Un grand homme

Cette semaine, j’ai rencontré un grand homme. Un homme dont la renommée assomme, un homme qui marque son temps, mais qui pourtant -à n’en plus douter- témoigne d’une intégrité qui ferait de l’ombre à sa poigne, d’une humilité à la hauteur de ses valeurs.

Cet homme a réussi sa vie! De façon incontestable, il a soutenu l’insoutenable, réalisé l’impensable et vu l’ensemble de ses projets couronnés de succès. Seulement voilà… voilà que mon postulat tremble. Escorté par son allure puissante, l’homme a creusé une ébréchure dans mon axiome. Il m’a rappelé que quand la vigueur est au rencard, le bonheur est bien souvent au placard. L’impossible ne supplante pas le possible, à l’inverse, bien souvent, il le renverse ou le plante, carrément!

Alors avoir réussi sa vie, c’est avoir une famille, des enfants, c’est en profiter à chaque instant, avec ou sans argent, troquer son or contre un vent de paradis, laisser ses soucis à l’enfer et aimer sa mère. Euh… à qui vous vouliez faire gober ça?

Bien sûr, prospérité n’est pas succès; pour sûr, le blé est l’ennemi juré de l’amitié. Evidemment, c’est une nécessité d’en posséder. Pour autant, c’est une notion qui souffre de relativité. Et c’est notre envie de consommer qui nous pousse à toujours repousser notre gaieté et avec elle notre destinée. Change tes priorités, aspire au devenir et non à l’empire. Il ne s’agit ni d’asservir, ni même d’obéir mais de grandir.

Cet homme qui rêvait de devenir roi, par chance d’avoir passé son enfance dans la joie, n’a pas eu peur de suivre sa voie/x. Pour lui, nul besoin de prouesse pour faire florès, il suffit d’une idée et de la propulser. Affection, ambition, création et c’est assez? Non il faut encore la passion, il faut aimer ce que l’on fait, aimer son métier à en perdre la raison! A bien le regarder, c’est peut-être bien là le secret du succès. La recette paraît simplette? C’est une illusion! Il faut essayer puis échouer, réessayer et essayer davantage. Il faut s’armer de patience et de courage et garder confiance, je t’assure, ça déménage!

Voilà, avec tout ça tu devrais arriver au sommet, et après? Eh bien après, c’est la valse des difficultés, des contrariétés, des fausses-amitiés et des inimitiés déclarées, ta postérité n’est plus qu’héritier, plus rien n’est enchanté, tout est compliqué, tu es envié, dévisagé, sollicité, débordé, épié, traqué, un peu trop imposé, parfois même emprisonné et évidemment à cet instant abandonné… Essaie, tu verras, à l’instar du savetier, tu voudras rapidement rendre ses écus au financier pour recommencer à chanter (Fable de La Fontaine).

Reste un attrait: les femmes seront à tes pieds. Ah là oui, ça présente un grand intérêt car passé un certain pallier de commodité pourquoi s’acharner? Eh bien parce que Madame n’a pas fini de dépenser, eh oui! Alors retourne travailler…

Non mais plus sérieusement, tu tiens vraiment à être opulent? C’est irrésistible, tu n’atteindras jamais ta cible, cheminement sans dénouement…

Jamais tu n’as été aussi entouré, des milliers de petites bestioles volent autour de ton portefeuille ; pourtant, à aucun moment tu n’as été aussi seul. Tu es seul, tu es seul dans tes raisonnements, seuls dans tes sentiments, seul dans tes accomplissements, seul dans ton génie, seul jour et nuit et c’est infini; tu es seul parfois savoureusement, mais souvent douloureusement et tu paierais le prix pour retrouver ta vie d’avant. Comme si, tel un diamant, le meilleur sort que l’on te réserve lorsque tu deviens important, c’est de te faire solitaire… Mais tu ne choisis pas d’avoir du talent et tu prends le lot complet, la totale; comme disait Stendhal, voilà le revers de ta médaille: comme l’aigle, plus tu t’élèves, moins tu es visible et tu es comme puni de ta grandeur par la solitude de ton âme. Qui veut encore postuler pour le succès?

Présupposé: toute personne dans une situation d’autorité incontestée et libre de patron et de toute contestation, court un danger: celui d’en abuser. Eh bien figurez-vous que le bougre est humain avant tout. Il sait écouter, il sait remercier, il sait partager et faire preuve de générosité. A croire que l’intelligence ne met pas forcément la clémence à l’index… Il semblerait même que la munificence soit le conducteur de la magnificence, à bon entendeur!

Bon tu as le droit de ne pas avoir envie de lui ressembler et l’imposition est là pour te conforter, en même temps que le voile qui cache parfois ses étoiles. Mais attends, il est beau, il paye ses impôts, il s’agenouille même devant sa progéniture pour leur lacer les chaussures. C’est irritant! Le pire c’est que si tu voulais l’imiter, tu es mal barré, il ne souffre pas de contrefaçon, c’est un être d’exception.

Alors, il ne me reste plus qu’à vous aviser: sachez que le plus grand des hommes ne sera jamais aussi grand que la femme qui sait l’accompagner et plus encore que sa grandeur ne sera qu’à la hauteur de l’amour qu’il offrira à l’élue de son cœur.

Une réflexion au sujet de « Un grand homme »

  1. Alain Nahmias

    J’aime le format intermédiaire entre le roman et le twit, la conclusion me séduit, la précision des mots m’irrite par son perfectionnisme, vous êtes humaine après tout!

    Répondre

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