Itinéraire d’une enfant gâtée / 1

Sur la route de Montussan, je succombe en apercevant le Château du Lort : une grille magnifique, un nom antique… Château dit-on, mais une fois traversée l’exploitation, terrain de quelques vingt deux hectares de vignes, voilà qu’il s’agit d’une modeste bâtisse, face exposée ravalée et luisante, face cachée en pierre ancienne non nettoyée. Ce plaisant édifice n’est pas plus récent que la Guerre des Trente ans, il date du début du dix-septième siècle. Il inspire à quiconque l’admire un sentiment de majesté tout autant que d’authenticité, en somme, tout ce que j’aime et aspire à devenir.

Et me voilà arrivée au Château de la Moune, qui, encore une fois, en dépit de sa royale dénommée, s’avère être une belle maisonnée de quelques 1000 m2. J’y dors…On m’attribue la chambre rose dont le décor est une prose : la logeuse a osé le lin dans les beiges-rosés, un havre de paix! Ma terrasse et en face un jardin… Une moissonneuse batteuse laissée à l’abandon –charmante- et des confitures ensorcelantes que la grand-mère de la propriétaire… non une dame âgée que tout le quartier, que dis-je, toute la contrée nomme « ma grand-mère » a préparées, comme elle le fait chaque jour, avec de l’amour et les fruits de son verger, pour les distribuer.

L’homme qui seconde la patronne, nez rouge et un peu chargé s’en est allé de Paris essoufflé, pour chercher son ivre de paix, l’élitisme de l’éthylisme. Non, il ne faut pas se moquer, comme disait Alfred de Musset, « Aimer est le grand point, qu’importe la maitresse, qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse ». Allons, « vive L’amour que l’ivresse accompagne »! C’est vrai, fuir la détresse devrait suffire; sentir la nature qui le caresse, ce devrait être ça son ivresse. Mais passons…

Après tout, si je piote dans cette maison d’hôtes, c’est avant tout pour aller visiter Bordeaux et ses à-côtés; et je suis subjuguée! La perle d’Aquitaine ne mérite plus le surnom de « belle endormie » qu’elle traine encore aujourd’hui.  La jolie s’est bien réveillée, sa pierre a été lavée et depuis quelques années, elle est même classée au Patrimoine Mondial de l’Humanité pour ses sensationnelles constructions. C’est Paris, mais un Paris où planeraient décontraction et d’éventuelles insolations.

Le style de la ville? Du second Empire, à la parisienne… Haussmann n’y est pas tout à fait étranger. En effet édifiée à la même époque que Paris, Bordeaux a été façonnée à partir de pierres issues de carrières composées du rejet de calcaire marin survenu il y a quelques cinquante millions d’années. Elle est couleur sable, c’est une splendeur!

Ce soir-là, je dîne au Gabriel, un restaurant place de la Bourse, ancienne place Royale, le double de notre place Vendôme, exceptionnel! J’observe les gens…Il ne me semble pas que beaucoup d’entre eux votent socialistes… Non pas que je le sois, surtout en ces temps de dictature par l’effroi, mais je trouve ça toujours triste, sans doute est-ce mon éducation qui veut ça?

Le lendemain, je visite Saint-Emilion : des vignes à foison et des grands noms proprement posés sur des cloisons… Tout ce que tu as humé, dégusté, rêvé de goûter ou au moins dont tu as entendu parler. Ca existe vraiment? Non, réellement, ça fait un drôle d’effet.

On me propose de voir le Château Guadet, je me laisse tenter. Je pénètre dans les caves de l’établissement, c’est presque effrayant, mais enfin, si l’on m’oublie là, j’aurai de quoi m’abreuver! L’inspection des souterrains touche à sa fin, j’arrive dans la salle de production du vin, j’apprends… que je ne sais rien. Puis, cours d’œnologie. J’achève la matinée riche d’un savoir qui vaut largement un diamant.

J’emprunte à nouveau les chemins verdoyants qui me mèneront vers mon prochain logement… le Château Pape Clément… Fascinant! Bon il faut avouer que Pessac c’est une poubelle, mais le Château, lui, il te met une claque visuelle. Attention, la référence papale n’a pas qu’une valeur historique, elle est bien actuelle. Pourtant, même si tu n’es pas catholique, vas-y, c’est une expérience unique. Et puis l’intendant, qui me raconte comme on se délaisse d’un secret trop longtemps gardé qu’il est le dernier à avoir vu Lady Diana en vie alors qu’il travaillait au bar de nuit du Ritz hôtel, est comme tout droit sorti d’un conte. Je vis un moment enchanté!

Prochain départ direction Clermont de Beauregard. J’ai trouvé sur internet l’adresse du Manoir de Beauregard, je me suis laissée porter par le hasard et le hasard m’a gâtée. Au milieu des champs de blé, je découvre une ancienne ferme retapée, fabuleusement décorée, avec élégance et simplicité par une anglaise dont la beauté a été à se damner. Respire, ça sent bon la sérénité! La piscine déborde sur la jetée comme la volupté s’installe dans ton corps sans que tu ne l’aies appelée et tu en demanderas encore…

Changement de décor… Je reviens en arrière, je dors au Château la Rivière. Monsieur Grégoire, le propriétaire, ancien vendeur de machines agraires, s’est offert ce modeste cadeau. Le village se trouve à quelques cinq kilomètres de Saint-Emilion et le taux d’occupation y est proche de zéro. Dans le château, grand de quelques centaines d’hectares, aucune chambre n’est habitée… Je suis seule… Ca ressemble à un film d’horreur; non non, je n’ai pas peur! Le lendemain matin, je me réveille saine et sauve, ouf! La femme du gardien m’a préparé un bon petit-déjeuner avec de délicieuses confitures-maison. Je lui demande de pouvoir en emporter un peu, juste un pot ou deux, elle accepte… à contrecœur! Je l’observe chercher dans sa réserve en pagaille de quoi obtempérer et je la vois remplacer chaque pot qu’elle déniche par un autre de plus petite taille, comme on ouvrirait une poupée russe. Pendant sa quête, elle sortait la tête de son gouffre avec le sourire espérant que je ne m’en aperçusse. C’est comme ça…L’absence de générosité, il n’y a pas pire malheur, mais le malheur est pour ceux qui en souffrent.

Cette nuit-là, je voyagerai avec un ami qui avait prévu de conduire jusqu’à Perpignan et me déposerai sur son trajet, afin que je continue mon circuit, pour mon plus grand agrément et « avec plaisir » m’a-t-il assuré. Pourtant, à cet instant, je ne me doutais pas de ce qui allait arriver…

La suite de mes péripéties dans mon prochain récit.

2 réflexions au sujet de « Itinéraire d’une enfant gâtée / 1 »

  1. Anniversairedunerencontre

    Fort heureuse de mettre d’écrire en ce jour sur ton blog et qui plus est sur ce magnifique morceau de balade dont désormais je ne tiens plus de découvrir la suite ! J’en profite en ce jour, un peu particulier pour écrire quelques mots d’amitiés, qui j’en suis sure mettrons en valeurs tes qualités mais aussi sont les prémisses d’un futur. Oui, c’est aujourd’hui l’anniversaire de ma rencontre avec une jeune femme extraordinaire. Lorsqu’on te sait femme d’un Homme on se demande comment pourrais tu être tout autant extraordinaire, et je le dis sans être économe. Non tu n’est pas dans l’ombre, tu es belle et bien dans la lumière, forte de ton caractère et ton tempérament que tu sais user à bon escient. Charlotte Ticot sait être femme, mais aussi une amie. Sa plume mise à jour depuis plusieurs mois mérite d’être mise en avant puisque sa passion réussit à nous mettre tous en émoit. Tour à tour curieuse, intrépide, philosophe et engagée, tu es passionnée par ton épopée. Continues donc tes jolies phrases et tournures en nous faisant prendre conscience des réalités de la vie, et faisons en sorte que malgré la distance cette amitiée dure. Chapeau l’artiste ! 😉

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  2. Charlotte Ticot Auteur de l’article

    Je n’ai pas de mots pour répondre à tes si douces et si élogieuses paroles. A part que tu es de ces rares personnes qui savent allier à la perfection intelligence du coeur et de l’esprit. Et je n’ai pas de doute quant au fait qu’en dépit de la distance et des limites qui s’imposent à nous, nous développerons une amitié sincère et durable, à vie! Je t’embrasse

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