Pervers!

La séduction -de tout temps- fut affaire de manipulation.
Pour autant, faut-il être résolument pervers pour réprouver l’immense affection que -sincère- l’on éprouvait pourtant!
A-t-il formulé le voeu de faire cesser l’intense battement de coeur qui -devenant pénible- le bousculait?
Espérait-il se défendre d’une douleur possible?
Cette flamme -qui eut l’allure d’un amour et se voulait prendre l’apparence de la plus pure des ardeurs- s’est éteinte.
Notre étreinte, la chaleur d’une si belle tendresse -telle une caresse à l’âme- pour toujours s’est interrompue.

Classique, me direz-vous?
Détrompez-vous! Ca ne l’est jamais avec un sadique narcissique.

Oui, c’est bien cela dont il est question.
En voici mon analyse, un fait d’inductions!

Non, je ne pallie pas l’absence d’une thérapie; non seulement je la suis, mais en plus ce n’est pas de moi dont il s’agit! …Pas uniquement de moi ,)
Je ne réalise pas non plus mon introspection en m’épanchant sur papier; moi, égocentrée, vous plaisantez? ,)

Je vais donc vous épargner mes sujets de dépression chronique et préférer vous livrer l’objet d’une de mes observations critiques.

L’on aime davantage prêter aux autres les visages qu’il est bon de recéler au lieu de les assumer.
Mais enfin, c’est mieux ainsi comme l’explique Boris Cyrulnik : il est de bon augure de vouloir faire bonne figure aux nôtres! L’homme malsain, lui -et c’est pire- est tout à fait éhonté, puisqu’il n’existe aucune altérité, aucune réciprocité dans son monde enchanté : le voisin n’est qu’un pantin destiné à nourrir son plaisir.

Il va sans dire que pour ce satyre, le désir de l’autre n’est ni à considérer, ni à élaborer : méprisé, ballotté, maîtrisé puis peu à peu, peur à peur, automatisé, de sujet qu’il était, cet autre s’est transformé en objet au gré des désidératas de ce destructeur de personnalité.

Tout au mieux, notre autre dénaturé et domestiqué tel un animal aura le droit d’être le pâle reflet de ce que le mauvais souhaite magnifier.
Ce dernier distingue dans le regard de sa proie un mirage : par l’artifice de tant de fascination, d’admiration, d’égards et de soummission, ce dingue -se sentant adulé- se trouve soudainement une image aimable.

Formidable, invraisemblable, insupportable…!

Mais cet asservissement ne pourrait avoir total effet si le malfaisant ne s’efforçait pas de rendre son client tout à fait dépendant.
Comment s’y prend-il?
Facile!
Voici la recette -commune à tous les prédateurs- de ce miroir aux alouettes : une monstruosité préméditée, habileté et virtuosité au service de ses vices!

Cibler, mobiliser, chaperonner, dénigrer, diminuer voire écraser, se montrer conforme en société, transposer, victimiser sa pomme, apporter soi-même le soluté, ne jamais abandonner.

– Règle numéro une : choisir un ange, une fée ou un totem de bonté comme objet.

Qui mieux qu’une bonne personne, douée d’un sens des responsabilités, dotée d’un idéal éthique et d’aspirations utopiques, portant en elle la plus belle des conceptions du bonheur et de la justice pour de bon coeur consentir à tant de sacrifices, subir son avarice et ses caprices, éponger névroses et les pires psychoses?

Est-ce à dire qu’il conviendrait de renoncer à toute forme de billevesées, d’espérances satinées, ou de confiance partagée pour se contenter d’une fade réalité?
Evidemment que non, aucune progression, aucune réalisation n’existerait sans la pommade des souhaits et illusions.
L’adoration elle-même se construit depuis eux.
Aucune relation, aucun amour ne sont alimentés sans le jeu de l’illusion.
Dieu en est le témoin et le gardien, un truisme garant de l’altruisme.

Ceci posé et en dépit de ce que je viens d’exposer, il est patent que face à la monomanie et à la schizophrénie, aux confusions, obsessions et à ce guets-apens latent, le recours à l’illusion soit proscrit à la faveur de la connaissance et de la conscience de son agresseur.

– Règle numéro deux : se confier, s’épancher, faire pitié, en appeler aux instincts protecteurs de son « mal-aimé » de fait.

La vie l’oppresse, les siens l’oppriment, la perversité des volontés, la noirceur des intérieurs, la fatalité et l’adversité se sont liguées contre lui.
Il est le gibier parfait, le butin d’un lutin sorcier!
Et il n’y a que toi pour le soigner, seul(e) toi peut le sauver, sans toi sa vie est terminée.

C’est dire le privilège qu’il t’offre face au sacrilège qui lui est commis!
Tant de considération mélangée à de l’obligation que de refuser serait hérésie!
Mouais…

– Règle numéro trois : Rabaisser, déprécier, inférioriser, blesser, discréditer, vilipender, épuiser, annuler pour acquérir une meilleure estime de soi, sursoir provisoirement à sa propre détestation, conquérir le pouvoir, avide d’approbation, sans compassion!

Hystérique, paranoïaque, patraque… Autant de qualificatifs pour désigner celle ou celui que soudainement il n’aurait pas choisi ni volontairement embrassé(e), mais qui lui aurait été imposé(e) par la vie.
Pourtant, ne serait-ce pas lui qui serait toxique, dans cette relation à sens unique au sein de laquelle tout est inique, a fortiori ses récurrentes critiques?

A l’appui de son émouvante argumentation, de sa touchante démonstration de l’anti-romance qui lui est infligée -avis d’expert- son éloquence comme corollaire à l’acte pervers.

Notre narcissique cultive le verbe acerbe pour culpabiliser, déstabiliser et servir son ultime vérité!

Sans compter qu’il a sélectionné un partenaire d’une humilité sans pareil, qui -non convaincu de sa valeur, loin s’en faut- sera sans aucun doute persuadé de ce qu’au vu de ses failles, quelques entailles au coeur de la part de son soleil constituent un salut à ses yeux, l’éventualité d’être aimé. Enfin il parait…

– Règle numéro quatre : être suffisamment vicieux pour se prémunir correctement contre le fait que son souffre-douleur pourrait bien utiliser son « savoir parler » et se confier.

Deux étapes s’avèrent plus prudentes qu’une seule!
Première soupape : se montrer séducteur, socialisé, joyeux, généreux, désintéressé, voire même plaisant et amusant, afin de neutraliser les peurs de l’environnement de son bouc-émissaire, ça va de soi!
Il réfléchit, il faut qu’il renvoie une forme de normalité qui nous endorme, son meilleur alibi.

Deuxième chape : éloigner subtilement les plus profonds attachements, la famille, les amis, ceux qui pourraient être alertés par un changement de comportement, ceux pour qui la compréhension ne serait pas abscons : railler, désavouer, puis menacer et se rendre indispensable.
Le succès est inévitable!

– Règle numéro cinq : trouver une façon organisée et efficiente de se défendre de toute douleur pour préférer prétendre subir et ressentir de la rancoeur, expulser ses propres démons et les faire couver ailleurs, tiens, pourquoi pas par l’autre con en face de soi.

Le plus efficace reste pour cela de pousser sa victime à bout jusque dans ses retranchements, de telle façon qu’il ne lui reste plus d’autre choix que de devenir à son tour assaillant et qu’il advienne raisonnable de penser qu’elle fut de tout temps responsable de l’état de ce pauvre petit innocent qui dut se forger une carapace!
Pas fou notre sain rebelle!

De mains de maître, de bourreau le voici bibelot, torturé, si longtemps muselé, inféodé à la menace de tout son être.

– Règle numéro six : c’est pas grave! Il ne vous en veut pas, il a la solution!
Vous allez vous vouer à réparer ce que vous avez maladroitement cassé.

Il vous aime encore voyons, à vous de l’aimer plus fort : vous portez en vous les propriétés de la résolution de tous vos problèmes… à condition de faire des efforts tout de même!

Quelle ironie!
Vous êtes avertis du danger et pourtant vous verrez que vous vous y tiendrez et vous vous enchaînerez encore et encore car rien ne vous paraît plus dur que de le laisser s’en aller.

Et pourtant… rien n’est plus sûr que jamais il ne le ferait!

– Règle numéro sept : vous êtes dompté(e), je ne vois pas pourquoi il vous détacherait?

Le travail est terminé, il ne lui reste plus qu’à s’attacher à détruire indéfiniment votre vie et abolir les moindres résidus de vos envies jusqu’à ce qu’il n’en existe plus et ce à l’infini…
Et voilà, pire que de devenir à ton tour dépravé(e) ou simplement dénaturé(e), voici seulement que ton âme s’est habituée et c’est là le drame!

Alors je t’en supplie, je t’en supplie mon ami(e), entends mes silences, offre-toi une renaissance, tu le mérites plus qui que ce soit ici bas!

Lis, ris, chante, réinvente, vis!
Ne troque pas tes idées contre une sécurité en toque, ne t’empêche jamais, laisse-toi déborder d’amour et de gaieté, je suis là pour t ‘épauler!

Et tu sais quoi, n’enterre jamais tes illusions et ne renonce pas davantage!
Trouve ton propre désert, celui qui ne ment pas, qui ne revêt aucun déguisement, ni ne s’habille de faux-fuyants, mais qui te permet tous les mirages et qui sans invective t’ouvre les plus grandes perspectives.

Bon courage!

Ton amie….

2 réflexions au sujet de « Pervers! »

  1. Schlomo Goren

    Bonjour,
    je lis seulement maintenant votre texte (« pervers »). Intéressant.
    C’est un sujet que j’ai travaillé pour l’avoir enseigné en le liant à la question de la violence, en général, qui est mon créneau d’expertise.
    Si vous êtes intéressée, je dispose d’une bibliographie incomplète.
    Permettez-moi encore une remarque sous forme de compliment : votre photo de profil est belle.
    Cordialement.

    Répondre

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