtant, mon frère brillant mais néanmoins moins concentré que sa petite soeur, captait toutes les attentions; la galère tient la primeur au rang des intérêts de l’univers.
Mes succès étaient vulgairement classés par les miens, parents et grands-parents, dans la case normale, banale sans que jamais je ne pus apercevoir leur extase ni ne recevoir de remerciements ou a minima d’applaudissements pour mes efforts, qui en étaient pour évidence…
Pour évidence oui, de toute évidence pas dans l’esprit des miens!
Ma charte qualité jamais tamponnée, comment vouliez-vous qu’ensuite je crois sans peine qu’étrangers et lointaines amitiés apposeraient l’apostille?

Le second aspect de ma gêne a souvent soulevé des interrogations.
D’où tirais-je tant de pudeur à mon âge, de réserves dont le langage de mon corps inévitablement se faisait écho, voire miroir?
Je ressemblais à ces filles issues de familles enfermées dans le carcan de la culpabilisation religieuse et immobiliste qui s’ouvrent soudain au monde et ne savent alors plus où poser leurs regards, leurs âmes et leurs mains. Pourtant, mes parents, traditionalistes et encore pour papa sur le tard, n’avaient imposé que très peu de restrictions à ma vie de femme en préparation. Je le disais en amont, j’évoluais dans un parfait état de liberté, confinant à une forme d’indifférence subie, une négligence conforme et pieuse.
Peut-être que mon collier de fer à moi, mon joug, mon asservissement, mon assujettissement était davantage culturel que spirituel.
Mes grands-parents, tous, avaient été déportés puis rescapés, mais jamais un mot n’avait été prononcé à ce sujet, la thématique était scellée, enfermée dans le coffre-fort du secret dont les termes, le thème lui-même, jamais ne devaient être évoqués. Les corps servaient à camoufler les tourments amers!
Incapable donc de prétendre avoir été la victime au moins indirecte d’autant de souffrances, puisque je n’étais pas louable en en comptant romance, il me fut moralement imposé en prime d’adopter posture identique à celle que l’on m’avait opposée. Le mystère est en soi une version de l’affaire, le récit de l’indicible, des déchirures dont il est impossible de donner la mesure.

A mes dix-sept ans, alors que je venais de quitter le nid et que je devenais visiblement une femme, psychodrame de fait, je rentrais passer un peu de temps auprès de papa, maman.
C’était le plein été, il faisait très chaud mais j’étais grippée, je grelotais, alors je consentis à accompagner mes parents chez leurs amis pour le goûter mais si papa me prêtait un chandail.
Une fois arrivés, pagaille! Les femmes était encore à peu près sobres, mais les hommes méritaient l’opprobre! Avinés et enivrés dans la piscine, voici qu’ils me hèlent impoliment :
« Charlotte, viens te baigner! »
« Merci, mais je n’ai pas de maillot de bain. »
« Justement! » s’esclaffent-ils nigauds et inélégants se pensant inspirés et rebelles!
Mon pauvre père ne sut comment réagir aux débordements pervers, à la dépravation des plus petits instincts, de ceux qui inspirent mépris et répugnance, à cette inconduite en état de cuite de ses amis. Il resta bouche bée, choqué par l’offense que ces derniers venaient de lui faire -entre humiliation et confusion- et s’abstint dignement de se révolter. Il avait abdiqué.
A compter de ce moment, comprenez, quelqu’eut été le coup d’oeil qui me fut alors destiné, le seuil de tolérance était d’ores-et-déjà dépassé puisque l’honneur de mon papa était visé avant que mon coeur ne put lui être convoité! Je le protègerais coûte que coûte même mon loisir ou encore le délaissement du plaisir d’être seulement aimée.

Le corps, terrain de nos conflits intérieurs inavoués, de nos chagrins incontrôlés réels ou fantasmés, des débordements de notre coeur.

Chaque matin, en me préparant, je chante en couvrant plus ou moins habilement les voix de mes interprètes préférés.
C’est alors que Teri Moïse claironne son dévouement à son enfant nouvellement né, lui promettant de lui construire un monde idéal, de le prémunir contre les erreurs, les peurs et toutes les douleurs logées dans le mal.
Soudain, je me souvins que cette dernière se donnait la mort peu de temps après son engagement pourtant si fort…
Une question, une préoccupation m’accabla, qu’est-ce qui dans le psychisme d’une personne peut amener à un tel acte? Un acte à la charnière entre la force ultime, celle de défier la mort et la faiblesse aux abîmes, celle de renoncer à la vie.
Comment cette femme d’une sensibilité à fleur de peau, armée de tant de lucidité, en était-elle arrivée là, au bord du précipice, le pied au bord de la fenêtre, plongeant vers l’inconnu, loin de celui qu’elle aimait pourtant si sincèrement?
Le suicide n’est-il qu’une pulsion de mort? Un abandon de la vie?
Sont-ce les personnes les plus instables qui finissent ainsi?
Pourquoi constate-ton que les réalistes y sont sujets?
Comment se fait-il que jamais un religieux n’y va? Simple obéissance à injonction divine? Ou déplacement constant de ses idéaux vers un tout nouvel objet à la suite de chaque désillusion?

Pour l’appréhender, il faut réfléchir à ce qui nous anime, nous autres êtres vivants et indépendants.
Nous sommes tous bi-pôles -à défaut d’être bipolaires, quoique- entendons que nous sommes tous animés de pulsions antagonistes mais harmonieuses, connectées, connexes même : des pulsions de vie, des pulsions de mort ou en un langage plus technique, des pulsions érotiques et des pulsions thanatiques, des pulsions de plaisir et des pulsions de destruction, le désir et la répulsion, le laisser-aller et l’empire.
De la pulsion sexuelle à la plus élémentaire, celle de se remplir, nous nous délectons par satiété du goût et nous achevons avec dégoût.
Parfois en un même instant, la pomme est croquée, ainsi appréciée et pourtant dévorée, décapitée, éliminée à jamais.
Comprenez que tant que nos pulsions sont unifiées, nous fonctionnons, nous communiquons, nous échangeons, nous interagissons avec nous-mêmes et surtout avec les autres!
Imaginez à présent celui dont tous les espoirs ont été balayés, qui ne peut plus trouver satisfaction, se nourrir, prendre plaisir du monde extérieur devenu supplice! Le repli sur soi est impérieux et à défaut de mieux il va bien lui falloir trouver une source de ravissement, de jouissance dans l’anéantissement, son corollaire ou a minima élément concordant par nature, justement à défaut qu’il ne soit sujet à la psychopathie au sens strict de son état, en dépit de l’usure.
C’est ainsi que dans son monde intérieur, il n’est d’autres options que d’élaborer du meilleur et puisque personne ne nous attend plus ailleurs, la planification d’une auto-élimination devient jouissive, une organisation suspensive de tant de tourments, de blessures, suites d’incompréhensions, d’iniquités provenant de l’extérieur… Le passage à l’acte n’est alors qu’un aboutissement…
Vous avez deviné que le religieux ne s’y verra jamais confronté faute de réalité, d’altérité. Sa vie est un déplacement du symbolisme divin aussi loin que son imagination puisse l’y inviter et quand cette dernière se met à pécher, les vaticinations que son référent lui conteront y pourvoiront.
Il est désagréable pour moi de conclure que plus on est foncièrement humain, compatissant et incertain, un mal irrémédiable, plus on est sujet à l’irréparable…
A ces messagers de la vie, qui l’ont abandonnée.

Toi qui aime, autorise-toi, ne renonce jamais, à rien ni personne, pour rien ni personne!

Sans étiquette!

Je me suis toujours demandée d’où provenait cette nécessité de l’atour, cette infinie pauvreté d’étiqueter l’ensemble des relations, des situations, des émotions, des accessions que nous tissions, vivions, souffrions ou dont nous nous flattons?
Ne sommes-nous admis à aimer que lorsque nous nous conformons à un mode, à un code social ou filial déterminé?
Quelle importance encore de savoir que celui-ci est votre meilleur ami ou votre compère pour quelques heures, tant qu’il est sincère… de prévoir que celle-ci finira dans votre lit ou a réussi à envahir votre esprit, tant que vous raffolez de sa présence, tant que vous l’adorez alors…?

Peut-être ne suis je pas tout à fait sensée, mais je ne suis que rarement parvenue à dire pourquoi et comment j’aimais les présents!
Suis-je malsaine ou simplement humaine?
Bien sûr, je reconnaissais la caresse affective, parfois aussi la tendresse excessive qui naissaient en moi!
Souvent, j’en prenais la mesure! Et pourtant, -homme ou femme- je me risquais à les aimer pour l’éternité, quelle qu’eut été la nature de la flamme, quelle qu’eut été la somme des liens que nous avions noués.
Oui, comportement freudien s’il en est, où la réalité psychique et authentique prend le relais de l’objectivité pratique!

En moi, se disputent le principe d’exclusivité et celui d’universalité, discutent le joug de l’esprit et la vigueur du coeur, en moi se joue une lutte entre loup et brebis…

Suis-je Bouddhiste? Apparemment non!
Suis-je dangereuse? Certainement à mon endroit!
Suis-je malheureuse? Probablement, mais au moins ai-je donné le ton de ces instants, heureuse!

Récemment, j’ai senti la peine d’être avisée du décès du papa d’un ami, un Monsieur d’une infinie générosité et d’une si jolie bonté.
Ce Monsieur savait sourire, rire, bénir! Il savait flatter sincèrement, chaleureusement et offrait un peu de lui à chacun croisant son chemin.
Ce bon homme semblait savoir aimer son prochain, sans rien en escompter, sans vaines louanges, simplement avec le coeur, de l’intérieur!
Qu’avait ce Monsieur de si particulier dont notre société manquerait?
Vous l’avez deviné, de l’authenticité!
Cet homme croyait sûrement en Dieu de la bonne façon… ou alors c’était un ange, qui sait?,)

Balance ton porc! Mais quelle idée!
Tu veux vraiment le balancer? Alors cours porter plainte si franchement il y a juste sujet!
Dans le cas contraire et à défaut d’un fondement juridique recevable, comment penser que ces innombrables accusations aux contours d’infamie publique ne seraient pas iniques?
Nous assistons sous nos yeux, impuissant, à la transformation d’un mouvement de sincères dénonciations en d’abondants procès d’intentions vengeurs, ignominieux et déshonorants!
Un homme de ma connaissance, l’antithèse de l’homme sexiste, s’est trouvé piégé dans la spirale de la calomnie, une parenthèse malheureusement virale.
Une journaliste échaudée dans ses espérances professionnelles quelques années plus tôt -et de toute évidence à l’affût- l’a soudain pris à partie sur les réseaux sociaux pour avoir -dit-elle- eu le culot de lui faire des avances avec inélégance!
Je l’ai soutenu -mon ami- dès que j’ai su! Je n’ai pu qu’attester de son profond respect à mon égard : je lui plaisais et pourtant jamais un regard n’avait été appuyé ni une parole déplacée prononcée!
Je n’imaginais alors pas encore ce que cette étiquette subitement collée sur son front allait entrainer comme fâcheux retentissements!
Plus tard, je le rencontrerai autour d’un café et je réaliserai combien il en souffrait : une femme et des copains déserteurs, des contrats retirés, des honneurs rappelés, des enfants acculés…
Mais cet homme méritait-il pour un mot de trop le traitement médiatique de ses emportements?
Comment qualifier donc ce qui relève du comportement de l’importun ou de celui du taquin?
Qui en a qualité si ce n’est la justice?
Qui peut se targuer de détenir ou de tenir entre ses mains le juste curseur de l’état d’atteinte à l’intimité, à l’intégrité? Qui peut se prêter de la dignité lorsqu’il incrimine à l’aune de son seul sentiment de culpabilité inversée?
Cette campagne génère indûment tant d’excès, d’abus, un moyen en somme de combler certaines frustrations ou d’amalgamer l’immondice publique avec la gêne, la rancoeur ou toute autre question d’honneur d’ordre privé.
Tu ne mérites pas ça et je témoigne de ma personne ton immense respect envers tes amies femmes et celles qui n’ont même cette qualité.

Ainsi donc illustré, le danger d’étiqueter!
Et ce n’est pas parce que je m’élève contre ce simulacre de guerre sainte, contre ces oracles bien-pensants de la complainte, que je ne me soulève plus face à ces cochons machistes ni que me voici devenue anti-féministe; et que trépasse par l’effet de mon propre glaive si ma raison faiblit!

Bien sûr, je sais pertinemment quelle importance les dames attachent à l’étiquette, le prix y est inscrit! Ne me blâmez pas, ce n’est que de l’auto dérision…

Voici donc ce que profondément j’adjure au risque de faire tâche: et si au lieu de classifications, l’on décidait de préférer ausculter les âmes!

Franchement, est-il bien sérieux, passés nos vingt ans, de continuer à penser qu’il existe les « comme-ci » et les « comme ça », de presser ainsi les gens dans des catégories lorsque nous habitons un monde à la réalité vagabonde?

L’étiquette est génératrice, au moins incitatrice d’endogamie sociale, politique et sociologique, vecteur ou au moins facteur d’inceste rarement physique, trop souvent psychique!

Pour mieux vivre un jour, il faut être soucieux d’éthique!
Pour aimer toujours, il faut être libre, il faut donner volontiers de son coeur chez qui vibrent de jolies valeurs…

Voilà ce que je m’applique ici à vous démontrer!

Tous, nous grandissons habités de la plus belle des croyances originelles : celle d’aimer!
Oui, nous aimons nos parents dans un premier temps, dans le prisme de notre dépendance à leur égard, Dieu dans un second temps, ou en cas d’athéisme le regard disciplinant de notre conscience!

Mais pourquoi à l’âge adulte continuons-nous à nous observer à la loupe de nos confessions et adhésions au risque de l’exclusion ou pire de l’extermination?

L’humain a constamment besoin d’une mythologie pour l’accompagner, c’est sordide et pourtant limpide!
Remplaçons -pour voir- un culte par une autre entourloupe: imaginez une collectivité de quartier offrant accès à volonté à tous les gamins âgés de 13 à 20 ans avec Coca cola pour boire et trois gars pour trente nanas, pensez-vous qu’élire la vie comme théogonie leur semblerait alors inadapté?
« Niquer, stade ultime de spiritualité » estime-t-on soudain!

Pour extrapoler, l’étiquette n’est-elle pas l’instrument par excellence de persuasion, de fascisation du fanatisme?
Le totalitarisme par le spectre du langage réthorique et frénétique gratte la corde sensible, comme un plectre contre une guitare électrique en élisant l’infaillible, en démettant le nuisible, en prévoyant une disqualification de naissance!

Josef Mengele, son eugénisme odieux empreint des pires cruautés, de la gémellité forcée à la coupe des unités considérées comme affectées, en est le monstrueux témoin!

Hitler le premier, chétif et résolument brun, parvient à cacher cette dense évidence en asseyant l’ensemble de son système sur l’objectif suprême : l’Übermensch, sorte de super héros blond comme les blés, yeux bleus, costaud, puissant, résistant, indestructible…
Hitler manipule le sens paradoxal de l’être humain, il vient à bout de la plus triviale des flagrances par le biais d’allocutions ficelées et structurées!

« La parole s’adresse à nous, visant notre être, elle nous appelle, nous fait entrer dans l’être et nous y tient. » Heidegger.

Pour toucher par le verbe, il suffit d’épeler un être par ce qu’il recèle de spécifique : de ses caractéristiques individuelles jusqu’à ces banalités extérieures! Voici ce qu’Hitler exploite, il exacerbe le basique, afin que tous convoitent leur superbe!

Pour posséder, il faut nommer, il faut étiqueter!

Pour utiliser un paradigme relevant de l’intimité, prête à ta dulcinée tous les sobriquets qui te siéront mais si lors d’un instant d’une ultime tendresse, tu sais la nommer en prononçant -perceptiblement, sensible que tu paraitras et suavement si possible- son prénom, tu l’affrètes directement au paradis, tant elle se sentira concernée et incarnée!

Hitler a su donc nommer et apostiller du tampon qualité!

Etait-il un érudit en psychologie ou un instinctif de génie?
Sans doute un érudit en instinct, celui de Thanatos, celui qui exauce les souhaits du trépas!
Il est si difficile de déceler les subtilités de l’instinct : la psychanalyse s’y efforce avec tâtonnements tant sur lui rien n’a d’emprise!
Hitler n’a pas tenu à théoriser son instinct seulement à l’habiller.

Décortiquer le fanatisme -à l’instar du complotisme- c’est tenter de le vêtir des habits de la rationalité.
Or la sémantique ne suffit jamais à déconstruire l’instinct. Car étiqueter ne peut être le remède à étiqueter, sous peine de se trouver désemparé!

Se penser totalité rend dément, se penser achevé ou académie de la juste idée rend limité, borné et insensé!
N’est-ce pas aussi un acte de mini barbarie?
Bien sûr qu’il s’agit ici d’une forme de xénophobie, un pacte entre nous et nous pour n’avoir jamais à se confronter!

Risquer l’avenir, l’altérité, c’est risquer de perdre tout ce qu’on avait soigneusement amassé pour se conforter dans ses certitudes : ses habitudes, ses interdictions et ses permissions, ses petits arrangements avec soi, avec sa foi, ses perversions et ses transgressions. C’est risquer de voir le masque tomber, sans assurance d’être un tout petit peu protégé.

Pis encore, dans notre système de croyances, l’expérience n’est plus que phénoménologie, une sorte de « je ne crois que ce que je vois », limites de nos consciences.
Bienvenue dans notre civilisation autocentrée aux mirages sincères et donc invétérés, aussi dommageables qu’incurables, une société où l’on récuse la valeur de l’autre en ce qu’il diffère de notre propre étiquette, de nos propres usages.

Nous avons peur de nous-mêmes, nous sommes pétrifiés par notre propre liberté, nos propres libertés, et pourtant nous nous efforçons paradoxalement et constamment de retrouver ce qui a fait de nous des êtres vivants!

« Raconte-moi le monde » -requiert l’enfant- « tu n’as pas le droit de menacer mon esprit en m’imposant tes convictions, sans quoi, un jour, faute d’amour, c’est par la guerre que j’explorerai! »
Comprenez, il n’est nul effet que d’employer toutes ses dispositions au profit d’une collectivité ou d’une communauté sans l’accomplissement d’un devoir d’attention constant envers le singulier!

Trop souvent sommes-nous obsédés par notre identité, nos emprises deviennent nos hantises les plus coriaces, les plus opiniâtres!
Se souvenir, c’est s’oublier!
Se référer souvent -au présent- à sa confession, ses convictions, son éducation, ses liens et les siens, les espérer indubitables, indiscutables, c’est renoncer à s’explorer, à s’exposer, à l’inespéré…
Le théâtre de nos désirs devient un espace si restreint qu’il n’est plus même d’envies ni de vie!
Plus de fulgurance, d’effervescence, d’urgence, d’espérances, plus de vertige, de litiges vivifiants, plus de caresses ni de tendresse, plus d’émois, de joie sincère et légère, plus de passion, de dépression comme corollaire , plus de chagrin inutile, d’attentes infertiles, plus d’étrangeté, de fragilité, plus de mélancolie, plus de cris, plus de vie…
Depuis tout ce temps, il n’a été d’autres échos que son ego, un ego qui s’auto-acclame et s’auto-proclame, un ego tronqué, falsifié, à l’histoire trafiquée par sa mémoire, la souvenance de fausses réminiscences, la reconnaissance de sentiments, de boniments, l’adulation de référents, leurs photographies écrasant indignement famille et amis!

Zev Sternell prétend que « La Révolution est héritière des Lumières! »
Pourquoi ? Car en dépit de l’universalisme humaniste et idéaliste, ou peut-être par son fait, était réfutée toute forme de communautarisme au profit du particularisme.
Je n’adhère pas au mouvement tout entier mais à ce qu’il a offert de penser sa propre personnalité…

Je ne m’en cacherai pas, moi aussi j’ai mes étiquettes, mes loyautés chimériques, mes « parfaits » utopiques, mes réverbérations en boucles, mes visions escarboucles!

Pourtant je sais, je sais bien qu’il va falloir lui dire au revoir à mon monde illusoire, mon monde magique d’intimations destinées à l’évitement de mes déceptions!
Est-ce sans violence? Certainement que non, mais y a-t-il plus violent que l’absence de liberté car que reste-t-il alors d’humanité?

Ode à l’altérité…

Consensus ou pas!

Moykhel Toyves! Non merci! לא תודה
Consternation…
Je sais qu’il est midi, mais je ne peux rien avaler, j’ai comme qui dirait la nausée!
J’ai tenté de m’amadouer, je me suis répétée :
« Charlotte, shut, tais-toi, tu n’as pas assez d’ennemis comme ça? »
Mais bon, finalement, le consensus, l’aliénation, les « .on »s, non rien n’y fait, que voulez-vous, je n’y parviens pas!
Que c’est vilain d’être ainsi entêtée, me répétait maman… Je ne l’ai jamais écoutée!

Donc… Je lis ici et là l’adhésion collective à un dérouté aux opinions inconsidérées…
Je me répands en invectives!
Salomon n’était-il pas concerné par la paix?…
Salomon -lui- était un diplomate, pas un bureaucrate!
Celui que vous louez aujourd’hui use d’Israël non pas au service de convictions personnelles, loin s’en faut, ne soyons pas niais, voyons!… Non, Trump plonge Israël dans un chaos, lui infligeant de nouvelles sévices!
Il use d’Israël pour tenter d’appuyer, ou plutôt de récupérer (le mot est scient) une domination égarée sur ledit « Monde Arabe » dont les réalités et autres dissensions sont bien plus compliquées que l’appellation!
Il use d’Israël, conscient qu’il est de sa position stratégique géographique unique…
Il use d’Israël et de tout un tas de sacrifiés potentiels et nous l’applaudissons?
Une nouvelle Intifada vient d’être semoncée, Israël déploie des enfants de vingt ans, nos enfants, pendant que Trump se gargarise d’un effet d’annonce?
Pauvres de nos soldats…
Dieu y pourvoira? Mais sous quelle emprise êtes-vous? David n’a jamais eu compté sur Dieu… David, lui, était Chef des armées…

Voici ce que j’écrivais deux vendredis auparavant, le jour du coup d’épée asséné dans l’eau par le Président des Etats-Unis, dont la portée symbolique d’une décision non encore exécutée me semble bien de moindre ampleur, déplacée qu’elle est en réalité pour revêtir alors une toute autre valeur, celle du rapport de force pour ne pas proposer l’allégorie du mesurage d’épée.

Non, je ne suis pas rebutée par l’écorce, dirigée par mes préjugés à l’égard d’un ringard frénétique et borné, intolérant et virulent systématique, davantage sectaire que téméraire!

Sur le fond de la question, puisque vous me poussez à manifester mon opinion… Mais si… la voici donc :

Le peuple juif ès-qualités, à l’instar de tout autre peuple et notamment du peuple arabe qui en aura conquis plus de deux cent, est fondé à s’établir en son Etat et à choisir le rabe de l’Empire qui berça son souvenir.
Cependant, qui contredira que cette attribution par l’entremise occidentale et autres prises martiales s’est réalisée au prix d’une frustration incurable des présents?
Selon moi, par conséquent, aucune paix -jamais- ne sera plus structurable, rien ne permettra d’y parvenir! Que nous ferait donc penser qu’une intensification des affrontements offrirait d’y aboutir?
Je suis d’éducation juive, figurez-vous et à ce titre, j’ai la vie humaine à coeur, c’est bien ma veine!
Notre conscience juive nous enjoint-elle d’avoir Israël ou d’être Israël? J’opte pour la seconde solution.
Il ne s’agit pas là de résilience, bien sûr que nous nous attacherons à garder notre pays, bien sûr que nous nous défendrons, mais nous n’avons pas à mon sens besoin du vacarme de l’Occident qu’une immense partie de la société israélienne déplore.
Nous avons besoin de résister, fort de notre honneur, à la lumière de nos valeurs, même lorsque les prises d’armes deviennent nécessaires.
Tsahal -l’armée- a été formée sur un principe défensif et non offensif, pas banal! C’est ici que se loge notre plus grande dignité, c’est ici que se forge notre plus belle fierté!
Les fondateurs de l’Etat d’Israël n’étaient pas iniques et aussi laïcs qu’ils eurent été, quoiqu’ils fassent, quelles qu’eurent été leurs décisions, ils avaient la magnanimité de Yossef, Moshé, Shaul, David et Schlomo en mémoire.
Continuons -je vous en conjure- de faire grâce à l’histoire!

Revenons à nos moutons.
Non, parce que Donald, le conflit Proche-Oriental, ces sujets-ci ne sont que la halde qui sert à soulever, stimuler, exalter les passions; tout ceci n’est qu’une vulgaire stature, une couverture, un détour pour emmener l’affirmation de sa différenciation, de son identité sociale, un attrait vital au prix du reniement de sa réflexion.
Forcer le trait du non consensus, un us accoudé à la modernité!

Deux matins auparavant pourtant, mon papa semblait particulièrement bouleversé.
Peut-être même -sans que je ne l’en eus soupçonné- avait-il versé une larme, bonté qu’il ne réserve d’ordinaire pudiquement et avec charme qu’aux logorrhées et autres équipées de ses deux enfants…
Outre l’amitié et le respect qu’il lui vouait, assortis qu’ils étaient d’une admiration sincère et appropriée, je crois que c’est un peu d’espoir pour l’humanité que mon papa vit s’envoler, en même temps que Monsieur Jean d’Or (plutôt que d’O) nous privait soudain -nous les français- de ses acuités et nous laissait, sans ses lumières, affronter le noir, notre seule perception pour y sursoir!
Les français -je disais donc- soudainement s’entendait à qualifier celui que Pivot participa à révéler aux moins initiés d’Académie de perfection, ses écrits, sa vie de trésor pour notre civilisation!

Puis le lendemain, Johnny le rejoignit, semblant embarquer avec lui la symbolique des plus hautes aspirations de l’humanité, la seule, l’unique : celle d’être en mesure de donner tant « d’Amur » et de générer autant d’inspirations.
L’indescriptible feu que logeaient ses yeux en avait été l’imprescriptible caution.
Et ce matin-là me vint alors une interrogation, point pour le moins brûlant : qui donc les français allaient-ils pouvoir désormais ériger en utopie, en référent qui ne saurait être contredit?
Même Rochefort, son heureuse intégrité, sa délicieuse dérision ne pouvaient plus se proposer….
Un mythe s’en était allé, la France -contrite- allait devoir trouver un nouveau sujet d’unité…

Heureusement que Wauquiez venait de remporter la présidence des républicains, à une quasi-unanimité… Humour Noir!
Un déboire pour la démocratie : un accord aux antipodes du prochain transport d’un accord….

Simone Veil alléguait que les grands débats sont l’astuce -si ce n’est le fracas- indispensable à l’éveil d’un consensus encastrable dans les codes de tolérance, d’hardiesse et de sagesse de notre France!
Pour rappel, Simone Veil c’est cette femme, rescapée des camps d’extermination d’Auschwitz-Birkenau et de Bergen-Belsen, qui défendit au péril de son avenir et de son devenir, la loi emportant légalisation de l’avortement.
C’est cette femme parmi les femmes, ce supplément d’âme à qui l’on planifiait de retirer l’humanité et qui allait s’assurer de la corriger, de l’embellir, de l’affranchir, de l’inspirer à jamais!
Simon Veil, c’est cette femme d’audace et de convictions qui fit utilement et dignement opposition aux consensus et aux menaces pour donner vie à un consensus inédit : le droit de choisir sa vie.

Alors le consensus? Empire des frêles ou des forts?

Nous prospérons dans une forme d’hallucination consensuelle par le vecteur digitiforme des médias, informations et autres réseaux sociaux, par le prisme senseur de la norme, du mariage aux usages, de l’ouvrage aux hommages, à l’aune de l’absolutisme, du dogmatisme et de la tyrannique opinion publique!
D’esclaves de corps, d’esprits libres que nous étions prétendait Sophocle, voici que nous sommes libres de corps, esclaves d’esprit! Aujourd’hui, le principe de précaution est devenu précepte, un standard au regard d’individus adeptes de revendications sociales, craignant terrorisme et accidents à tous les instants, un curseur que l’on déplace au gré de nos peurs, des avis de la collectivité, des fluctuations de l’économie…

Jamais les servitudes n’auront été si volontaires, jamais les attitudes n’auront été si indolentes, nonchalantes, par conséquent délétères.
A vouloir à toute puissance notre asservissement, à approuver avec indulgence hiérarchies, obédiences et exigences nouées autour de nos vies, c’est au purgatoire, au mieux en détention que nous résidons.

Pourtant, de Sarah à Rivkah, de Moïse à Yaakov aux prises avec Dieu (figure allégorique de l’ange) au point de s’en voir attribuer le nom d’Israël (celui qui s’est battu avec l’Eternel) tous les grands -pour que le monde change- se sont insurgés, révoltés ou au moins exprimés!
La sagesse ce n’est pas de se soumettre, la sagesse c’est d’influencer jusqu’à Dieu lui-même, quitte à le compromettre!

On obéit sans sourciller à cet autre à l’intérieur de soi, à qui il nous est impraticable de mentir, qu’il nous est insupportable de trahir, qui n’abdique pas, même sous la torture, même supplicié….
C’est la notion d’introspection, c’est l’acception de Dieu non au sens de Providence mais de Toute Puissance!

Comprenez! Le consensus aliène, il déresponsabilise, pire il dépersonnalise, il morcelle l’essence, l’existence entre raison et pulsion sans ne jamais les contenter encore moins les combiner : un agent anxiogène, pathogène et mortifère!
Nous sommes de chaire pas pour que nous l’ayons molle, mais pour que nous soyons de parole!
Nous sommes de chaire pour que nous soyons espoir et vouloir!
Nous sommes de chaire pour que l’on transgresse pour nos promesses.
S’accommoder, se résigner n’est pas autorisé lorsqu’il est offert de préférer, d’argumenter et d’aimer!

« Risquer sa vie » l’une des plus belles expressions de notre langue!
Anne Dufourmantelle théorisait ce risque à partir de la vie et non de la mort, du désir « dont nous n’aurions ni connaissance, ni maitrise, d’un amour encore inconnu, d’un évènement. » C’est fort de café!
Personne ne saurait aimer s’il est encore attaché à un système de pensées.

Kant dans sa « loi morale » imaginait un point d’appui en nous -une universalité- sur lequel nous pourrions nous fonder, à partir duquel nous serions libres de penser, libres d’exister au seul risque d’une intelligence aussi secrète qu’ouverte.

Il s’agit simplement de ne se fier à aucune conception préfabriquée, à aucune représentation prédigérée, à aucune idée figée en positions, en postures, en convictions sans appréhensions, sans objections, sans contestations, pas même un murmure, avec le cran de prendre en soi la responsabilité d’une ardue liberté qui ne se risque qu’à mesure où elle se trouve menacée.

Le nazisme n’a-t-il pas généré ce consensus indu?…
La normalité est jaugé à l’aune de ce qui est communément entendu en son temps et peu nombreux sont ceux qui iraient contre le vent au prix de leur propre liberté, peu nombreux sont ceux qui ne s’engouffreraient dans leurs états d’âme, qui s’improviseraient résistants pour le seul salut de leur âme, pour leur seule sérénité.

Cela sert-il le monde franchement?

Il y a un mois de cela, je me suis retrouvée au coeur d’une altercation entre des soldats Vigipirate et le conducteur d’une automobile. Témoin de la scène, forte de mes valeurs, j’ai cru de bon ton de m’interposer en faveur du civil -pourtant innocent- et ait à mon tour été le mobile d’une agression circonstanciée, armes au corps, menacée de me voir tuer si je révélais leur identité, pour avoir noté leur plaque minéralogique… à tort… hurlait déchainé et hystérique l’un des prétendument garants de l’ordre public…
Partie porter plainte au commissariat de mon quartier, forcée de constater que leur volonté n’était autre que celle… d’étouffer le dossier…
J’ai envoyé un courrier recommandé au Procureur de la République, mais n’en ai point plus engagé, consciente que je suis que la pomme pourrie n’a pas contaminée l’arbre en son entier, soucieuse et respectueuse…

Scandalisée par la réaction des policiers qui couvraient éhontément, effrontément même le danger que représentaient les logés au poste de police, je m’en suis épanchée auprès de mon complice qui pour la première fois depuis tant d’années d’amitié a relevé que j’avais sans doute pêché par manque de sagacité, par un utopisme, un idéalisme sincère mais candide et ingénue.
« Ils s’estiment habiter au sein d’une république bananière » m’a-t-il jeté lucide « tu aurais dû préméditer leur réaction! »

Aurais-je dû me complaire dans une négation de l’action pour éviter déception et vilaines émotions?
Du monde magique que l’on s’est créé pour l’adorer à la réalité à laquelle nous sommes confrontés malgré notre propre volonté, on y laisse toujours un peu de sa souveraineté?
Rien n’est alors gâché! « L’essence du révolutionnaire n’est pas d’opérer le retournement en tant que tel mais de porter à la lumière ce que le retournement comporte de spécifique et de décisif! » soutenait Nietzsche.

Risque sa vie pour le progrès est constituant de l’humanité.

Les idéaux contrariés sont une cruauté raffinée à laquelle l’altérité nous assujettit.
Mais cette douleur est douceur face à l’acceptation que bien penser ne promet pas toujours d’être le vainqueur du duel d’idées…

« Il y a des remarques meurtrières qui sont dites d’une voix douce, il y a des violences qui se font caresses pour mieux atteindre le coeur. »

Alors non je ne tiens pas à être une anti consensus systématique, je cherche simplement à ne pas mourrir de mon vivant.
Je ne feins pas, je n’applaudis pas à grand bruit! J’avance, en évitant les faux-semblants, en m’exposant tout le temps, en transgressant frontalement, je brave l’entendement inique, consciente de mes entraves, de ce qui me retient comme la chèvre de Monsieur Seguin…

Je suis chiante, c’est vrai, mais c’est pour aimer, seulement pour aimer…