Archives mensuelles : avril 2014

Aucun parent ne connaît son enfant!

Aucun parent ne connaît réellement son enfant… Maman, si tu me lis, n’y vois rien de personnel, c’est fonctionnel! Et puis, finalement, aucun être humain ne connaît réellement son voisin, au moins avant de l’avoir écouté vraiment, avant de n’avoir écouté son cœur pleurer, de n’avoir entendu son âme hurler, n’avoir pas seulement regardé ses lèvres bouger, pas seulement discerné ses cris, segment de sa pensée.

Il n’y a là rien de cynique. Je m’explique!

J’étais en voyage à Amsterdam -n’insistez pas, je ne vous dirai pas pourquoi- et outre la légèreté des dames et la gaieté ou plutôt le carnage des camés, j’ai visité la célèbre mais non moins funèbre Maison d’Anne Frank.
Vous avez tous évidemment entendu parler de cette enfant, restée cachée avec ses parents pendant plus de 2ans, du 6 juillet 1942 au 1er août 1944, dans l’annexe de l’entreprise d’Otto Franck, le père de famille, afin de tenter d’échapper à leur triste sort, celui que leur réservaient les nazis.
Je dois préciser qu’appréhender la shoah, c’est par héritage, toujours un peu complexe, dans nos lignées juives de l’Est. Et puis, pour être tout à fait honnête, je craignais -puisque nous portons traditionnellement un bagage de culpabilité tout particulier- de ne rien ressentir en pénétrant cette maison vide d’habitants qu’on m’avait virtuellement forcée à habiter à pas moins de cinq ans; d’en sortir indemne quoi!
Eh bien, il n’en fut rien. Car -sans minimiser tout ce qui a trait à cette doctrine qui abomine et à tout un peuple, aux miens, qu’ils soient juifs, français ou de toute autre contrée, traités comme des chiens et exterminés et pour ne pas redire ce que d’autres ont pu décrire mieux que moi- deux autres éléments, que dis-je des fondements, ont à jamais marqué ma façon de réfléchir et avec elle mon devenir.

Anne… Mais qui pouvait imaginer qu’une petite fille était capable d’autant de profondeur, d’analyser sa condition et de disposer de son propre bonheur, de mesurer sa chance, de faire face à la providence avec audace, d’accepter l’inacceptable et maîtriser sa vie, sa destinée avec autant d’optimisme que de réalisme et d’abnégation.
Preuve en est… En dehors de son journal qui fut un trésor d’authenticité éclairée et la façon la plus impériale de témoigner, il est communément raconté qu’une fois déportée, ce n’est que lorsqu’une amie de la famille lui apprit que ses amours étaient tous partis, commettant une erreur fatale puisqu’Otto était alors toujours en vie, qu’Anne perdit sa manne et, comme une rose qui se fane prématurément, se laissa doucement aller et abandonna ses pétales dans la flore abyssale, l’allée de la mort.
Ah…si seulement la petite fille avait su que son père était rentré sauf de la guerre -une donnée qui valait de l’or, celle qui lui aurait fallu pour que se réchauffe son corps- peut-être se serait-elle battue un mois de plus, le mois de la liberté et de toutes ses velléités, puisqu’advint alors la libération.

Quant à Otto Frank, il eut besoin de plusieurs mois avant qu’il ne transgresse la promesse faite à son enfant. Il ouvrit son journal intime et il y découvrit ce qu’il était loin de soupçonner: sa petite fille était devenue, au fil de sa vie souterraine, une adulte sublime… une femme qui, loin d’être une victime, s’exprime et ranime chaque jour la flamme qui l’habite, l’habite elle et tous ses colocataires. Quelle est belle cette petite!
Et là, Otto dit quelque chose, se dit quelque chose, quelque chose qu’il nous fait partager et qu’on entend très bien, quelque chose qui nous fait tous souffrir, que l’on soit d’un côté ou de l’autre de la proposition et sans exception : « Aucun parent ne connaît réellement son enfant ». Et puis, finalement, aucun être humain ne connaît réellement son voisin, au moins avant de l’avoir écouté vraiment, avant de n’avoir écouté son cœur pleurer, de n’avoir entendu son âme hurler, n’avoir pas seulement regardé ses lèvres bouger, pas seulement discerné ses cris, segment de sa pensée.

C’était ça l’objet de Politiquement Inconnus, voyez-vous; au fond, c’est elle qui m’a inspirée!
« On ne connaît vraiment les gens qu’après avoir eu une bonne dispute avec eux » disait la demoiselle au caractère bien trempé, à l’individualité affirmée, à la personnalité singulière (c’est un pléonasme mais j’y mets tellement d’enthousiasme).
Et bien j’ai voulu disputer de tels sujets, ceux qui font notre société, avec vous, avec tous les administrés, afin de m’assurer que jamais leurs volontés, vos volontés ne soient passées sous silence: même des invectives, pourvu qu‘elles s’inscrivent dans l’histoire!
Un devoir de mémoire oui, mais aussi un but: ne jamais sursoir à agir quand on est sincère, ne jamais attendre plus d’une minute pour commencer à changer le monde.
Pourtant, ne va pas t’imaginer que c’est facile d’être le point de mire des critiques! J’ai pris un risque! Mais enfin, tant que je pourrai continuer à regarder le ciel sans crainte, je tâcherai de secouer l’univers, mon univers et l’ensemble de l’humanité et de laisser mon empreinte partout où l’on noue notre esprit et avec lui notre sens de l’intelligence et de la tolérance, partout où l’on essaie de nous prendre pour des cons.

Lorsque j’écris, je ne suis ni nantie, ni indigente, ni affreuse, ni jolie, ni ignorante, ni intelligente, ni grivoise, ni bourgeoise, ni méfiante, ni confiante, ni malheureuse contre toute attente, mais je suis consciente et aimante, juste moi avec émoi, je suis une petite Anne Franck qui souhaite que jamais plus place ne soit faite aux extrêmes, ni que jamais plus une telle dame ne se fasse voler son âme.

La vie est courte, n’attendez pas que ceux que vous aimez ne soient plus, écoutez-les mais écoutez-les vraiment…